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sur 137 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
1954, Mississipi. Jack Branch, issu d'une famille aristocratique, à tout juste 24 ans, enseignait au lycée de Lakeland depuis déjà 3 ans. Tout comme le fit son père pendant près de 20 ans. Très appliqué et impliqué, il était reconnu comme un très bon professeur. Il avait adopté une méthode pédagogique qui consistait à ajouter des détails choquants voire sanglants à ses cours consacrés au Mal à travers l'histoire. Parmi ses élèves, il y avait Eddie Miller, du quartier des Ponts, enfant timide souvent mis à l'écart. Et pour cause, son père n'était autre que le Tueur de l'étudiante. Celui-ci assassina la jeune Linda Gracie, 19 ans, promue à un bel avenir, alors qu'Eddie n'avait que 5 ans. Arrêté puis ayant avoué son crime au shérif Drummond, il sera remis en cellule dans laquelle il sera lui-même assassiné par un co-détenu. Cette sombre affaire poursuit encore le jeune garçon. Aussi, lorsqu'une de ses camarades de classe, la belle Sheila Longstreet, disparaît mystérieusement, les soupçons se portent aussitôt sur Eddie. Jack Branch s'en veut d'avoir orienté le shérif vers le jeune homme. Alors, comme pour se faire pardonner, il le prend sous son aile. Lorsqu'il donne à ses élèves un devoir portant sur le Mal, il lui suggère d'écrire sur son propre père...

Dans ce roman noir, Thomas H. Cook installe progressivement le lecteur dans une ambiance plus que jamais sombre. L'on apprend dès le début qu'un drame s'est joué à Lakeland et qu'un procès s'y est tenu, sans en connaître la nature. L'auteur tisse des liens entre les différents protagonistes, s'attardant sur la relation que Jack entretient avec son père, personnage érudit, mais surtout sur celle entre Eddie et son professeur. Lui suggérant d'écrire un devoir sur son père assassin, il souhaite plus que tout déterrer son cadavre, faire taire les rumeurs et pourquoi pas, prouver que le Mal n'est pas forcément héréditaire. L'auteur réussit parfaitement à nous plonger dans cette société de l'Amérique des années 50, société marquée par la ségrégation raciale et sociale. Ces leçons sur le Mal mais aussi sur la filiation, les doutes, la culpabilité et les secrets se révèlent plus que jamais passionnantes. Porté par une écriture riche, l'auteur nous livre un roman intense construit intelligemment, les flashbacks étant subtilement distillés.

Ouvrez vos livres, chapitre: Les leçons du Mal...
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Thomas H. Cook , une excellente leçon de cuisine !

Je connaissais le verbe , les voyages , pas l'auteur du meme nom , c'est desormais chose faite et de quelle maniere !
Coben et Connelly ne tarissant pas d'eloges a son sujet , je me suis immediatement méfié car si les arguments sont evidemment tres vendeurs , ils sont , parfois , uniquement au service d'un bete plan marketing ! Dans le cas present , pas de tromperie sur la marchandise mais foin de compliments , entrons dans le vif du sujet ! Apres vous...

Jack Branch , blanc , 25 ans , issu d'un milieu favorisé , enseigne au lycée Lakeland. Tout comme le fit son pere . Sa matiere : le Mal a travers les ages . Il aime son metier et transmettre son savoir malgré l'assistance plutot hétéroclite et hermétique presente a ses cours . Parmi ses eleves , il y a Eddie Miller , issu , lui , des Ponts , le quartier le plus misereux du coin . Il a le triste privilege d'etre le rejeton de Luther Ray Miller , individu notoirement connu pour avoir massacré , à l'époque , sa petite amie alors desireuse de retrouver sa liberté . Arrété puis emprisonné , il y mourra sous les coups d'un co-détenu laissant précocement veuve et orphelin . Bon , on a tous été jeunes , on a tous fait des bétises...Eddie porte cela comme une tare familiale , un fardeau héréditaire dont il ne peut se défaire ce qui explique sa discretion et sa gene a l'ecole comme dans la vie en général..Ce qui va les reunir , pour le meilleur et pour le pire , c'est le personnage proposé par Jack à Eddie pour incarner un devoir portant sur le mal : le pere de ce dernier ! Se sentant l'ame d'un tuteur desireux de prendre sous son aile cet eleve discret mais dont il sent un potentiel certain , il l'accompagnera dans toutes ses démarches , ses investigations , allant jusqu'a se perdre lui-meme dans les meandres de cette histoire...

