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EAN : 9782313000649
115 pages
Chemins Travers (27/07/2010)
4.33/5   3 notes
Résumé :
Les héros de ces six nouvelles sont saisis en état de crise, dans ces moments fragiles où les frontières entre le réel et l'imaginaire se brouillent.
Une fillette découvre l'injustice ; une mère en détresse se perd dans le monde virtuel ; un jeune homme se prend de passion pour une voix ; un couple voit ses vacances de rêve tourner au cauchemar...
Chacune de ces histoires plonge le lecteur dans l'intimité de personnages en apparence banals, révélant l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Comme ça parfois, au détour d'une journée discrète, on tombe comme par hasard (mais le hasard existe-t-il? dirait Borges...) sur un de ces textes hypnotiques qui, le temps de la lecture (dix, cent, mille pages qu'importe, le temps lui-même se retire avec discrétion...) annulent les facultés conscientes de notre cerveau, ouvrent les fenêtres de l'âme et nous transportent en un monde où le passé, le lointain et l'étrange nous embrassent avec la naturelle bonhomie d'un ami proche... Qui est Caroline Cordesse? On aimerait en savoir plus, mais qu'importe, elle a laissé sur notre chemin cette nouvelle: "L'odeur du terrain vague" ... On y retrouve cette dimension magique, trouble et inquiétante que les choses quotidiennes acquièrent aux yeux d'un enfant sensible et observateur, celle qui éclaire les grands romans de l'adolescence, "Le Grand Meaulnes" et "L'enfant et la rivière" par exemple. Mais le décors n'est pas ici celui de la France rurale du début du XXième mais un quartier périphérique d'une ville provinciale française des années soixante où la transformation traumatique du paysage urbain (le terrain vague...) et l'essor de l'immigration cohabitent avec la routine d'une école publique de quartier, routine rassurante mais aussi porteuse des raideurs et mesquineries d'une société en pleine transformation... Un décors qui nous rappelle aussi celui de "l'argent de poche" de Truffaut. Comme dans ce film, l'exclusion sociale apparait, dans le regard d'un enfant, comme le symptôme de la menace diffuse et angoissante que la société, dans son irrationalité inconsciente, fait peser sur chacun de ses membres....

Car les enfants savent intuitivement, eux qui vont vivre le futur, que l'absurde du présent est le germe des souffrances à venir, et l'héroïne de ce conte, dans l'univers poétique et pourtant ô combien réel qui est le sien (un terrain vague, les amis de l'école, un bidonville entrevu au détour d'une excursion...), analysant les fragments d'informations que le monde des adultes laisse parvenir jusqu'à elle, nous fait revivre avec une poignante intensité l'enfance en ce milieu de siècle dans la France des "trente glorieuses".

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Les héros de ces six nouvelles sont saisis en état de crise, dans ces moments fragiles où les frontières entre le réel et l'imaginaire se brouillent. Une fillette découvre l'injustice ; une mère en détresse se perd dans le monde virtuel ; un jeune homme se prend de passion pour une voix ; un couple voit ses vacances de rêve tourner au cauchemar... Chacune de ces histoires plonge le lecteur dans l'intimité de personnages en apparence banals, révélant leur humanité et leur complexité à travers les méandres de leur vie intérieure.
Lien : http://litterature.bouquineo..
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Un plaisir de lecture que cette langue toute en nuances, qui suit sans efforts les méandres intérieurs des personnages. Des personnages qu'on aurait aimé rencontrer, qu'on a rencontrés peut-être, se dit-on, tant Carole Cordesse nous les rend proches - mais dont on n'aurait peut-être pas deviné la richesse intérieure avant qu'elle ne nous la fasse connaître. C'est cela, ce respect, cette curiosité, cette tendresse, qui rend ce livre si précieux: en ce contexte frileux, il nous encourage à vivre, c'est à dire à rencontrer...
Lien : http://atelierdecrits.canalb..
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Citations et extraits (9) Voir plus Ajouter une citation
Les jours rallongent. Désormais, dès les premières heures
du matin, la classe est emplie de lumière. Les fragrances
sucrées des fleurs d’acacia venues de la cour de récréation
font oublier l’haleine rance du terrain vague. On se sentirait
plus légère sans le passage obligé de la chasse aux poux.
Zohra attend docilement, les yeux résolument baissés vers
le plancher de l’estrade.
Roseline ne peut pas, préfère ne pas… Elle profite de
l’inattention de la maîtresse pour écraser sa joue gauche sur
ses bras croisés et regarder dehors. Le terrain vague semble
lui aussi sortir d’un long assoupissement. La brise légère
chatouille les touffes d’herbe qui poussent avec une vigueur
nouvelle là-bas, sur l’estrade, les doigts ont repris leur
crissement entêtant.
La terre se couvre d’un pelage frémissant, étoilé des
taches jaunes des pissenlits et des points bleu tendre des
myosotis, qui sont comme des éclats du ciel lisse.
Zohra gémit faiblement.
– L’hygiène, c’est l’hygiène, martèle la voix pincée de la
maîtresse.
Roseline colle sa paume droite sur son oreille, elle écoute
le sang battre dans sa main. Elle suit le voyage d’un petit
nuage de coton qui frotte l’immensité du ciel.
Roseline, un peu de tenue, tout de même. On n’est pas
dans une étable !
