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Critique de dourvach


"Typhon" (Typhoon) est une longue nouvelle publiée en 1903 par un certain Teodor Josef Konrad Korzeniowski (né en 1857 en Ukraine, ses parents appartenant à la vieille noblesse polonaise) dont la vie prit un tour "aventureux" - dans le mauvais sens du terme - dès ses 17 ans (où le voila à Marseille en jeune inadapté social ET flambeur... ). Bref, il lui faut "rapido" gagner sa vie, prendre un métier : et le voilà qui prend celui de naviguer... Passager puis mousse puis steward puis contrebandier (à 19 ans) puis matelot puis lieutenant (passe son examen de "second mate") puis Second puis exceptionnellement Capitaine (il a 31 ans)... A ses 32 ans, lors d'une longue escale à Londres (été 1889), il se met à écrire... Il a 37 ans quand son premier roman est accepté et publié l'année suivante évidemment en langue anglaise : "Almayer's Folly" (1895). Ainsi, "Joseph Conrad" (Quel magnifique pseudonyme... ) est né ! Drôle d'oiseau, Anglais adoptif se forgeant une bizarre identité professionnelle et artistique composite... Y a -t-il une vie avant l'écriture ? Dans le cas de J. C. la réponse est plus qu'affirmative... Elle est déterminante ! L'oeuvre déborde... Les romans et "longues nouvelles" s'enchaînent...
Jusqu'à ce "Taïfounn" (Pardon : "Typhoon") dont pas mal de lecteurs visiblement attendaient les secousses bien surlignées... Hé hé... Il n'en sera rien : plongée dans la "banale" extériorité des comportements ... McWhirr, le Capitaine mutique obstiné comme le pinceau d'un phare, porteur d'un système de valeurs que l'on découvre au fil du récit... Jukes, son Second qui n'en mène pas large mais doit bien sûr obéir au "Pacha"... Rout, le chef mécanicien : "un type capable" (Comme McWhirr diagnotique bien !)... ou encore ce premier lieutenant minable (le "coward" des westerns, genre de type à vous assassiner son "hôte" Jesse James dans le dos...) ... ou ce Bosco (maître d'équipage) difforme aux bras de singe... Physionomies et caractères extérieurs taillés - comme on dit (donc clicheton) - "à coups de serpe" vous en diront ici plus long sur l'intériorité des "acteurs" du drame en cours... que n'importe quelle laborieuse approche psychologisante ! (Imaginez un auteur français contemporain "à la mode" sur une affaire pareille...).
Bref, pas de suspense à gros sabots ! Pas d'envolées lyriques sur "la surpuissance des éléments", pas de grands seaux d'eau balancés en coulisse sur les personnages, de lances à incendie fonctionnant à pleine puissance derrière les décors en carton-pâte hollywoodiens (Je repense au fiasco artistique d'un film comme "La tempête" de Wolfgang Petersen... "Morceaux de bravoure" prévisibles comme les trous du gruyère... bref, qu'est-ce qu'on s'y emmerdait !).
Là, on garde son calme. On tient le coup. Le lâche est isolé (et frappé par le Cap' pour le calmer... ). L'équipage se terre mais on va le secouer. Les coolies chinois se battant dans l'entrepont pour récupérer leurs dollars patiemment amassés en leur existence de quasi-esclaves, argent luciférien sorti de leurs coffres éventrés : Jukes et le Bosco partent y mettre bon ordre. Pas facile. Autour, bien sûr, ça secoue sacrément (Nom de Dieu !). On a compris que l'essentiel se jouera dans le navire. Conrad s'offrira même le luxe d'une ELLIPSE avant la deuxième partie (la pire) du "Typhon" : gonflé , non ? Pas de chapitre surnuméraire entre le V et le VI, donc... "Le pire" sera résumé par la phrase finale du chapitre V ! C'est que, du surnuméraire, son vapeur n'en a rien à fiche... Le "Nan-Shan" DOIT continuer sa route... Les épouses McWhrirr et Rout - subsistant grâce aux vies dangereuses de leurs conjoints - sont dépeintes "là-bas" (actions parallèles dans leurs havres londoniens), dans l'ignorance totale des épreuves... Paisiblement assises au coin du feu.
La traduction de François Maspero est sans doute moins "classique" que celle d'André Gide mais la profusion des mots techniques propres à la marine marchande des premiers chapitres nous rend le tableau d'ensemble parfois "un rien embrumé"... (S'aider alors d'un dictionnaire Robert est le mieux !). Et le récit souffre un peu d'un certain manque de vision picturale de l'écrivain : le lecteur a parfois bien du mal à se représenter dans l'espace le labyrinthe (Souvenons-nous que "Nostromo" était le nom du vaisseau spatial de l' "Alien" de Ridley Scott) qu'est l'intérieur de ce "vapeur" cerné par les hurlements du vent, la nuit d'encre parfois zébrée d'écume phosphorescente, les lames qui recouvrent et détruisent peu à peu les ponts...
La peur. Le sang-froid. La routine et quelques idées simples (à appliquer) qui sauvent du désastre. Rêvons un peu... En notre monde (re-)devenu fou de 2016, ne "nous" faudrait-il pas au fond (ou avant de toucher le fond) un McWhirr, "homme de terrain" au Q.I. forcément limité mais aux bons réflexes et sans le moindre attrait pour les blablas vertueux, les manoeuvres d'enfumage, les "stratégies" cyniques d'occupation de l'esprit des "masses" et autres agitations humaines inutiles... quand le Typhon nous prend durablement et que le Titanic-biosphère fonce tranquillement vers "son" iceberg, sans pouvoir changer de trajectoire ou paraître le moins du monde s'en inquiéter... ?
Quelques sentiments et "bons" réflexes humains qui - ensemble - forment notre instinct de conservation (individuel et collectif). Dans ce monde-ci, pas de blablas intiles. Pas d'insignifiance (Pardon, "sursignifiance" !) bien anecdotique et dûment surlignée à la Emmanuel Carrère... Bref, "pas de gras !" (comme dans les Simenon...). Bon, à moi il me plaît bien, ce "Typhon"... (phrase banale relevant de mon narcissisme lectoral parmi des millions de narcissismes lectoraux : "Z'ai aimé / Z'ai pôs aimé", qu'est-ce qu'on s'en fout, au fond !). Du coup, bah j' vas essayer de m' lire "TOUT" Conrad (disparu en 1924)... Oui, en "nos" temps de lecture de masse moutonnière des "Nouveautés" (?) : hé hé hé... Encore le passé, toujours le passé (dépassé, le passé ?)... On s'isole, on s'isole... eh bé tant pis ! Pt'être, moins de paons dans le passé... ? Des gens sérieux, des "types capables" ! (Bon, je plaisante, je plaisante... )
Lien : http://www.regardsfeeriques...
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