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Ce court roman de Joseph Conrad écrit fin 1916, au coeur de la première guerre mondiale, est le récit d'une initiation, du passage à l'âge d'homme d'un jeune marin à l'occasion de son premier commandement d'un navire dans la région lointaine des mers d'Orient.
Rédigé à la première personne, et sous-titré Confession, il ne fait aucun doute qu'il est largement autobiographique, ce qui lui confère toute sa valeur, tant le témoignage est fort et évident à la fois, imprégné de l'expérience personnelle de l'auteur, ses forces mais aussi et surtout ses doutes et angoisses.

S'il n'était question dans ce roman que de péripéties maritimes, je suis certaine que je ne lui aurais pas attribué sans hésitation cinq étoiles. Bien sûr, un bateau et un jeune capitaine sont les points d'ancrage du récit, mais la ligne d'ombre, indécise et insaisissable en est paradoxalement le gouvernail, le fil rouge en quelque sorte, et c'est elle qui symbolise pour moi tout le talent narratif de Conrad, son originalité.
"Oui, on va de l'avant. Et le temps, lui aussi, va de l'avant — jusqu'au jour où l'on aperçoit devant soi une ligne d'ombre annonçant qu'il va falloir aussi laisser en arrière la région de la prime jeunesse."
Cette ligne virtuelle donc forme une frontière entre jeunesse et âge adulte, entre réalité et imaginaire aussi - Conrad flirte souvent avec le surnaturel mais sans s'y laisser aller vraiment.

Il règne à bord de ce court roman, une atmosphère singulière de confidence, d'émotion simple qui m'a touchée. Si j'ajoute que l'écriture est magnifique, vous aurez compris qu'il porte, pour moi, la marque du roman qui sort de l'ordinaire, de l'authentique chef d'oeuvre.

"Un navire arrivant du large et qui replie ses ailes blanches pour prendre du repos a quelque chose d'émouvant."
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Finalement, lire aussi PEU de livres, c'est parfois - ou souvent ? - éviter d'ingurgiter de la m... et risquer de voir s'encrasser ainsi - définitivement ? - nos précieuses petites papilles esthétiques... [Heum, comme ce "papier" commence fort peu élégamment et... si "élitistement" ! Bon... "de la m..." signifiant ces "machins insignifiants au débit de publication torrentiel", phénoménologie épuisante suivie de suivisme lectoral moutonnier... voyez ? Non ? Tous ces tristes machins dont nous sommes littéralement gavés "sur injonctions", chacun de nos 365 jours de l'année... Pitié, de l'air !!! Fin du long préambule].

Bref, "La ligne d'ombre" est un court chef d'oeuvre (court roman publié en feuilleton pour la première fois en 1916) de Joseph Conrad, plus achevé et plus dense - à mon goût - que sa longue nouvelle "Typhon" ("Typhoon", 1902)... "The Shadow Line" est du même niveau artistique que son plus célèbre court roman "Au coeur des ténèbres" ("In the Heart of Darkness", 1899)... en jugeant depuis le territoire de ces quelques oeuvres de J. C. que je "connaîtrai" désormais... Récit d'un dur apprentissage... avec tutorat spirituel heureux.... Brave capitaine Giles, sorte de Haddock mutique guidant le novice tout en finesse, en humour et en subtil détachement... et le novice prendra la mer... la mer de Chine... s'immobilisera avec son grand voilier... entre choléra et fantôme du capitaine précédent (son corps immergé en un point fatal)... malgré son Second (ce sinistre Burns, malade comme un chien, mais gardant toute sa langue et sa triste sinistrose existentielle...) "porteur de malheur, de funestes souvenirs et de superstitions"...

Un récit fantastique... C'est bien ce qu'a compris le grand artiste polonais Andrzej Wajda qui l'a adapté au cinéma - en fait, pour la télévision polonaise - en couvrant l'intrigue de belles ellipses et d'écharpes de brume blanche "de haute mer" fort romantique... le navire arrivera à bon port, après être passé par les Territoires du cauchemar, du rêve doré immobile et de l'humain qui "tient bon"... Ransome le cuisinier aux coronaires fragiles, toujours là et "veillant à la vie"...