"Les leçons du Mal" n'est pas un policier comme on l'entend habituellement car ici , pas de meurtres en séries , pas d'enquete en cours mais uniquement des faits relatés melant passé et extraits de proces comme on le comprendra ultérieurement . L'auteur entremele habilement present et passé sans jamais en faire perdre le fil . le récit est fluide et ultra accrocheur ! Tout comme Jack et Eddie , l'on decouvre méticuleusement des pans entiers de leurs histoires respectives , certains convenus , d'autres beaucoup plus surprenants ! le rythme est plutot lent et en cela , il me fait penser aux recits de James Lee Burke . Pas de surenchere en hémoglobine , en description de cadavres mais malgré tout , on ne peut decrocher . L'auteur instaure avec brio un climat exsudant la noirceur , le drame que l'on sent poindre inexorablement . Cook , tel le petit Poucet , distille ses indices au compte goutte et les rebondissements , a defaut d'etre spectaculaires , rendent ce récit réellement addictif !
Les personnages principaux sont plutot attachants . Tous deux developperont une relation amoureuse qui , sans veritablement s'etendre plus que de raison au fil des pages, sont de veritables valeurs ajoutées au récit . Jack s'entichera de Nora , une collegue afro ayant a charge un frangin quelque peu demeuré mais tres attendrissant. , tout cela dans un contexte social ou les relations interethniques n'etaient pas tres bien vues , le KKK y ayant traçé son sillon nauseabond . Eddie , quand à lui , se rapprochera de Sheila , alors petite amie de Dirk ( je sais , ça ressemble aux feux de l'amour mais en beaucoup plus dense , je vous rassure !) , etre totalement associal vouant un veritable culte a la betise et la violence , et donc potentielle source d'emmerdes pour les deux tourtereaux .
Les personnages secondaires que sont le sherif Drummond , la mere d'Eddie , Wendell , l'inséparable acolyte de Dirk et , bien sur , le fantomatique facteur qui au final vous surprendra , viennent assurément enrichir cette tragédie.
En accompagnant Eddie , c'est egalement a sa propre histoire que Jack sera confronté , devoilant ainsi bon nombre de zones d'ombre qu'il aurait peut-etre fallu ne pas mettre en lumiere...Mais lui permettant , cependant , d'apprehender un peu mieux son pere , etre solitaire a tendance suicidaire avec qui il communique tant bien que mal (discussions axées essentiellement sur Lincoln , Lincoln ou encore..Lincoln ,au bout d'un moment , ça peut lasser...) et que les demonstrations de tendresse embarassent plus que tout..
Dernier point positif : la construction de ce roman . Tel un film , ce bouquin donne l'impression d'avoir été écrit comme un scenario revelant ses scenes les unes apres les autres , un excellent format pour le grand écran !
Un livre fort , intense , lu dans le cadre du jury du polar qui laisse presager encore de belles heures de lecture pour peu que les ecrits suivants soient du meme acabit !!