Roseline se redresse à regret. Avale sa salive. Reprend sa
posture de bonne élève. Ses yeux se brouillent à force de
fixer les doigts agiles qui labourent les cheveux de Zohra.
L’image devient floue, s’éloigne. Il lui semble qu’on
farfouille dans sa propre tête, ça fourmille là-dedans, toute
une cavalcade de petites bêtes noires s’affole à l'approche
des griffes qui taillent de longues saignées indolores dans
son cerveau, gravent des signes illisibles qui écorchent sa
peau sans la toucher. Elle voudrait secouer le poids qui
alourdit sa nuque. Il y a quelque chose qui frémit dans son
ventre, un flot informe qui reflue, s’étrangle dans sa gorge,
s’arrête au bord, au bord des lèvres, et se perd faute de
trouver les mots. Ne laissant dans la bouche qu’une traînée
amère.
Là-haut, le nuage blanc s’effiloche, ayant fini de gommer
les impuretés du ciel. Mêlée aux effluves fleuris du
printemps, il flotte sur le terrain vague comme une sourde
odeur de crime.
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Pour rentrer à la maison, Roseline pourrait traverser le terrain vague. Rien ne l’interdit. Du moins quand la terre est sèche. Il vaut mieux éviter de rentrer les pieds crottés et les habits constellés de boue. Après Maman rouspète, on croit peut-être que ça l’amuse de passer ses journées à briquer la maison et faire la lessive, ah si elle avait eu la chance d’avoir un métier, travaille bien à l’école, ma fille, si tu ne veux pas te retrouver à faire la boniche pour des enfants qui ne respectent même pas ton travail, évidemment si on avait les sous on achèterait une de ces nouvelles machines à laver qui libèrent la femme, sans compter le danger, tiens, le petit dernier de Mme Cornet a eu le bras tout ébouillanté par des éclaboussures, va plutôt manger ton goûter dans le jardin, je t’ai beurré une tartine, prends deux morceaux de sucre dans le buffet, j’ai dit deux, et ne traîne pas pour les devoirs…
Roseline aime bien sentir la maison emplie par l’odeur du linge qui bout dans la grande lessiveuse en zinc. Il faut touiller de temps en temps pour enfoncer le linge qui se débrouille toujours pour revenir former à la surface de grosses bulles de tissu.
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C’est alors que je l’ai reconnue. Cette joie intense. Ton visage, tes yeux brillant sur moi seule, et le fond qui tournoie. C’est une valse. La musique tourbillonne dans nos veines. Transfusée de tes veines à mes veines, de ta peau à ma peau. Nous valsons enfiévrés et le monde chavire. Nos rêves se frottent, se confondent éblouis. La vie s’étale devant nous, toutes les maisons nous attendent, mystérieuses, peuplées d’enfants inconnus, tous les jardins, tous les paysages inexplorés, je les lis dans les fenêtres ouvertes de tes yeux, sur la courbe tendre de ta joue, sur la fossette qui ponctue tes lèvres douces.
Ressurgissent en vrac de la ligne grise du temps, des fulgurances effacées – promenade rose et verte dans les bruyères ; ta main chaude sur la mienne ; la combe de notre lit ; soie de ton cou sous ma bouche ; le miracle partagé des
naissances ; le vin pétillant des révoltes. L’écheveau de nos vies emmêlées, tricotées patiemment point à point, avec ses mailles sautées, ses effilochures, ses fils perdus par inattention et ses dessins fabuleux.
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La porte du wagon s’est refermée comme à regret, dans un chuintement de ventouse. Coup de sifflet. Le train s’ébranle lourdement, monte en puissance, laisse dans son sillage les quais où flottent des silhouettes amorties,
uniformes dans les lourds vêtements d’hiver. Les lumières s’amenuisent. La zone de triage glisse dans la pénombre. La nuit un instant troublée par la présence incongrue des hommes replonge dans ses rêves. L’espace extérieur bascule dans une chape obscure.
Pour un instant encore. Bientôt se lèvera une aube grise. D’ici là l’obscurité n’aura été trouée que par bribes. Lumières intermittentes des cités mitant ici et là les nappes noires. Éclat vite terni d’un mas solitaire, oublié dans cette
zone incertaine entre la ville et ses banlieues. En cette saison, le jour ne pointe son nez qu’après la station suivante. On reste cantonné dans le champ hermétique du wagon, avec pour seule perspective les visages des voyageurs,
brouillés sur le fond d’encre des vitres.
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Des bruits de pas enflent dans le couloir. Blaise prend sa tête entre ses deux mains, oscille d’avant en arrière, il supplie en silence, laissez-moi du temps, remonter le temps, faire le tri dans ma tête ! Les pas hésitent devant la porte,
puis décroissent. Sursis. On représente le temps comme une flèche nette, homogène, comme si on était condamné à aller de l’avant, sans répit, sans jamais se retourner sous peine d’être pétrifié. Mais à cet instant précis, le passé ressemble à un chaos, une pelote embrouillée par la patte dédaigneuse
d’un chat. Des épisodes lointains affleurent à la surface, les plus proches sont enfouis au plus profond des noeuds. Il lui faut attraper le bout du fil, et démêler patiemment, sans s’affoler, sans s’énerver. Mais bon sang, où se cache-t-il, comment s’y prendre ? Respire, Blaise, respire calmement !
« Nom, prénom, âge, profession » Voix neutre de l’inspecteur. Odeur de tabac froid. Pour le policier, une affaire parmi tant d’autres.
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