Authentique chef d'oeuvre dans la magnifique traduction (de l'anglais au français) de Jean-Pierre Naugrette (1996).
Lien : http://fleuvlitterature.cana..
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Dans la note d'auteur de son chef-d'oeuvre tardif, Conrad s'insurge : "il n'était pas dans mon intention de toucher au surnaturel. Cependant plus d'un critique eut tendance à le considérer de cette façon." Les éléments étranges de ce récit maritime sont en effet nombreux : le précédent commandant d'un brick, atteint de folie, est mort dans des conditions troubles et revient hanter les esprits ; son jeune remplaçant doit faire face aux superstitions de l'équipage et à l'absence totale de vent dans le golfe du Siam ; les visions hallucinées des hommes qui subissent tous une fièvre des tropiques ; l'absence de quinine à bord en raison d'un terrible coup du sort. Alors pourquoi une telle réaction de Conrad adressée à ses commentateurs ? Sans doute parce que ces éléments proches du fantastique font partie intégrante de l'expérience humaine, que le conteur souhaite absolument retranscrire avec sincérité et justesse. D'ailleurs, il s'agit du récit très autobiographique de son premier commandement, sous-titré "Confession", malgré quelques ajouts. L'atmosphère étouffante sur le navire immobile, ravagé par la maladie et peuplé de spectres, est digne d'un grand roman d'épouvante. Cette oeuvre a influencé ma propre conception du fantastique en littérature, plus large que celle communément admise : l'étrange et l'imaginaire ne s'opposent pas au réalisme et à L Histoire ; au contraire, ils se complètent.
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La mémoire est un beau sujet d'étude. Elle contribue à l'imagination et c'est grâce à elle que nous pouvons goûter pleinement aux plaisirs de la lecture. Patrick Modiano a construit son oeuvre sur un principe qu'il a clairement identifié :

“Je crois que pour en faire une oeuvre littéraire, il faut tout simplement rêver sa vie — un rêve où la mémoire et l'imagination se confondent”.

Cette citation s'applique tout à fait à Joseph Conrad, écrivain Polonais de langue anglaise (1857-1924) dont la vocation littéraire tardive a été nourrie par sa carrière de marin, d'abord en qualité de mousse, de stewards, puis matelot, ensuite lieutenant, second et enfin capitaine au long cours. C'est lors d'une traversée (1893) qu'il rencontre John Galsworthy, qui l'encourage sérieusement dans la carrière d'écrivain. Deux ans plus tard, à l'âge de 38 ans il publie son premier livre “La folie Almayer” après avoir parcouru le monde pour le compte diverses sociétés de la marine marchande britannique. Il est l'auteur d'une vingtaine de romans, mais aussi de recueils de nouvelles et de récits de voyage. Toute son oeuvre est basée sur les rencontres et les évènements vécus au cours de sa vie de marin.

 “La ligne d'ombre” est un roman très représentatif de son style. Il a été rédigé en 1915/1916 et publié en 1917 chez Dent à Londres. L'histoire est inspirée par les péripéties rencontrées par l'auteur relatant sa première mission en qualité de capitaine de navire. L'action débute en 1887 dans le port de Singapour. le narrateur décide de mettre un terme à son contrat de second sur un navire de la marine marchande pour retourner en Angleterre. En attendant le bateau qui le ramènera à Londres, il loue une chambre au foyer des marins et fait la connaissance des pensionnaires et du gérant. Une compagnie lui propose le commandement d'un trois-mâts basé à Bangkok pour remplacer le capitaine décédé dans des circonstances troubles. Il accepte avec enthousiasme cette promotion et se trouve rapidement confronté à un second au comportement étrange, M. Burns, qui semble tourmenté par le décès de son commandant et face à un équipage bientôt gagné par les fièvres tropicales. Rien ne va dans le bon sens et le nouveau capitaine va devoir démontrer son sang froid et sa compétence pour surmonter l'adversité. Tous les personnages du roman sont dotés de personnalités très originales, parfaitement dépeintes par l'auteur. Celui-ci nous entraîne dans un univers à la fois réaliste et fantastique ou convergent les légendes racontées par les vieux loups de mer au fond des ports brumeux. le talent unique de Conrad s'explique en partie par l'art de combiner parfaitement le vécue et l'imaginaire. Beaucoup de ses oeuvres comportent une part importante d'autobiographie, mais l'auteur s'attache surtout à retranscrire les impressions reçues que l'exactitude des faits. Il réussit ainsi à nous immerger dans un monde bien à lui ou l'imaginaire côtoie le réel. La connaissance précise qu'à l'auteur du domaine de la mer est prégnante à chaque page et donne beaucoup de crédibilité à son histoire, même si finalement l'imagination l'emporte et exalte les situations et les personnages au point de transformer le récit en allégorie ou en conte. Conrad a affirmé que la ligne d'ombre était un récit véridique, mais il précisera ensuite :

