On a dit : « L’homme, c’est la parole. » L’aménagement des voies respiratoires supérieures dans un environnement devenu, vers 3 millions d’années, particulièrement sec, a fait descendre le larynx et s’installer une précieuse caisse de résonance entre les cordes vocales et la bouche – nantie d’un palais plus profond et d’une symphyse plus verticale. Les grands singes, qui n’ont pas eu à affronter une telle nécessité, ont donc développé une communication poussée, mais dépourvue de langage articulé. Pourtant, lorsqu’on leur enseigne le langage des signes, ils ont une impressionnante quantité de choses à nous raconter.
On a longtemps dit : « L’homme, c’est l’outil. » Et puis l’on s’est rapidement aperçu que les outils en pierre, en bois, en os appartenaient aussi à la famille voisine, comme d’ailleurs à d’autres. Alors, cherchant à tout prix à établir une frontière, on a affirmé : « L’homme, c’est l’outil aménagé. » Mais l’effeuillage des rameaux pour pêcher des fourmis ou des termites, la mastication de feuilles pour éponger l’eau au fond des cailloux ou la cervelle au fond des crânes ont montré que nos cousins étaient eux aussi, incontestablement, capables d’aménager certains de leurs outils.
Le monde est un et il a une superbe cohérence, en équilibre à chaque instant, et la première chose à apprendre aux enfants des hommes est sans doute que la Terre est née de l’Univers, la vie de la matière, l’homme de la vie animale et l’esprit de l’homme du développement de son système nerveux. L’histoire des astres, celle de la vie, l’histoire de l’homme, l’histoire de sa pensée sont une seule et même histoire, sont l’Histoire. L’avènement de la réflexion est un événement cosmique et l’homme est enfant des étoiles.
Rien n’est stable. Le ciel, ses galaxies, ses étoiles et leurs planètes naissent, vivent et meurent comme naissent, se transforment et meurent, sur celle de ces planètes dont la destinée nous intéresse parce que c’est la nôtre, les contours et les emplacements des continents et des océans, les climats, les milieux et les êtres qui les fréquentent.
On a dit : « L’homme, c’est la culture », recourant à cette vieille notion – « éculée », affirme Pascal Picq – d’acquis se rapportant à une connaissance enregistrée, enseignée, transmise. Or on a rencontré des traditions culturelles dans plusieurs populations de grands singes, et observé d’ailleurs qu’elles différaient entre populations voisines.
25.01.18 - INTEGRALE - Yves Coppens, Jérôme Garcin, Colombe Schneck..