REMBRANDT avait vingt-deux ans lorsqu'il griffonna sa première eau-forte. Ce fut du premier coup une oeuvre personnelle, souple, incisive et très supérieure à tout ce qu'il avait signé jusqu'alors. C'est un petit Portrait de sa Mère mesurant, au plus, sept centimètres, et qui figure dans le catalogue de Bartsch sous le n° 352. A ce moment, Rembrandt s'ignore. Il ne peut deviner qu'il sera pris, plus tard par cet art du graveur, au point de lui consacrer le meilleur de sa vie. Il s'essaye spontanément, sans arrière pensée, avec une belle audace juvénile, à jeter sur son cuivre une forme concrète et typique. Et voici que sans s'en douter, il a créé, des ce premier croquis, toutes les formes définitives de son graphisme de l'eau-forte!
Certes une eau forte de Rembrandt est assez belle en soi pour laisser une impression durable, malgré l'examen hâtif et très superficiel qu'il est d'usage de lui consacrer en marge d'une étude de son oeuvre de peintre., et c'est le privilège des œuvres de génie.
Mais cela suffit-il? Si le Maître a voué plus de temps à l'eau forte qu'à la peinture et s'il a réservé ses plus importantes compositions pour son art de prédilection., c'est, apparemment, qu'il avait senti combien ses moyens d'expression étaient plus adéquats à sa conception esthétique.
Étudier l'oeuvre de Rembrandt c'est essayer d'abord de démêler dans le chaos des catalogues, l'ordonnance originelle d'une production dont l'unité apparaîtrait, déjà, rien que dans le classement chronologique des pièces signées et datées par le maître.