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Critique de YvesParis


Jean Copans n'aimerait pas être présenté comme un anthropologue ou comme un sociologue. Toute l'oeuvre de ce grand africaniste s'est construite dans le refus des classifications réductrices et dans le désir de dépasser les clivages qui isolent l'anthropologie de l'histoire, ou la sociologie de la science politique.
A près de 70 ans, Jean Copans fut de bien des batailles idéologiques. Cet auteur prolixe à l'érudition ébouriffante, aussi familier de l'Afrique anglophone que de l'Afrique anglophone, fait le constat désillusionné d'une bataille perdue : celle de l'africanisation d'une discipline autonome. Sans sombrer dans l'afropessimisme, ni s'ériger en « ami bienveillant » de l'Afrique, il poursuit la réflexion sociologique entamée il y a près de vingt ans dans La longue marche de la modernité .
Il réunit dans ce court ouvrage d'une collection dirigée par son complice Jean-François Bayart (ils créèrent ensemble au début des années 80 la revue « Politique africaine » avec le désir revendiqué de « voir l'Afrique autrement ») une demi-douzaine d'articles rédigés entre 1990 et 2010. Certains nous replongent dans des querelles aujourd'hui passées de mode : ainsi de l'omniprésence du marxisme dans les débats universitaires et de son rêve trahi de participer à l'émergence d'un homme nouveau. D'autres sont d'une actualité toujours brûlante comme ce programme d'une sociologie encore à faire des « petites mains », enquêteurs, transcripteurs, interprètes, dont l'influence aux côtés du chercheur n'a pas été évaluée à sa juste valeur.
Il ressort de ces articles savants, d'une lecture parfois difficile, une profonde déception : l'Afrique – une généralisation que Jean Copans récuse tant son expérience lui a révélé que l'Afrique, plurielle, ne se prêtait pas à des généralisations hâtives – n'a pas réussi à se penser par elle-même. Ses intellectuels sont resté victimes de modes importées : le marxisme, le dépendantisme, l'ethno-nationalisme, le panafricanisme …
Cette situation s'explique par trois phénomènes. le premier est la déliquescence de l'enseignement supérieur public. le deuxième est le poids de la consultance et le biais développementaliste de la recherche en sciences sociales. le troisième est la « fuite des cerveaux » – « l'émigration mandarinale » selon les propres mots de l'auteur – vers le continent nord-américain.
La constitution d'un africanisme africain reste plus que jamais nécessaire malgré les désillusions de cinquante années d'indépendance. Il ne s'agit pas d'adhérer au slogan « l'Afrique aux Africains » prôné, non sans mauvaise foi, par un Charles Gondola mais d'encourager une véritable libération intellectuelle à l'égard des modes opératoires occidentaux.
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