L'imagination créatrice, notion traditionnelle risquant d'épuiser son sens dans la modernité, reprise par exemple par
Alexandre Koyré et
Carl Gustav Jung que Corbin connaissait, s'est cherchée une seconde vie dans une mise en perspective permises par les traditions orientales. Henry en cherche donc des résonances dans la lecture des écrits du soufi
Ibn Arabî qui lui permet d'affiner sa conception de l'imagination créatrice comme moyen de connaissance permettant d'appréhender immédiatement et instantanément des modalités de manifestation étrangères à celles de la seule manifestation humaine, l'imagination créatrice correspondant à la connaissance de l'imaginal, du mundus imaginalis, lieu de spiritualisation de la matière, lieu de matérialisation du spirituel, lieu des théophanies et des théopathies.
La lecture de cet ouvrage impose de connaître suffisamment le soufisme. Ce n'est pas mon cas. Imbibé de philosophie occidentale, de
psychologie analytique et s'occupant de soufisme,
Henry Corbin donne parfois l'impression de s'éparpiller. le manque de la rigueur d'un
René Guénon se fait sentir. Les plus sentimentaux y trouveront un surplus de passion esthétique, une inspiration mystique, les élans enthousiastes d'une âme en quête de transcendance.
Dans l'air de son temps – air qui embaume plus que jamais le nôtre, de temps – Corbin invite son lecteur à s'ouvrir à des pratiques religieuses plus décontractées et moins unilatérales, autorisant une forme de réciprocité entre l'homme et Dieu. Les religions dogmatiques sont critiquées : l'avant-garde d'un temps devient la ringardise éprouvée d'un autre, la critique du dogmatisme apparaît alors pour ce qu'elle n'a jamais cessé d'être : une envie d'être regardé comme le dynamiteur des conventions. Rien de religieux là-dedans, nous en conviendrons. le kathénothéisme (chacun choisit une divinité mineure pour en faire SA divinité) est valorisé, chacun pouvant finalement bien s'arroger le droit de faire du lèche-vitrine et de choisir son article préféré sur l'étalage des articles religieux.
Bien que hautement documenté, fin et intelligent dans le détail, par ses conclusions progressistes, cet ouvrage me semble relativement dispensable. Ce n'est que mon avis de réac.