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Critique de babounette


TRANCHER, 1er roman d'Amélie Cordonnier, journaliste - Ed. Flammarion- Lu en janvier 2019, mon premier livre de l'année.
Trancher : séparer quelque chose en deux, couper avec un instrument, trancher toute attache familiale, régler une difficulté.
Je dirais que dans ce roman, la narratrice doit trancher un noeud gordien.
L' héroïne utilise la seconde personne du singulier pour raconter son histoire, elle se parle à elle-même, ce qui est déroutant au début, puis on s'y fait tellement bien qu'on entre dans les pensées de celle-ci.
Elle note tout, ses livres, ses courses, ses rdv, ses films, elle fait des listes, elle écrit tout... sauf les insultes de son mari.
Aurélien et ? (l'auteure ne la nomme pas) sont mariés, ils ont deux enfants, Vadim et Romane. le couple s'aime.
Aurélien est apparemment un homme sans problème. Peu après la naissance de Vadim, il se met à agresser verbalement sa femme, en lui crachant des insultes épouvantables. C'était la première fois.
S'ensuit une dépression, une thérapie d'Aurélien, un calme apparent qui dure sept ans. Naissance du deuxième enfant.
Et puis, un jour "c'est revenu sans prévenir" (page 13), lors d'un séjour à Cabourg dans la maison de la grand-mère d'Aurélien.
"Personne ne s'y attend, ni toi (toi étant la narratrice) ni les enfants, qui se figent instantanément . "Je suis chez moi quand même, alors ferme ta gueule une bonne fois pour toute, connasse, si tu ne veux pas que je te la réduise en miettes." (page 15).
Elle lui avait simplement demandé de diminuer la musique qu'il avait mise très fort, pour que Vadim puisse faire sa dissertation.
"Quelque chose, mal recollé en toi il y a des années s'est brisé net" (Page 16)
N'oubliez pas qu'elle se parle à elle-même !
Elle est sonnée, mais continue sa journée vaille que vaille pour donner le change à ses enfants .
Et cela se répète, encore et encore, les insultes sont de plus en plus violentes. Elle commence à les noter.
Entre deux périodes, Aurélien s'excuse, promet, jure qu'il ne recommencera plus, mais il recommence.
Et cela dure, elle est à bout. Un jour, elle ose en parler à son amie Marie qui
tombe des nues et lui conseille de partir, qu'elle ne peut pas continuer ainsi à se faire humilier, il faut protéger les enfants.
"Tout à l'heure, tu as frémi en tournant la clé dans la serrure. Sur le qui-vive : voilà comment tu vis depuis l'âge de vingt ans. Aujourd'hui, tu réalises, que même s'il y a eu une période de répit, tu n'as jamais vraiment connu la tranquillité. Tu ressembles à une bête traquée. Aux aguets. Tu as pris l'habitude que ça dérape. Tu as toujours passé ton temps à redouter le moment où ça bascule... le déferlement qui te fracasse. T'accuse d'abord puis te défonce... Et finit par t'abandonner, enfin, pantelante et exténuée" (page 84)
Mais elle a pris une décision, elle va trancher, au bout de toutes ces années d'humiliations, c'est le seul moyen qu'elle voit pour rester debout. Mais les enfants? Déjà elle se demande si elle aura la force. Elle doit prendre sa décision le jour de ses quarante ans, c'est la date qu'elle s'est fixée.
Ce roman vous prend à la gorge, c'est un livre bien d'actualité, il s'agit de violences conjugales verbales, une violence sournoise, qui ne laisse pas de trace comme les coups. Une étude psychologique aussi sur la relation époux-épouse, sur la relation parents- enfants, et sur la manière dont les enfants gèrent cette violence du père envers leur mère.
La violence conjugale commence toujours par la violence verbale, on ne meurt pas que sous les coups, on peut être détruit par les mots et même vouloir en mourir.
Un thème dur que j'ai abordé là pour une première lecture de l'année, mais qui mérite qu'on y prête attention.
C'est un roman, mais Amélie Cordonnier est tellement bien entrée dans la tête de cette femme, que je me pose des questions, comment raconter de telles choses avec autant de réalisme quand on ne les a pas vécues.
A lire pour ceux que le sujet intéresse.
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