“Non. Je ne veux pas vraiment que ce court morceau soit formellement reconnu comme autobiographique. Il ne l'est pas sur le ton. Mais pour ce qui est du sentiment sous-jacent je crois qu'on ne peut s'y méprendre.”

 Sur le fond, l'auteur a voulu traiter du passage de l'enfance à la vie adulte. le thème est donné dès le début du premier chapitre :

“On referme derrière soi la petite porte de la simple enfance — et l'on pénètre dans un jardin enchanté. Ses ombres mêmes brillent de promesses. Chaque détour du sentier a son attrait. Et ce n'est pas qu'il s'agisse d'un pays encore inexploré. L'on sait fort bien que tout le genre humain a défilé par ce chemin… Oui, on va de l'avant. Et le temps, lui aussi, va de l'avant – jusqu'au jour où l'on aperçoit devant soi une ligne d'ombre annonçant qu'il va falloir aussi laisser en arrière la région de la prime jeunesse.” (page 35 et 37).

 Ce court roman est admirablement écrit et est considéré comme un chef-d'oeuvre, il est bien sûr recommandé à tous ceux qui rêvent d'aventures maritimes, mais aussi à tous ceux qui souhaitent être touchés, émus, secoués par des personnages d'une grande richesse psychologique et transportés par des histoires fortes où à chaque page on est bercé par le roulis, mouillé par les embruns et poussé par des vents de tempêtes.

 Après “Typhon” et “Jeunesse”, c'est le troisième livre que j'ai lu de cet auteur et je ne suis pas déçu, au contraire, mon intérêt pour son oeuvre est décuplé.

Bibliographie :

— “La ligne d'ombre”, Joseph Conrad, Folio Classique (2015), 247 pages, Préface d'Alain Jaubert, Notices de Sylvère Monod, chronologie et notes.

— “Histoire de la littérature anglaise”, François Laroque, Alain Morvan, Frédéric Regard, PUF (1997), 828 pages. Article Joseph Conrad pages 581 à 584.

Vocabulaire :

 Un vocabulaire très riche ou les termes de marine abondent (les définitions de la plupart d'entre eux sont données en fin d'ouvrage). La lecture de ce roman pourrait être utile à ceux qui préparent le brevet de capitaine au long court !

Lisse de garde-corps : On appelle lisse une rambarde, et garde-corps (ou garde-fous) des lisses en bois placées sur le bord des navires pour empêcher les hommes de tomber à la mer.

Espar : Sur un bateau, un espar est un élément de gréement long et rigide : mâts, bômes, vergues, bouts-dehors, queues de malet, livardes, wishbones.

Apparaux : Matériel d'équipement de navire permettant d'assurer des manoeuvres de mouillage, d'amarrage, de remorquage, de levage ou de pêche.

