Les derniers rois mages

Dans son roman, Maryse Condé accorde une grande place au mythe du rêve américain et à ses limites.
Le processus de mythification s'exprime par un espoir omniprésent, par une fascination pour ce nouveau monde et pour la richesse culturelle qui s'y trouve.
L'Amérique est présentée comme un message d'espoir lorsqu'un peintre noir est médaillé pour la première fois. Pour la population noire, c'est un espoir qui semble aboutir, enfin.
On remarque une fascination pour L'Amérique lorsque Spero et ses deux frères se comportent comme des élèves auprès de Debbie qui leur donne des "leçons de politique". Cette fascination est d'autant plus forte que l'Amérique et le rêve américain évoquent des images de l'enfance. Maryse Condé décrit, par ailleurs, les belles rues de Charleston qui produisent un effet puissant sur Spero habitué à des paysages différents, ceux des Antilles.
Mais si Maryse Condé semble mythifier le rêve américain, c'est pour mieux le détruire ensuite. Ce rêve est artificiel, les mythes ne sont rien de plus que des objets vendus et commercialisés pour faire rêver.
Devant le regard fasciné de Spero qui découvre les rues de Charleston, l'autrice fait intervenir Debbie pour qu'elle démythifie cette beauté. Cette dernière n'aime pas ce décor car il est construit par l'exploitation des siens...
Maryse Condé rappelle les images stéréotypées qui ne sont pas glorieuses : des "nègres en fuite". Un rêve d'enfant bâti sur cette image de noirs en fuite est alors inacceptable.
Un roman extrêmement intéressant qui ouvre la réflexion.

Le roi Behanzin, dernier roi du Dahomey qui résista à la conquête française, a été exilé à la Martinique puis est mort en Algérie. Maryse Condé a imaginé qu'il avait laissé une descendance aux Antilles. Ce récit, jonglant en permanence entre les époques et les personnages, suit une famille noire entre Afrique, Antilles et Amérique sur plusieurs générations. Tous portent le poids de cet illustre ancêtre vénéré : il est leur fierté et leur gloire mais ils en sont écrasés. Il y a d'abord Djéré, le fils qui ne parvient pas comprendre pourquoi son père l'a laissé là. Incapable de rien faire de sa vie, vivant au crochet de sa femme, il va se consacrer à l'écriture de "Cahiers" où il essaie de retrouver son père et sa gloire. Son fils Justin et son petit fils Spero suivront le même chemin de décrépitude et d'incapacité, tandis que les femmes de la famille les tiennent à bout de bras. Spéro est le personnage le plus développé et le plus attachant. Il épouse une américaine, militante de la cause noire, fascinée par les origines royales de son amoureux puis déçue par l'artiste raté.

Le passé africain fantasmé d'un côté et de l'autre l'Amérique noire et blanche, glorieuse de la lutte des Noirs, mais aussi un peu fantasmée. La femme américaine de Spero voudrait être fière de son père et en faire une victime du combat glorieux des Noirs mais la réalité est autre ..
La fille de Spero choisira de partir travailler au Bénin, renouant avec les racines familiales.

Maryse Condé, comme à son habitude, nous restitue des coutumes antillaises et tout un art de vivre significatif des îles. Dans ce roman, elle privilégie la magie, le mystérieux, les différents rituels. Elle met en scène les descendants d'un chef africain qui vont tenter de perpétuer les traditions. Seront mis en avant toutes les contradictions, les tensions, mais également toute la générosité des guadeloupéens.