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Critique de ahasverus


Dans sa Théologie de la Provocation, le slavophile Gérard Conio entend reconstituer l'arbre généalogique des systèmes de domination, de Yevno Azev (1869-1918), agent provocateur de la police secrète du tsar infiltré chez les socialistes, à nos jours.

"Frappé par les récurrences qui composent le mouvement de l'histoire" depuis la fin de l'empire tsariste, il dresse un tableau des constantes de la domination des masses, invariablement basé, depuis la période moderne, sur le principe du bouc émissaire, ce ciment de "l'ensemble du corps social dans la lutte contre des ennemis publics."

Conio s'intéresse bien sûr à ceux dont l'altérité fondamentale et la dispersion ont fait le bouc émissaire par excellence : le peuple juif. Il revient sur le Protocole des Sages de Sion, ce faux traité de domination concocté par les services secrets du Tsar et utilisé par les nazis.

Le temps passe. Les bergers changent. Les boucs aussi. le troupeau, lui, a échangé un maître, désigné et assumé, contre une soumission à un "nouveau pouvoir anonyme et impersonnel", réservé "à un nombre de plus en plus réduit de personnes, elles-même éjectables, interchangeables ."

Dans la lignée d'une religion qui, sous couvert de péché originel, nous condamnait à travailler durement dans l'attente du bonheur dans une autre vie, notre société capitaliste est en fait une "démocratie totalitaire" qui, profitant d'une confusion entre le possible et le réel, nous asservit sous le prétexte d'un bonheur à portée de main.

Le système "proclame la primauté de l'individu sur le groupe, vise, en fait la disparition de la notion même d'identité individuelle." La politique occidentale, précise Conio, "se donne toujours des objectifs fondés sur une protection mensongère et illusoire. Pour créer le consensus indispensable à ses visées de domination, l'Occidentisme a toujours besoin de fabriquer des boucs émissaires, des ennemis publics qui sont l'objet de campagnes de haine et de diffamation." L'essayiste rappelle les récentes mystifications de l'Occident : les charniers de Timisoara, les couveuses du Koweït, les armes de destruction massive de Saddam Hussein... et les fours mobiles de l'Ukraine dans lesquels la Russie ferait disparaître les corps de ses soldats morts au combat.

Et "Le plus grand mal se commet désormais au nom du plus grand bien". Car sous couvert d'une idéologie humanitaire le "désir de l'Occident (est) d'assimiler tout autre pays", non pour faire le bonheur de ses adeptes, mais pour les inclure dans sa sphère d'influence, et en faire des "colonies d'un type nouveau."

Professeur de l'Université de Nancy, responsable des sections de russe et de serbo-croate, auteur de nombreuses traductions d'auteurs russes et polonais, Gérard Conio, qui dit avoir acquis la passion de l'Est alors qu'il était lycéen, offre une vision différente, sinon opposée, de notre société. Convaincu que "ces révélations ne sauraient ébranler une opinion mondiale acquise une fois pour toutes à la répartition du bien et du mal", il livre au passage quelques réflexions intéressantes sur la religion, ou sur le déclassé, "homme de trop" qui n'a pas sa place dans son milieu d'origine, et dont "la première tâche à résoudre sera la destruction du monde ancien."

Un essai bien écrit, qui ne laisse pas indifférent. Quelques notes utiles en bas de page pour vous aider à vous y retrouver entre les Zinoniev, les Tourgueniev et les Azef. Si les "parousie", et autres "consubstantielle" ne constituent pas pour vous des repoussoirs insurmontables, vous trouverez sûrement matière à penser dans les 200 pages de cette Théologie de la Provocation.

Merci à l'équipe de Babelio et aux éditions des Syrtes pour cet ouvrage bien intéressant qu'un voisin m'a déjà chipé.
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