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Critique de frandj


Le Coran dirige la vie d’environ un milliard d’humains, et une bonne proportion le connait même par cœur. Pour eux, ça coule de source, non seulement parce qu’ils croient dans cette vérité révélée, mais aussi parce qu’ils ont baigné constamment dans cette culture religieuse. Ce n’est évidemment pas le cas d’une personne étrangère à la religion musulmane. Il lui est très difficile d’apprécier la valeur d’un texte nouveau pour lui, même s’il en connait déjà quelques versets célèbres.

On sait que ce livre sacré est destiné à être récité, psalmodié; Tous les islamologues - y compris occidentaux - affirment avec force (et on peut les croire) la très grande beauté de l’arabe littéraire utilisé pour noter le texte; ils ajoutent que la récitation est réellement une splendeur sonore pour l'oreille humaine. Donc, on peut se douter que la lecture du texte en français n'est peut-être pas la meilleure approche du Coran.

J’ai emprunté à la médiathèque le Coran dans la traduction rédigée par un l'islamologue Régis Blachère. Pas question pour moi de lire intégralement cet ouvrage; on ne lit pas non plus l’Ancien Testament de A à Z ! Je voulais seulement avoir une idée de l’ambiance où baigne le Coran et aussi de son contenu. Le traducteur a choisi, semble-t-il, de rester aussi proche que possible de l’original, dont l'écriture est sans doute archaïque. C’est l’une des raisons possibles de ma première nette impression: le texte m’a paru lourd, parfois confus et souvent répétitif.

Les hommes qui ont fixé le texte définitif au VIIème siècle ne se sont pas vraiment souciés de la logique. Dans le Coran, il n’y a pas de cohérence apparente, ni d’ordre chronologique. Les sourates sont seulement classées dans l'ordre décroissant de leurs longueurs; Les exégètes en sont réduits à supputer la date approximative de leur rédaction: pendant la période mekkoise ou bien pendant la période médinoise, que le Prophète a vécues de manières très différentes. En outre, dans une même sourate, on n’observe pas un minimum de cohérence: on y trouve, juxtaposés, des diatribes contre les mécréants, des louanges à Allah, des prescriptions religieuses, des récits "historiques" directement empruntés à la Torah… et ce désordre m’a gêné.

Contrairement au Nouveau Testament, il n’y a pas un homme jouant le rôle de personnage central, dont on suivrait la prédication. Muhammad n'a personnellement pas d'importance dans le texte: c’est Allah qui s’exprime, directement ou indirectement, surtout pour apostropher les Croyants. J’observe une évidente parenté entre Yahwe (dans la Torah) et Allah. Ce dernier est présenté comme le Tout-Puissant, le Miséricordieux, l’Omniscient, etc… mais il est également terrifiant avec les châtiments qu’il réserve à ceux qui ne se soumettent pas à Lui. Mais, si j’ose dire, Son élocution me semble embarrassée, pesante, pas toujours intelligible; ses discours sont souvent fastidieux et d’apparence anachronique. Par exemple, Allah fait allusion inlassablement aux oppositions venant des polythéistes, des Chrétiens et surtout des Juifs. (Pendant la période de Médine, Muhammad a été déçu par les tribus juives, avec lesquelles il est entré en conflit et qu’il a en partie exterminées). Il est évident qu’un Musulman contemporain faisant une lecture littérale de ces versets contre les Juifs est naturellement porté à l’anti-judaïsme, voire à l’antisémitisme. Dans le Coran, les Chrétiens sont aussi admonestés, mais généralement moins mal traités que les fils d'Israël.

Ce qui peut encore plus surprendre, pendant cette lecture, c’est ceci: le Livre désigne comme étant de vrais Musulmans tous les prophètes et rois de l’Ancien Testament - d’Abraham (Ibrahim) à Jésus (Issa), en passant par David (Daoud). L’Islam affirme sa légitimité théologique sur ces personnages "historiques" empruntés aux Juifs. Donc, en refusant de se soumettre à Allah, les Chrétiens et a fortiori les Juifs ont trahi leurs propres prophètes et rejeté la Vérité réaffirmée grâce à Muhammad. Ce changement d’optique est vertigineux pour les lecteurs de culture judéo-chrétienne. Une autre point de doctrine (mieux connu) prend aussi les Chrétiens à contrepied: en Islam, Jésus est un grand prophète (musulman, nous l’avons déjà souligné !), mais il n’est pas mort sur la croix et encore moins ressuscité. On trouve encore d’autres thèses qui bousculent nos évidences, ça surprend et ça relativise les points de vue les plus courants en Occident.

A côté de ça, il y a d'autres choses, notamment des prescriptions (obligations et interdictions) régissant la vie civile et religieuse des Croyants, hommes et femmes. On peut faire le parallèle avec les longs passages de l’Ancien Testament sur le même type de sujets.

Comme la Bible, le Coran est si vaste, si complexe et parfois si obscur qu’il dit presque tout et son contraire. Dans certains passages, il prêche une religion d’amour et de tolérance, mais d’autres versets lancent des anathèmes et incitent à la haine. Cette dichotomie s’explique en grande partie par les ambiances très différentes qui régnaient à La Mekke et à Médine, du vivant de Muhammad. Après cette lecture partielle du Coran, je comprends très bien pourquoi les Musulmans sont actuellement partagés entre paix et djihad. Un livre sacré, c’est comme une auberge espagnole… A noter que, pour une fois, je n'attribue aucune "étoile", car une telle évaluation n'aurait aucun sens.
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