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Alexis Tadié (Éditeur scientifique)Paul Le Moal (Traducteur)Sylvère Monod (Traducteur)
EAN : 9782070412709
512 pages
Gallimard (25/03/2004)
4.05/5   37 notes
Résumé :

"Conrad était amoureux d'ordre et de discipline morale. Mais il ne parvint pas à y plier ses personnages. Ils ont tous quelque chose de trouble, d'inachevé. Dans leur tourment s'agitent des forces obscures et que l'on devine parfois monstrueuses. Refoulées au fond des âmes elles se montrent cependant victorieuses de l'auteur qui, malgré lui peut-être, les a enfouies comme une lourde et inévitable semence." Joseph Ke... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Victoire a la même force obscure qu'Au Coeur des ténèbres ; je le trouve aussi plus riche, moins conceptuel et à vrai dire plus lisible. le titre de ce roman est ironique, puisqu'aucune victoire n'y a lieu, comme c'est aussi le cas de l'entreprise coloniale, qu'il décrit de façon symbolique.

Axel Heyst, un anglais d'origine suédoise, réside dans l'île fictive de Samburan, au large de la côté de Java en Indonésie, alors colonisée par les hollandais. Il y est venu diriger une compagnie minière de charbon, qui fait faillite. L'île est encore partiellement occupée par des natifs, mais Heyst y vit à l'écart, en la seule compagnie de Wang, un coolie chinois resté sur l'île. Un jour qu'il séjourne dans un hôtel de Surabaya, Heyst enlève Léna, une musicienne plus ou moins esclavagisée et qu'il a prise en pitié. Pour se venger, le directeur de l'hôtel, Schomberg, dirige vers Samburan un trio de "desperados" à la poursuite d'un trésor fictif qu'Heyst y garderait. le roman tient à ces deux actions principales, entre le mélodrame de la liaison Heyst/Léna et l'aventure de la lutte Heyst/le trio.

Comme Nostromo, comme Au coeur des ténèbres, et d'ailleurs comme la plupart du temps chez Conrad, Victoire met en scène un espace confiné, à l'écart, porteur de la dimension aventureuse. Jones, le chef du trio et Heyst sont tous deux cités par Hannah Arendt, dans L'Impérialisme. Ils forment deux visages différents de l'aventurier colonial, authentiques gentilshommes rejetés par leur pays initial, qu'Arendt appelle des "hommes superflus". Jones en est la face (très) noire ; Heyst, lui, incarne la pensée occidentale, celle qui peut apporter l'aide et le progrès, mais aussi celle d'Hamlet, encline au doute et à l'hésitation qui empêchent d'agir. En opposition, le chinois Wang réfléchit moins, mais planifie et prend les bonnes décisions. Enfin le roman met en scène en filigrane les natifs, qu'on ne voit pas personnellement, mais qui forment un "théâtre d'ombres que la race dominante pouvait traverser sans émotion et sans inquiétude à la poursuite de ses incompréhensibles buts et besoins."
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Quelque part entre Java, Célèbes et Moluques, Samburan, une île ronde, dominée par un volcan en demi-sommeil, camoufle les amours édéniques (mais bancales) d'un baron et d'une violoniste. Un serpent s'introduit dans le jardin...

Dans les décombres charbonneux de la Tropical Belt Coal Company dont il fut le directeur, Axel Heyst, nobliau suédois désargenté, s'est retiré du monde. Cénobite volontaire sur son île désertée, il est parvenu à une voluptueuse ataraxie ce qui n'est pas sans lui attirer l'aversion irrépressible de Schomberg, poussah malfaisant, tenancier d'une gargote à Surabaya. Quand à l'occasion d'une courte escale dans ce port de Java, Heyst enlève une jeune musicienne convoitée par le libidineux bistrotier, la haine de ce dernier ne connaît plus de limites. Quelques mois plus tard, il se débarrassera d'un trio de malfrats - des aigrefins qui ont transformé son troquet en tripot- en les envoyant sur la piste fallacieuse d'un trésor supposément possédé par le vertueux Heyst.

Fièvre sur Samburan !

