Un Fable Cruelle Inattendue
Prenez garde, il n'est pas bon et encore moins conseillé de mettre ce livre entre toutes les mains, nous sommes loin du Pays des Bisounours, et si l'auteur nous dupe par une illustration plutôt enfantine, il vous suffit de vous approcher de ce roman pour vous apercevoir qu'il n'est pas dédié à la jeunesse contrairement à nos attentes, mais bel et bien à vous chers lecteurs ; adultes courageux et à milles lieux de vos peurs d'antan … il vous rattrape !
Une Histoire Inspirée
Indéniablement, l'auteur s'appuie et s'inspire de contes ancestraux, si je puis dire, en semant tel le Petit Poucet ici et là quelques personnages rencontrés par chacun de nous dès notre tendre enfance ; de plus, l'idée d'utiliser l'objet même de livre comme « transporteur », comme pivot entre deux mondes fait également écho en nous, je penses à présent à l'oeuvre de
Michael Ende, «
L'Histoire sans Fin » (vous vous rappelez ce petit Bastien tapi dans son grenier avec cet énorme « bible » surmontée d'un serpent entrelacé ?).
Enfin, l'expression « inspirée » prend tout son sens en ce que
John Connolly, homme d'imagination et de verbe qu'il est, ne s'est ni limité à un simple emprunt servile, ni laissé enfermer par les prédispositions notoirement révélées de chacun des protagonistes.
On assiste à une mise en scène déjantée, cruelle parfois … l'enfant que nous étions se retrouvera nécessairement bouleversé, en mal de repères dans ce travestissement à grand échelle, qui n'aboutit pas, comme on l'a déjà trop observé dans le cas des réadaptations, à une médiocre caricature, je vous rassure.
La hauteur et les risques pris par l'auteur font de cette fantaisie une épopée authentique et incroyablement vraie, paradoxalement, l'horreur côtoie notre palette émotionnelle et sensorielle avec grâce, on ressort véritablement grandi de cette lecture … mais j'y viens justement.
Tu deviendras un Homme, Mon fils !
Je me dois de vous avertir cependant que vos premiers pas risquent d'être difficiles, personnellement, dès le premier chapitre, David m'a littéralement barbé, l'enfant blessé par la perte de l'être le plus cher, sa jalousie maladive pour son jeune frère, le rejet de la nouvelle structure familiale, autant de lieux communs qui font vite d'un roman, une histoire oubliée.
Mais je vous en prie, percevrez, car ce n'est finalement qu'un mauvais moment à passer afin d'atteindre la splendeur dont regorge l'imaginaire de Connolly.
Un monde de cruauté emprunté au livre de contes classiques dont les enfants ont l'habitude de la lecture – les codes changent – l'enjeu aussi.
S'il n'y a rien de plus ridicule, pensons nous au premier abord, que d'avoir les chocottes à l'idée de s'atteler à une petite fiction de rien du tout ; vous serez vite amenés à revenir sur votre position… c'est de votre initiation qu'il s'agit, l'enfant que vous êtes ne mettra pas longtemps à refaire surface, lui et sa spontanéité, sa fragilité d'autrefois.
C'est avec ces yeux d'enfants que vous allez affronter, prendre en pleine poire les secrets diaboliques et merveilleux que recèle ces pages maudites.
Finalement, on se rend compte que ce décalage prégnant au début de l'aventure entre fiction et réalité tend à s'effacer progressivement au fil des mots et de notre rajeunissement exprès… Après tout, fait-on réellement la différence à cet âge ?
C'est en cela que ce livre paradoxalement fait du bien, il ne se contente pas de nous transporter dans un monde fantastique, bon nombre d'auteurs on déjà exceller en la matière, ici, ce monde n'est pas un refuge dans lequel nous pourrions nous cachés afin de fuir quelques instants les tracas quotidiens, il n'est qu'un prétexte, qu'une manoeuvre presque mesquine mais tellement salutaire pour nous retrouvez nous et nos émotions d'autrefois, notre courage sans limite, notre naïveté désarmante.
Le Mot de la Fin
David n'est finalement qu'un guide qu'il nous suffit de suivre imprudemment.
Et c'est aussi parce que ce sont avec nos yeux d'enfant que nous traversons les obstacles de ce voyage avec bonheur, que l'atrocité de certains passages, leur perversité parfois ne nous dérangent plus aucunement.
Vous apercevrez d'ailleurs en filigrane d'étranges vérités contemporaines à souhait, des débats qui font rage dans nos sociétés, tellement grimés que vous ne les aborderez pas de la même manière et qui feront de vous je l'espère, au sortir de cette aventure des êtres plus tolérants, plus authentiques …
Je pense que là a réellement été l'intention de l'auteur. A notre insu, il nous fait recevoir avec facilité ce que parfois nous considérions être l'inacceptable.
Lien :
https://lesplumots.wixsite.c..