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Critique de Musa_aka_Cthulie


Commençons par la quatrième de couverture, aussi tapageuse que trompeuse - du moins en partie : "Un jeune Hollandais, Almayer, rêve de découvrir un butin caché dans un repaire de pirates. La fortune lui sourit : le roi des pirates l'engage sur son bateau et lui donne sa fille en mariage. À la mort du roi, Almayer va chercher avec frénésie le trésor de son beau-père. " C'est pas du tout l'histoire d'Almayer, il n'y a pas de roi des pirates, juste un capitaine blanc que les Malais surnomment "le roi de la mer". Il n'y a pas d'histoire d'amour entre la fille du "roi de la mer" et Almayer, comme le laisse sournoisement entendre ce texte en sourdine, et l'histoire d'un trésor caché n'est qu'accessoire.


Reprenons. Almayer est un jeune homme ambitieux originaire des Pays-bas, qui, parti sur les mers, va rencontrer le capitaine Lingard, très soucieux de se trouver une descendance. Lindgard a adopté une jeune fille malaise, rescapée malgré elle d'une attaque du capitaine sur un bateau de pirates (elle aurait préféré mourir au combat), jeune fille qu'il adoptée et casée au couvent, ne se souciant que très peu d'elle. Il lui semble alors fort approprié de marier sa fille à Kaspar Almayer, pour assurer son propre avenir. Ce qu'Almayer va accepter de fort mauvaise grâce, car il la trouve très laide puisque malaise (Conrad n'y va pas par quatre chemins pour décrire les rapports de racisme qui pullulent dans le roman), mais avec l'ambition de succéder à son beau-père et, donc, de s'enrichir à Bornéo. Selon toute logique, le mariage est un désastre, chacun des époux haïssant l'autre, Almayer n'ayant que mépris pour sa femme et inversement. de leur mariage va pourtant naître une fille, Nina, avec laquelle Almayer vit six années de bonheur. le grand-père interviendra pour casser cette tendresse mutuelle en emmenant Nina à Singapour. Elle en reviendra adulte, changée mais pas policée comme Lingard l'espérait, et amère, ne trouvant plus sa place nulle part. Quant aux projets de Lingard qui devaient assurer le succès à son association commerciale avec Almayer, elle a rapporté de l'argent un temps, et ils ont prospéré momentanément dans leur établissement et dans la maison familiale de Sambir, au bord de la rivière. Mais chercher des voies d'eau inconnues des concurrents ou un trésor caché ne suffit pas à faire fructifier les affaires, qui périclitent avec les bâtiments. Et avec Almayer, Lindgard s'étant lavé les mains de tout ça.


C'est l'histoire d'une déchéance lamentable, qui fait pitié, malgré le personnage peu avenant d'Almayer - il faut dire que les autres ne sont pas en reste. Mais c'est aussi l'histoire d'un antagonisme profond entre la civilisation européenne et la sauvagerie des Malais - le terme sauvagerie n'étant surtout pas à prendre en mauvaise part, mais s'entendant comme une profonde communion avec une culture, des racines qui sont incompréhensibles pour les Occidentaux installés en Malaisie. La femme d'Almayer restera toujours sauvage, attachée à sa terre et à sa liberté entravée. Je m'explique mal, parce que c'est encore bien davantage que ça, mais c'est quelque chose que je ressens comme quasiment indicible. Almayer ne comprendra jamais ça, en bon Blanc sûr de sa supériorité. Son seul espoir, c'est de se refaire, et de pouvoir aller à Amsterdam en y emmenant sa fille. Sauf que Nina, si attachée à son père enfant, va devoir choisir un camp, et qu'échaudée par l'éducation occidentale qu'on lui a infligée à Singapour, se tournera vers sa mère, vers ses ancêtres malais, vers ce qu'il y a de sauvage en elle.


Je regrette malheureusement l'histoire d'amour que va vivre Nina, qui est censée respirer la passion (et qui révèle sa nature sauvage), et que j'ai trouvée... niaise. Les déclarations enflammées de son amoureux m'ont semblé fades au possible, et les passages relatant leur histoire, qui se font de plus en plus nombreux au fur et à mesure de la lecture, m'ont ennuyée. Bon, c'est peut-être moi qui suis allergique à ce genre de choses. Tout de même...


Premier roman de Conrad néanmoins intéressant - je lirai d'ailleurs Un paria des îles et La rescousse si je le peux, car les trois romans forment une trilogie -, et posant des thématiques qui vont prendre toute leur ampleur en 1899. Mais c'est une autre histoire...
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