Dans ce grand roman moite (dont le titre est un mystère : ici, point de victoire mais "échec et mort"), les défaillances se multiplient : personnages improbables, changement abrupt dans le récit (un narrateur témoin laisse soudain sa place à l'écrivain omniscient), resucée de Freya des Sept-Îles et fin ratée. Cependant il n'en demeure pas moins que "Victoire" est à nouveau un chef d'oeuvre conradien.

Un soleil qui se couche sur la durée d'un chapitre, les trémulations d'un orage à travers lequel se joue un drame, les ombres de la jungle qui estompent les corps : Conrad subjugue toujours par sa maîtrise à créer des atmosphères et à esquisser des attitudes.

Les protagonistes du roman, même aberrants, forment un inoubliable cortège et en particulier son trio de malandrins : le vampirique Jones, meneur à l'élégance raffinée, le brutal Ricardo, assassin charnel et l'impayable Pedro, sorte de Bigfoot décérébré, masochiste et mutique. Les relations ambiguës et misogynes entre Jones, dandy assassin et voleur, et son sbire Ricardo baignent dans une homosexualité latente qui n'est pas sans faire penser au couple Lacenaire et Avril. On ne passera pas sous silence le couple Schomberg, lui, graisseux bloc de haine rancie et de lubricité inassouvie et elle, figée dans son rôle de femme soumise, tenancière automate d'un bar moribond : ils sont mémorables.

On sait la maladresse de Conrad quand il doit parler d'amour. La passion qui enflamme le tendre Heyst et l'affligée Lena, musicienne dickensienne reste abstraite : si les cœurs s'embrasent, les corps n'exultent qu'accessoirement. Ce sont des héros flous, évanescents, en creux : constructions intellectuelles, Conrad peine à les incarner et leurs dialogues sonnent étrangement faux. La sensualité et les fantasmes, on les trouvera chez Ricardo qui manie le couteau à la façon d'un sexe et dont les gestes exsudent la concupiscence.

Malgré quelques réserves, ce bougre de Conrad nous embarque à nouveau pour un cabotage exotique d'île en île et le voyage se révèle prodigieux par la magie d'une écriture unique.