Les Leçons du Mal vous feront un bien fou !!!
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Il est des polars comme des arbres. Certains sont secs et nerveux, d'autres cachent derrière un feuillage chatoyant leur tronc famélique.
D'autres, comme celui-ci, s'imposent majestueusement devant nous, imposants, massifs, intimidants même.
Mais il serait plus juste de parler de roman noir, plutôt que de polar, sombre comme les tréfonds dans lesquels peut s'enfoncer l'âme humaine.
On ne peux parler de ce roman sans tout d'abord se pencher sur l'écriture de Cook. Une écriture riche, parfois emphatique, d'une inextinguible profondeur, exsudant les émotions de ses personnages par tous les pores de ses mots. Ce livre ne se lit pas à la va-vite, il demande toute l'attention du lecteur, pour en tirer la substantifique moelle.
L'auteur se penche avec soin et attention sur l'idiosyncrasie de ses personnages, l'histoire se déroule lentement, construite à l'envers, sur le mode de la "chronique d'une catastrophe annoncée".
Cook use d'effets stylistiques du meilleur effet, avec l'alternance de passages très soignés, entrecoupés d'extraits de procès ou encore de passages tirés des écrits des personnages.
Tout du long, certaines phrases, lancées au lecteur, nous préparent au final qui se dévoilera sobrement, mais profondément touchant.
Le roman est aussi une belle description des états du sud américain dans les années 50, avec les préoccupations de l'époque. Une époque où la division des classes est prégnante et dont l'auteur se sert pour insuffler une atmosphère étouffante à son récit.
A titre personnel, le seul petit défaut que j'émettrais concerne justement le style de l'auteur à certains rares moments, un peu pédant, comme se le reproche lui-même le personnage principal concernant ses propres écrits (un peu comme ma critique aussi). Tout petit bémol, rarement ressenti dans ce flot de mots et d'émotions d'une rare richesse.
Une oeuvre touchante, noire mais jamais tapageuse.
Lien : http://gruznamur.wordpress.com
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1954, Delta du Mississipi. Eddie Miller avait à peine cinq ans lorsque son père assassine une jeune fille du lycée de Lakeland. Depuis l'adolescent, discret, presque effacé, est surnommé le " fils du tueur de l'étudiante ".
Jack Branch issu d'une grande famille du Sud, est de retour dans sa ville natale, où il vient de décrocher son premier poste d'enseignant.
Le jeune professeur se lance dans un semestre d'études sur la figure du Mal au travers de l'histoire et de la littérature…
Très vite, il encourage Eddie à se confronter à sa monstrueuse ascendance et à découvrir la vérité sur son père.
Mais quand on tente de faire toute la lumière sur le passé, les ombres enfouies au plus profond des âmes peuvent se révéler au grand jour. 



Difficile de parler du dernier roman de ce grand auteur par peur de trop en dévoiler. Disons simplement que Les Leçons du mal possède, en plus d'une intrigue ciselée, une réelle force dramatique. Une partition sans failles qui enfle, gonfle, gronde et nous emporte.

Un Thomas Cook dans la grande tradition serais-je tenté de dire. Ce qui est un gage de qualité. C'est que l'on retrouve ici toutes ses thématiques : une société très hiérarchisée et traditionaliste, les relations père / fils, la force du doute et du soupçon, et le poids du passé. Mais, c'est aussi un superbe voyage en amnésie dans le Sud profond des États-Unis, celui des années cinquante, juste avant le mouvement des droits civiques. Un monde qui reste encore englué dans un fonctionnement hérité du siècle précédent. Un peu d'histoire doublée d'une ballade littéraire. Une promenade sous l'influence de William Faulkner, d'Abraham Lincoln et d'Herman Melville.
Mais surtout, une interrogation qui traverse tout le roman et transperce toutes les certitudes de façon inéluctable : comment une noble et belle action peut-elle se retourner contre nous ?

Les Leçons du mal est un livre envoûtant, un faux polar mais un vrai roman noir. Oppressant à souhait, servi par une très belle écriture et une analyse psychologique toute en finesse, le roman vous happe des la scène d'ouverture et ce jusqu'à la dernière ligne. Encore un excellent roman de Thomas H.Cook.
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Il y a quand même des profs qui choisissent de drôles de sujets pour leurs cours et celui qui nous concerne, notre narrateur, y raconte les faits horrifiques des quelques hommes les plus malfaisants de l'Histoire, qu'ils soient réels ou de fiction.
Ses élèves sont attentifs, ça, je peux vous l'affirmer !
Il faut dire qu'il a fort à faire avec eux, car ils proviennent, pour la plupart, des « Ponts », qui est un quartier plus que misérable de la petite ville de Lakeland, Mississipi. Les habitants de ce quartier ne sont guère intellectuels, même si de temps en temps l'exception confirme la règle. Nous sommes dans les années 50, et la ségrégation entre riches et pauvres, exploiteurs et exploités, est encore très forte.


Notre prof-narrateur, Jack Branch, est le fils d'un professeur lui aussi, riche et estimé, vivant seul sa retraite dans le manoir familial.
A la faveur d'un devoir, Jack va se lier avec un de ses élèves, le fils du « Tueur de l'étudiante ». Triste célébrité ! Jack Branch a l'ambition de lui apporter quelque chose de positif, de le « sauver », en quelque sorte de son hérédité diabolique. Mais la recherche intellectuelle de Eddie, ce jeune assez fade et isolé, transformera pour toujours le microcosme de cette petite ville et même la relation de Jack envers son père.