Écubier : Trous pratiqués à l'avant du navire pour le passage des câbles ou des chaînes d'ancre.
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Longue nouvelle ou court roman, peu importe reelement. Cette ligne d'ombre est un grand recit, a cractere autobiographique, que Joseph Conrad (Jozef Konrad) a ecrit sur la fin de sa vie. Il raconte, dans une ecriture elegante et precise, comment il a ete nomme quasi innopinement, capitaine d'un bateau qu'il est ammene a conduire de Bangkok a Singapour. C'est sans aucun doute un roman de marin (il est petri du vocabulaire de la marine a voile de debut du siecle, avec de nombreuses notes pour guider le lecteur dans ce jargon), mais pas uniquement ! Il debute sur « l'innocence de la jeunesse », Conrad quittant le bateau sur lequel il etait employe pour quelque chose de mal defini et cette « capitainerie » qui se met sur son chemin et qu'il accueille avec orgueil ! Conrad, fort imbu de sa personne et plutot antipathique, va alors rejoindre « son bateau », sans capitaine a la suite de la mort du capitaine precedent.
Une fois pris le commandement du bateau, les joies laissent places aux tracas, aux inquietudes et a la confrontation avec « le second » (bras droit du capitaine) qui aurait voulu etre capitaine apres le defunt et qui est hante par le souvenir et la mechancete de ce dernier. le recit se poursuit sur l'attente interminable de l'arrivee du vent, sur la maladie qui grignote l'equipage, sur la « folie » qui vient petit a petit en chacun. le regard se porte sur l'horizon attendant la ligne d'ombre … c'est a dire ces nuages qui amenent aussi le vent !

NB: La ligne d'ombre est en fait l'ombre portee par le « baton » sur un cadran solaire, c'est-a-dire la ligne qui separe le passe du futur, metaphore utilisee pour souligner comment Conrad a quitte la jeunesse suite a cette experience de Capitainerie.
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A Bangkok, au temps de la marine à voile, un jeune officier de marine débarque à terre avec la ferme intention de retourner au pays quand le capitaine du port le réquisitionne pour prendre le commandement d'un bateau, le Melita, dont le capitaine vient de mourir. Ce magnifique voilier et sa cargaison doivent rejoindre au plus vite le port de Singapour. Fier de se retrouver seul maître à bord après Dieu, le jeune homme accepte sans savoir dans quelle galère il s'embarque. Un second, M. Burns, malade et à moitié fou depuis la fin tragique du précédent commandant, un équipage miné par les fièvres tropicales et, comble de malchance, un calme plat sans le moindre souffle d'air pour gonfler les voiles. Comment le jeune capitaine se sortira-t-il de cette mission quasi impossible.
Un récit de navigation d'autant plus intéressant qu'il sent le vécu. Il semble que l'auteur se soit trouvé encalminé pendant trois semaines dans des conditions similaires. Cette situation est préoccupante et dangereuse dans la mesure où un bateau à voiles a peu de chances de tirer son épingle du jeu s'il ne peut plus manoeuvrer, hisser ou ferler les voiles faute de marins. Conrad la traite d'une manière originale et quasi fantastique. Il fait sentir au lecteur la pesanteur du destin contraire qui semble s'acharner sur ce vaisseau. La mort rôde un peu partout. Seuls deux humains, le cuisinier Ransome, personnage dévoué et attachant et le capitaine ont été épargnés par la maladie. A eux seuls, ils ont bien de la peine à faire voguer le navire. « La ligne d'ombre » est un livre sombre et inquiétant dans lequel le lecteur attend avec inquiétude le moment où le sort va être conjuré, où la chance, tout comme le vent, va enfin accepter de tourner. A noter un style hyper classique qui date un peu et qui demande quelques efforts de patience et d'attention de la part du lecteur.
Lien : http://www.etpourquoidonc.fr/
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Récit autobiographique, « La Ligne d'ombre » relate le premier commandement d'un jeune marin en Asie. Un premier commandement et un récit où se mêlent le destin funeste et la superstition, car tous les maux de mer vont s'acharner sur cette expédition : non seulement le capitaine précédent est mort dans d'étranges circonstances, mais la maladie va s'abattre sur l'équipage et le vent cesser de souffler. Confronté à l'angoisse de plus en plus grande de ses marins, le jeune capitaine va devoir faire l'apprentissage du commandement et tenter de garder vent debout face aux événements.
Récit initiatique par bien des aspects, Joseph Conrad s'attache à raconter le passage délicat à l'âge d'homme, cette ligne d'ombre mouvant où les responsabilités prennent le pas sur l'insouciance. Et quoiqu'il se défende d'avoir volontairement écrit une nouvelle surnaturelle, il reste que « La Ligne d'ombre » est profondément imprégnée de superstition, de fatalité et de toutes ces croyances si chères et fréquentes chez les gens de mer.
Mais qu'elles soient le fait du fantôme d'un capitaine jaloux ou d'une suite d'événements regrettables, mais naturels, les épreuves surmontées par l'équipage peuvent être lues comme une analogie de la vie en général : des difficultés à appréhender, à surmonter et qui participent à la constitution de sa personnalité.
Un court texte, beau et sombre, servi par une écriture remarquable.
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Dans Typhon, on assistait au combat dantesque d'un vapeur avec un cyclone. Dans la Ligne d'ombre, un jeune capitaine doit affronter un océan sur lequel ne souffle aucun vent, avec un équipage décimé par la fièvre. On retrouve dans ce roman l'atmosphère qui imprègne tous les livres de Conrad, un héros inadapté à la société, qui entretient des rapports très rudes avec ses contemporains et trouve dans la navigation une forme de justification à sa vie.
Difficile de ne pas voir dans le caractère du narrateur, versatile, enclin à la dépression, le portrait de l'écrivain. Il faut du temps pour entrer dans ce roman, et sans doute l'exposition, lente, un peu fastidieuse, trop subtile pour des lecteurs contemporains habitués à des mises en place plus directes, en découragera-t-elle plus d'un. Mais dès l'appareillage du navire, la magie du voyage entre Bangkok et Singapour opère.
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"All roads are long that lead toward one's heart's desire."