Un autre grand roman malade (après Fortune) mais qui se dévore à pleines dents.
Lien : http://lavieerrante.over-blo..
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Ce roman a les apparences du mélodrame: des personnages assez stéréotypés, l'exotisme des lieux (l'archipel indonésien et, plus particulièrement, l'île imaginaire de Samburan), la fuite d'un couple vers cette île et la rencontre avec un trio d'escrocs à la recherche d'un trésor. de quoi satisfaire les goûts occidentaux des débuts du XXe siècle.
Pourtant Victoire exige de ses lecteurs une attention particulière, une présence constante dans son cheminement pour saisir toutes les subtilités de la narration (il y a plusieurs narrateurs qui ont, le plus souvent, un point de vue limité des événements) et la complexité des deux personnages principaux, Axel Heyst et Alma (ou Lena), qui apparaissent tantôt comme des êtres tangibles, tantôt comme des fantômes. Fils d'un philosophe, Heyst souhaite vivre en suivant les principes de son père, dans une posture de détachement, réduisant le monde à un simple spectacle. Mais son choix est ironiquement la cause de sa perte. le réel l'oblige à agir parce que son attitude est source chez les autres de médisances et de rumeurs mesquines.
Je parle de perte et le roman s'intitule Victoire?...
Encore une contradiction qui fait toute la saveur des romans conradiens.
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Un baron suédois crée une société charbonnière en Indonésie puis, après avoir fait faillite, se retire sur une île déserte, où il vit le parfait amour avec une musicienne d'orchestre qu'il a enlevée de l'hôtel où elle se produisait ; l'hôtelier, qui le déteste cordialement, convainc deux aventuriers d'aller le dépouiller du magot qu'il est censé avoir accumulé ; le secrétaire de l'un d'eux tombe éperdument amoureux de la musicienne, ce qui fausse complètement le jeu, et tout se termine en carnage général.
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Ici, c'est du Conrad craché !... Ou presque. Loin de la Russie ou de l'Angleterre de Sous les Yeux de l'Occident ou l'Agent Secret, ses précédents romans, on retrouve la Malaisie des débuts, celle de la Folie Almayer ou de Lord Jim. Et avec elle, la moiteur, la mer et la petitesse humaine dans un univers démesuré. Ici, les personnages sont des pantins perdus dans l'exubérance fiévreuse de la forêt tropicale ou dérivant, écrasés de chaleur, au fond d'un canot sans une goutte d'eau...
Pourtant tout diffère du Conrad habituel d'une certaine manière. Les personnages sont des archétypes, presque des caricatures, l'humour affleure parfois à la surface du récit tandis qu'il est question, à mots couverts, de sexualité ! du jamais vu chez l'ami Joseph qui se contente le plus souvent d'évoquer des coups de foudre non consommés. Même l'homosexualité de Mr Jones est clairement évoqué. Autant de thèmes conradiens tout à fait nouveau.
Pourtant, c'est comme d'habitude : brio dans la construction, multiplicité des points de vue, scènes dialoguées aux proportions titanesques, jeu sur le rôle du narrateur qui disparaît sans coup férir en cours de route...
Mais tout change, huis clos plein de suspens avec faux semblants, coups de théâtre et retournements de situations. Autant d'outils que Conrad dédaigne habituellement.
Ici tout est donc pareil et différent en même temps. Heureux de le retrouver (ma dernière lecture, Fortune, date de 2017), d'autant que le personnage principal me touche particulièrement, trouvant chez lui un échos très personnel. Plus que jamais, je me suis demandé qui était cet homme, Conrad, qui a labouré ces champs littéraires au prix de sa santé et de son équilibre pour y semer encore et encore son pessimisme définitif.
Lien : https://www.tristan-pichard...
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
P 124 Les îles sont très tranquilles. On peut les voir, vêtues de leur sombre parure de feuillage, éparses dans une grande paix d'argent et d'azur, là où la mer sans murmure rencontre le ciel dans un anneau de quiétude magique. Une sorte de somnolence souriante pèse sur elles : la voix même de leurs habitants est douce et assourdie, comme s'ils craignaient de rompre quelque charme prometteur.
Peut-etre était-ce précisément ce charme -là qui avait ensorcelé Heyst dans les premiers temps. Pour lui, ce charme était rompu. Il n'était plus ensorcelé, bien qu'il fût toujours captif des îles. Il n'avait nulle intention de les quitter jamais. Où aurait-il pu aller, après tant d'années ? Il n'y avait nulle part au monde une créaturequi lui ffût attachée. De cette situation - somme toute relativement récente - il venait depuis peu de prendre conscience ; car c'est l'échec qui fait rentrer l'homme en lui-meme pour dresser le bilan de ses ressources. Et, bien qu'il fût résolu à se retirer du monde à la façon d'un ermite, il étai cependant paradoxalement ému par ce sentiment de solitude qui lui était venu à l'heure du renoncement. Il en souffrait. Rien n'est plus pénible que le choc des contradictions violentes qui lacerent notre intelligence et notre sensibilité.
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Heyst n'avait pas conscience d'avoir amis ni ennemis. L'essence même de sa vie était d'être une réalisation solitaire, accomplie non pas dans une retraite d'ermite avec son silence et son immobilité, mais par un système d'errances sans trêve, par le détachement d'un hôte de passage dans des lieux changeants. Il avait cru trouver dans ce programme le moyen de traverser la vie sans souffrance et presque sans le moindre souci - invulnérable parce que insaisissable.
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Toute action est forcément nuisible. L'action est diabolique. C'est pourquoi notre monde est mauvais dans l'ensemble. Mais j'en ai fini! Je ne lèverai jamais plus le petit doigt.
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Un navire de croisière qui s'échoue. le commandant qui prend la fuite. Une trentaine de passagers qui perd la vie. Ca c'est passé il y a quelques années, vous vous en souvenez. Pour un marin, déserter le bord c'est le déshonneur suprême. Et pour un romancier, c'est l'occasion de sonder les abysses de l'âme humaine.
« Lord Jim » de Joseph Conrad, un classique à lire chez Folio.
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