Ce roman, je l'ai choisi en fonction des réactions enthousiastes de mes amis babéliotes, et je ne le regrette pas, quoique je ne sois pas branchée « romans policiers ».
Celui-ci en est un, peut-être, vu qu'une étudiante a été tuée dans le passé, mais il s'accroche plutôt aux personnages actuels, tourmentés, chacun dans son genre. Chacun a son petit rôle à jouer, et c'est très intéressant de découvrir les rouages qui font tourner la machine sociale et psychologique.


Quoi de plus simple en apparence mais de si difficile si on creuse un tant soit peu que la relation professeur-élève ainsi que les échanges ou non entre les jeunes, la relation filiale, le poids de l'héritage familial, régional, historique ! Et si l'amour s'en mêle (et il s'en mêle toujours), cela complique encore plus ce système d'interactions.


Oui, vraiment, je ne regrette pas d'avoir fait la connaissance de ce Thomas Cook dont tout le monde vante les louanges. A l'aide d'une narration qui se joue de nous en nous transportant dans le passé, dans le présent, en faisant des anticipations, cet auteur parvient à nous tenir en haleine.


Alors, peut-être un jour vais-je construire un cours sur les leçons du Mal ? Non, je préfère laisser cela à Thomas Cook, bien plus doué que moi !
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En inuagurant la nouvelle maquette de leur collection policière avec Les Leçons du mal de Thomas H. Cook, les éditions du Seuil ont frappé fort, très fort. de cet auteur, j'avais lu uniquement quelques titres parus à la Série Noire. Deux d'entre eux m'avaient laissé une impression en demi-teinte. Si j'y avais trouvé un style et une écriture fluide, une musicalité évidente laissant à penser que Thomas H. Cook était un véritable représentant du roman noir américain, qu'il en était l'une des voix indéniable, j'avais néanmoins été déçu par certaines ficelles qu'il utilisait ou bien même par les fins qu'il donnait à ses ouvrages. le mystère qu'il laissait planer était si palpable que j'en étais venu à trouver les révélations finales un peu fades, même si bien sûr, l'intérêt d'un polar ne se résume pas à ces uniques considérations. D'où une légère déception.

Mais avec Les Leçons du mal, la donne n'est pas la même.

Jack Branch est professeur au lycée de Lakeland, petite ville du Mississipi où il a grandi, vécu et où, certainement, il mourra. Ses souvenirs l'emmènent en 1954 où se sont déroulés les tragiques événements dont il se sent responsable. A l'époque, l'idée lui était venu de mettre en place un cours de rattrapage consacré au Mal sous toutes ses coutures, envisagé selon ses différentes déclinaisons, toutes époques confondues. Jack, non sans une certaine pédanterie, se sentait investi d'une mission consistant à éveiller les consciences de ses élèves.
J'espérais que cela les ferait réfléchir, frapperait leur conscience, au moins quelques secondes , et j'avais décidé depuis longtemps déjà que, même si je devais me servir d'un outil rudimentaire pour ouvrir un peu leur esprit provincial farci de religion, je n'hésiterais pas.

Et pour donner corps à ses pensées, il avait pris sous son aile l'étudiant le plus effacé, celui en qui personne ne croyait : Eddie, Miller, le fils du « Tueur de l'étudiante ». Mieux, il lui avait proposé d'établir son devoir de fin d'année sur son père et les circonstances de son acte. En l'incitant de la sorte à soigner le mal par le Mal, il allait en fin de compte devenir le grain de sable faisant voler en éclats les rouages d''une petite ville du Sud des Etats-Unis reposant encore sur des oppositions de classes et de couleurs de peau avec, en arrière-plan, les cicatrices engendrées par la Guerre de Sécession.