La Ligne d'ombre c'est ce moment de bascule où l'on devient un homme fait, c'est la déflagration qui accompagne les adieux à la jeunesse. Pour le marin, narrateur de cette longue nouvelle, c'est le commandement d'un navire qui lui est attribué, au moment où il s'était résolu à dénoncer ses engagements, qui va constituer cette césure. Un premier commandement et une épreuve traumatisante, voilà de quoi forger un caractère !

Adoubé par l'excentrique capitaine Ellis, commandant du port de Singapour, notre héros -portrait de Conrad en jeune homme- doit récupérer un voilier immobilisé à Bangkok. Mais le navire semble maudit : un capitaine tyrannique vient d'y mourir, l'équipage est atteint d'une étrange fièvre tropicale et, à peine en mer, l'absence de vents l'immobilise loin de tout secours. A l'instar d'Ulysse, ce marin enthousiaste aurait-il, malgré lui, froissé la susceptibilité des Dieux ?

Linéaire, épurée, cette short story est d'une pureté adamantine : une seule voix prend en charge la confession et son déroulement en est strictement chronologique. On y croise deux figures troublantes, les deux faces d'une pièce de monnaie, agent du destin lancé en l'air : le côté face avec le second, Burns, émacié, dévoré de fièvre, dont la chevelure fauve fulgure de lueurs pernicieuses, qui se répand en imprécations superstitieuses et le côté pile avec Ransome, le cuisinier cardiaque, étonnant ilôt de sérénité olympienne, ange gardien d'un navire en déroute.

Conrad nous enlise dans la glaise d'un récit dédié tout entier à une suspension temporelle, une sclérose des heures, ce passage vers l'âge d'homme qui nous rapproche inéluctablement de la mort.

Imposant.
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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Ce court roman ou cette longue nouvelle est un chef d'oeuvre. Un récit qui prend le lecteur à contre pied puisque le danger ne vient pas d'une tempête, mais d'un très long manque de souffle. Un récit placé sous le signe du temps à la fois palpable dans son épaisseur et insaisissable dans son abstraction. La ligne d'ombre est donc ce passage visible mais indistinct qu'un jeune capitaine va franchir à l'occasion de son premier appareillage entre Bangkok et Singapour, où le combat à mener ne se fera pas contre le trop, mais contre le manque: manque d'air, de vent, de vigueur et de raison.
Une aventure individuelle, et collective, inoubliable et émouvante!
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