Avec ce livre là, Thomas H. Cook réussit un véritable tour de force. Jusqu'à la fin, le lecteur ne sait rien du drame qui s'est joué en 1954 et se trouve très vite enferré par la chape de mystère suggéré par le roman. Jack Branch, le narrateur donc, émaille son récit de comptes-rendus d'un procès sans que l'on sache jamais rien de la nature de celui-ci. Quelle crime a été commis ? Qui est inculpé ? Pourquoi ? Toutes les hypothèses sont possibles. Présent et passé s'entremêlent, parfois de façon volontairement abrupte, de sorte à nous décontenancer un peu plus, sans jamais nous perdre en route pour autant. Des pistes s'ouvrent, se referment, le drame toujours en ligne de mire. Et ce sont les personnages, tous magnifiques, vivants, obsédants, faillibles qui lui donnent corps, entretiennent les doutes et donnent envie d'aller jusqu'au bout, de démêler l'écheveau de cette histoire pourtant simple et humaine, mais qui démontre de façon magistrale combien le mal, lui, est difficile à rationaliser et à appréhender ; qu'on a beau l'analyser, le quantifier et vouloir le faire rentrer dans des cases, il trouve toujours les voies les plus insoupçonnées pour se manifester et induire la souffrance.

Un roman bouleversant et beau. Voilà.


Lien : http://bibliomanu.blogspot.com
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Coucou papa,

Comme il s'agit de ma trois centième chronique, je me suis dit que c'était l'occasion ou jamais de continuer à découvrir Thomas H. Cook, cet auteur que tu avais découvert avec enthousiasme quelques mois avant ta disparition, qui avait laissé inachevée ta lecture d'Au lieu-dit Noir-Etang.
Je t'ai raconté la fin, mais je doute que tu m'aies entendu.
J'ai pensé qu'il était temps pour moi de replonger dans l'univers dramatique de cet auteur avec un de ses romans les plus connus, Les leçons du mal, que tu aurais probablement lu depuis longtemps si les circonstances en avaient décidé autrement.

Selon les uns, Thomas H. Cook fait partie de ces auteurs qui ont renouvelé le genre policier, pour d'autres il est un auteur majeur de romans noirs. A l'exception de ses tous premiers romans parus en série noire, ça n'est plus du tout ainsi que je le perçois. A mes yeux, il est l'un des plus grands auteurs de littérature tragique. Et si le roman comporte cinq parties, ce n'est évidemment en rien une coïncidence. Les pièces de théâtre tragiques des plus grands auteurs ont toujours comporté cinq actes : Phèdre de Racine, le Cid de Corneille ou Hamlet de Shakespeare.
Et avec cette cinquième partie, très intense et inattendue, Thomas H. Cook m'a de nouveau pris à la gorge. J'avais oublié que parfois, les apparences ne pouvaient être que des ombres.

Fidèle aux constructions de ses autres romans, la narration du professeur Jack Branch oscille entre un présent dans lequel, déjà vieux, il se remémore la catastrophe dont il se considère responsable alors qu'il n'était qu'un jeune enseignant de vingt-quatre ans, convaincu d'agir au mieux. Rongé par les remords, il se souvient aussi du procès qui a suivi le drame et des différents témoignages, parmi lesquels le sien.
"La vie est un drame pour lequel on n'est pas préparés, Jack."
Souvent, les fins de chapitre rappellent que, contrairement à toute attente, le mécanisme est déjà enclenché et la fin d'autant plus inéluctable qu'elle a déjà eu lieu chronologiquement.
"Je ne voyais pas pourquoi il en irait autrement." dira-t-il en envisageant un avenir serein qui, bien sûr, ne se déroulera pas comme prévu.
"Ce en quoi, évidemment, je me trompais." pensera-t-il, à des lieux de se rendre compte de l'apocalypse imminente et de sa propre responsabilité.
"Il parlait de ce fameux soir, où tout s'était passé si vite."
Quant à ce qui a bien pu se passer, les chapitres vous donneront progressivement une vue d'ensemble, mais de nombreuses hypothèses seront longtemps permises.
On fonce droit vers le malheur, on est prévenus, mais ignorant ce qui a bien pu dégénérer à ce point-là ou comment, on est irrémédiablement entraînés vers l'abîme.

Jack Branch est un jeune professeur d'un genre particulier, puisqu'il prodigue un cours que j'aurais beaucoup aimé avoir par le passé. Il enseigne le mal.
Alors non, il ne s'agit pas de faire des élèves de sa classe de petits êtres malfaisants, mais de leur donner des cours de rattrapage thématique autour du mal, qu'il soit littéraire, philosophique, artistique ou surtout historique. Ainsi il leur fait étudier des romans comme le procès de Kafka, L'étranger de Camus ou 1984 d'Orwell. Il délivre des cours sur Jack l'éventreur.
"Ce fut un de mes exposés les plus choquants de cruauté, assorti de projections d'images sanglantes des corps atrocement mutilés des infortunées victimes de Jack."
Il narrera la façon dont le radeau de la Méduse a été abandonné par les autres passagers du bateau naufragé et celle dont les rares survivants avaient du se résoudre au cannibalisme pour avoir une chance de survivre. Esclavagisme, engins de torture, tyrannie romaine, les sorcières de Salem dont la plus jeune avait cinq ans seront d'autres sujets qu'il abordera en cours. Jusqu'à l'équivalent d'un mémoire demandé en fin d'année dont le sujet sera :
"- Je veux que vous choisissiez une incarnation du mal, et que vous rédigiez une dissertation sur cette personne."
Ainsi Staline, Hitler, Judas côtoieront le docteur Frankenstein ou Julie Ann Fogg, condamnée en 1927 pour le meurtre de deux petits garçons, alors qu'elle n'était âgée de de dix-sept ans.

Toi aussi papa tu m'as enseigné le mal. Je t'ai connu dans un autre rôle que celui de père puisque je t'ai eu comme instituteur alors que j'étais âgé de sept ou huit ans, en CE2 et CM1. Aucun favoritisme à mon égard, bien au contraire puisque tu te faisais un devoir de me traiter comme tout autre élève. Tu m'as même fait pleurer quand tu m'as rendu ma dictée en me mettant 06/10 ! Je ne me souviens évidemment pas de tout, mais c'est toi qui m'a alors donné mes premiers cours d'histoire de France. J'avais alors du mal à réaliser l'absurdité des guerres, au contraire j'ai rougi comme une pivoine quand en classe tu as mentionné que Godefroy de Bouillon - dont je n'avais jamais entendu parler - s'était emparé de Jérusalem en 1099. Je réalisais en même temps que tous mes camarades l'origine de mon prénom. A l'époque, l'Histoire du Moyen-âge me paraissait plus semblable à des contes cruels qu'à une insoutenable réalité. Mais entre autres exemples, je me souviens de ton cours sur Jeanne d'Arc, brûlée vive à Rouen. J'ai été définitivement marqué par les fillettes, le surnom des cages d'un mètre de haut sur un mètre de large dans lesquelles Louis XI enfermait des prisonniers qui étaient condamnés à rester accroupis. Je me rappelle aussi des guerres de religion et du massacre de la Saint Barthelemy. de l'assassinat du roi Henri IV par Ravaillac en 1610. Un bel avant-goût déjà de ce que l'être humain était capable par haine, par peur, par intolérance.

Le roman de Thomas H.Cook prend place dans le Mississipi, au Sud des Etats-Unis dans la ville de Lakeland, probablement au début des années 60. La ville était alors nettement séparée en deux zones distinctes : Les cascades où vivaient les notables qui vivaient dans des manoirs ou de gigantesques demeures, employant encore pour certains des domestiques. Quant à la seconde zone, il s'agit des Ponts, où réside la population la plus modeste de Lakeland.

Dans la classe du professeur Jack Branch dont il sera ici uniquement question, on ne retrouvera que des adolescents issus de ces quartiers pauvres, tandis que lui même est issu des Cascades. Parmi les élèves importants, on peut citer Dirk et Wendell qui sont les éléments les plus perturbateurs, la jolie Sheila, Stacia la meilleure élève et le très discret Eddie Miller.
Son père, Luther Miller, a assassiné une jeune femme quand Eddie n'avait que cinq ans.
Ce qui est un héritage difficile à porter quand chacun voit en vous "le fils du tueur de l'étudiante". Comme si votre vie ne vous appartenait pas vraiment et que vous aviez une étiquette collée sur le front.
"Tu penses que t'es comme ton père ? lança Dirk Littlefield."
Le mal peut-il être héréditaire ?

Parce qu'évidemment, la relation père-fils a de nouveau énormément d'importance dans ce roman.
La filiation, l'hérédité, l'éducation, les erreurs du père ou du fils, la transmission des gênes, du sang ou du patrimoine sont des thèmes chers à Thomas H. Cook et Les leçons du mal ne déroge pas à la règle.
Mais pour être honnête je n'ai rien pas été nostalgique lors de ces réflexions, aucune des relations ici présentées ne m'ayant vraiment rappelé la notre.

Le professeur Jack Branch va s'attacher à ce garçon et se faire un devoir de lui redonner une identité. Et pour ce faire il va lui suggérer d'écrire sur son père, persuadé que cet exercice fera fuir le fantôme qui le hante. Il va également l'aider à entreprendre différentes démarches, l'accompagner pour interroger le shérif qui avait alors arrêté son père, l'orienter pour qu'il puisse parler à toutes les personnes qui ont connu son père auparavant, espérant que le portrait qui allait ressurgir ne serait pas uniquement celui d'un cruel assassin. Il lira son devoir et lui prodiguera de nombreux conseils pour améliorer cette plume prometteuse. Il se fera en quelque sorte un devoir de le sortir de sa condition misérable en lui redonnant confiance en lui.
Le lien entre le professeur et son élève dépasse le cadre scolaire, ce qui ne sera pas du goût de tous. Mais Jack est convaincu de sa bonne action et a en outre quelque chose à se faire pardonner.
L'enfer est pavé de bonnes intentions. L'expression va prendre tout son sens dans Les leçons du mal.
Ce sera le battement d'ailes du papillon aux inimaginables conséquences.
En tout cas Jack revêt son costume de sauveur, de grand-frère et peut-être aussi, un peu, celui d'un père de substitution bienveillant.
Dernière figure de père dans ce roman, et non des moindres : celle du patriarche Jefferson Branch, le père de notre narrateur. Maître de la résidence de Great Oaks ( Les grands chênes ), alcoolique, dépressif, cet écrivain jouera un rôle aussi majeur que récurrent.
En effet, ancien professeur éminemment respecté, il a aussi bien connu l'assassin Luther Miller que sa femme ou sa victime.
La relation avec son fils est très particulière puisqu'ils ne se voient qu'épisodiquement avec une certaine solennité, que leurs conversations restent de nature uniquement culturelle.

Le seul léger reproche que j'aurais à formuler concerne le doute subsistant sur ce qui s'est réellement passé avec "le tueur de l'étudiante", certaines portes n'ayant pas été refermées. A ce seul détail près Les leçons du mal est de nouveau un livre qui touche en plein coeur et dont on ne peut ressortir totalement indemne. La plume de l'auteur est toujours aussi magnifique, sa culture littéraire, philosophique ou historique toujours aussi impressionnante. Je me suis parfois amusé des termes désuets nous replongeant dans l'époque, à l'exemple de l'expression "s'encanailler" qui signifie tout simplement "descendre de son rang en fréquentant une canaille", allusion ici aux différents niveaux sociaux des habitants de Lakeland.

"Transmettez mes amitiés à votre père, me dit-il en me tendant la main."
Tu as les respectueuses salutations du shérif Drummond, du proviseur Douglas Rankin, et même de Jack Branch.
Quant à moi, je ne manquerais pas de te faire un retour sur le prochain drame que je lirai de cet auteur, tout en pensant bien évidemment à toi.

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Ayant beaucoup aimé 'Les feuilles mortes', je me suis lancé dans la lecture de 'Les leçons du mal' cet été et je n'ai pas été déçu.
Ce livre raconte l'histoire d'un professeur de lettres qui décide d'apporter son soutien à l'un de ces élèves, qui est mis à l'écart par la plupart des élèves, car son père a été accusé du meurtre d'une étudiante quinze as plus tôt. L'histoire se passe dans une petite ville du Mississippi encore marquée par le racisme et l'intolérance. Thomas H. COOK alterne entre les souvenirs du professeur et sa vie actuelle et dresse le portrait édifiant d'une Amérique profonde où la violence est omniprésente.
Un livre à conseiller.
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Je suis très souvent critique sur la traduction française du titre original d'un livre. Les formules choisies en français éloignent régulièrement le lecteur du thème retenu par l'auteur, voire n'éclaircissent pas la teneur du livre. C'est pourquoi, j'aime vérifier le titre dans sa langue d'origine. Pour une fois, je vais me contredire. Je trouve que le choix des Leçons du Mal pour ce roman de Thomas Cook est plus judicieux que Master of the Delta, le maître du Delta.

Le delta en question est celui du Mississipi. Nous sommes dans les années 60-70, ce n'est pas clairement précisé. Encore marquée par son passé, la région cultive les distanciations sociales entre ceux qui habitent les belles demeures à colonnades et les ouvriers et employés du bas quartier des Ponts. Pas de racisme sur fond de Guerre de Sécession dans ce roman. Uniquement deux mondes qui se connaissent, dont l'un a toujours servi l'autre. Un seul endroit brasse pour un moment ces deux communautés, le lycée local.

Alors quand Jack, professeur issu de la haute société, cherchera à élever ces adolescents des Ponts vers un monde meilleur par la réussite scolaire, il découvrira que son utopie n'amènera pour eux que malheurs et désillusion. Sans en dévoiler plus, Thomas Cook nous offre un magnifique roman sur la conséquence de nos actes; les meilleurs pouvant amener aux pires. Ne dit-on pas que l'Enfer est pavé de bonnes intentions ?

C'est très bien écrit, et donc très bien traduit par Philippe Loubat-Defranc. Beaucoup d'émotions dans ce roman qui suit une trame policière pour nous amener à sa conclusion.
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Au soir de sa vie, Jack Branch se souvient de l'année 1954, lorsqu'il était un jeune enseignant d'une vingtaine d'années au lycée de Lakeland, sa ville natale. Issu d'une riche famille dont le seul nom ouvre toutes les portes, il avait pourtant, comme son père avant lui, choisi l'enseignement. Et, cette année-là, il donnait un cours de rattrapage avec pour thème le Mal sous toutes ses formes. Dans sa classe, il avait été intrigué par Eddie Miller, un élève effacé et solitaire. le garçon, mis à l'écart par ses camarades, portait le poids de la culpabilité de son père, le "tueur de l'étudiante", mort en prison quinze ans auparavant. Jack, n'écoutant que son coeur romantique, décidait de prendre Eddie sous son aile et de l'inciter à enquêter sur son père afin de s'en délivrer. Mais il était loin de se douter qu'un simple devoir d'étudiant allait bouleverser l'équilibre de sa petite ville du Sud et aboutir à un terrible drame...

Les leçons du mal n'est pas un polar au sens classique du terme, c'est plutôt un roman noir -très réussi d'ailleurs. Ce qui fait sa force, ce sont les aller-retour entre le présent et le passé dans le récit du narrateur et surtout la sensation, puis la certitude, du drame à venir. La tension latente tout au long du roman met les nerfs à vif, expose à toutes les hypothèses et donne surtout envie de tourner les pages pour enfin, comme une délivrance, savoir ce qui s'est réellement passé.
Mais outre cette intrigue très prenante, Thomas H. COOK nous raconte aussi l'histoire d'une petite ville du Sud des Etas-unis figée dans le temps. En 1954, l'esclavage est bien sûr aboli mais les mentalités n'ont pas changé. Les noirs vivent en marge de la ville et les riches propriétaires entretiennent leurs domaines et leurs gloires passées dans le quartier préservé des "Plantations". Entre les deux, survivent ceux des "Ponts" avec leurs lots de chômage, d'alcoolisme, de violence et d'avenirs bouchés. C'est dans ce contexte de clivages sociaux et raciaux exacerbés que Jack Branch décide de changer la vie d'Eddie Miller en lui ouvrant de nouvelles perspectives. Déboussolé par un père proche de lui intellectuellement mais si distant physiquement, inexpérimenté dans son rôle d'enseignant, un peu maladroit et souvent pédant, le jeune Jack se laisse prendre au jeu de Pygmalion jusqu'au moment où il ne pourra plus maîtriser ni les faits ni ses sentiments et on le retrouvera longtemps après, vieux, fatigué, retiré du monde et marqué à vie par le drame de 1954.
J'ai beaucoup aimé ce récit. J'ai trouvé les personnages et leur psychologie finement travaillés et malgré le drame latent je me suis laissée bercer par l'atmosphère du Sud profond. J'ai quitté Lakeland le coeur d'autant plus serré que la fin, magistrale, réserve une surprise de taille qui laisse un goût amer...
Une belle découverte pour ce premier titre du jury Seuil Policiers. Merci à l'éditeur et à Babelio.
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