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Critique de Pois0n


Tout d'abord, un grand merci à l'opération Masse Critique et aux éditions Mnémos pour l'envoi de cet ouvrage !

Envie de fantasy qui dépayse, sans orcs ni dragons ? le Jeu de la Trame pourrait bien être l'épopée qu'il vous faut. Un peu plus de six-cent pages dans un monde à forte inspiration extrême-orientale où l'on retrouve tour à tour un peu de Japon, un peu de Chine, un peu de Mongolie ; coupé en deux par une immense muraille de pierre séparant les Terres Fertiles, verdoyantes, des Terres de Cendre, désertiques et ravagées par d'incontrôlables incendies. Ici, point de quête pour sauver le monde, mais seulement celle d'un homme, prêt à tout pour ressusciter la femme qu'il a aimée.

Un pitch plutôt noble et romantique en apparence, si l'on ne savait pas dès le prologue que la femme en question était sa soeur (non, pas « demi », ni « par alliance », mais bien « sa soeur ») et que cet amour n'avait rien de fraternel du tout. Certains s'arrêteront donc sans doute là, ce qui serait foutrement dommage puisque la demoiselle en question décède dès ledit prologue. Certes, pendant la moitié des scènes de sexe du roman (et il y en a un certain nombre dans la première partie), Keido compare systématiquement ses partenaires à Kirike. Ambiance. Heureusement, le jeune homme n'est jamais (mais alors vraiment jamais) présenté comme quelqu'un de bien. Plutôt comme quelqu'un de prêt à tout pour atteindre ses objectifs, même s'il n'est pas vraiment non plus un parfait salopard. Un personnage ambigu et plutôt complexe donc, frôlant souvent les limites de la folie, sa raccrochant désespérément au souvenir de sa soeur pour ne pas complètement sombrer. Seule une chose l'anime : rassembler les trente-neuf cartes magiques disséminées dans le monde entier, dont l'ensemble lui permettrait de réaliser son rêve. le reste n'a aucune importance à ses yeux. C'est ainsi qu'il voyagera d'un bout à l'autre du monde à la recherche de ses fameuses cartes, quitte à se fourrer dans les pires situations possibles sans se soucier de rien.

Originellement publié en quatre tomes à la fin des années 80, on ne peut que remercier les éditions Mnémos d'avoir réuni l'intégralité du roman en un seul volume, le tout formant un récit continu. Certes, chaque partie possède sa propre intrigue, mais les fins en sont totalement ouvertes. Ainsi verra t-on Keido ballotté d'une guerre de clans aux rivages d'une mer gelée, puis d'une errance dans les plaines à un huis-clos. Pour autant, chacune de ces parties possède ses propres qualités et lacunes. L'histoire de la première se veut complexe (quoique certes pas dépourvue de longueurs), la seconde (la meilleure!) offre un dépaysement total et se révèle bourrée de péripéties, la troisième s'avère plus contemplative mais riche en découvertes sur le monde et la dernière cristallise tout ce qui a déjà été évoqué, quitte à oublier un peu d'avoir une intrigue. On a donc un roman tantôt mouvementé, tantôt moins ; souvent dépaysant, et vraiment plaisant... jusqu'à son dernier quart.

Sur les trois premiers, le Jeu de la Trame a tout, mais alors vraiment tout pour plaire. On suit Keido, mené par sa quête d'une emmerde à une autre, en mode un peu « yolo, on y va et on avisera sur place ». le jeune homme n'est pas sot pour autant et sait très bien qu'il n'est pas le seul à convoiter les fameuses cartes, aussi se montre-t-il très prudent lorsqu'il s'agit de faire usage des siennes. Les fameuses cartes sont en effet la seule magie dans le monde imaginé par Sylviane Corgiat et Bruno Lecigne, lui conférant un aspect relativement réaliste la plupart du temps. Et le moins qu'on puisse dire, c'est que Keido a souvent de la chance ; qu'il s'agisse de tomber au bon endroit, au bon moment, ou de rencontrer les bonnes personnes. Un côté « ta gueule, c'est magique ! » qui s'estompe toutefois au fil du récit, de plus en plus maîtrisé. Ceci dit, même si ce non-héros a de la chance, il ne s'en sort souvent que de justesse et ne paraît jamais invincible, ce qui rend son voyage vraiment palpitant.
… Et le dernier quart, alors ? Eh bien celui-ci m'a laissé.e plus mitigé.e. Pas que le huis-clos ne fonctionne pas ; après tout ce temps passé à parcourir la cambrousse, ce n'est au contraire pas une mauvaise idée. Mais entre la narration s'attardant parfois sur d'autres personnages, les rebondissements pas forcément hyper palpitants et surtout la conclusion, l'effet soufflé qui retombe est bel et bien là. le Jeu de la Trame dégage à des kilomètres le parfum d'une série interrompue prématurément ; le fait que Keido ait toujours récupéré les cartes quatre par quatre en témoigne. Et puis là, tout à coup, pouf, magie, on expédie la fin en vitesse, quitte à verser un peu dans le mystique et la confusion. le duo d'auteurs a certes réussi à bricoler une vraie fin, mais celle-ci a de quoi laisser dubitatif. Où est la vérité, où est l'illusion ? Les annexes (pas toutes intéressantes) éclairent un peu à ce sujet, notamment celle sur les effets des cartes. Reste que tout ça n'est pas clair du tout, dommage.

Néanmoins, le Jeu de la Trame reste (presque) de bout en bout une lecture plaisante, dépaysante, tout à tour contemplative et mouvementée, dans un univers original et avec un protagoniste que l'on ne peut clairement pas apprécier, mais pas non plus détester tout à fait ; tout au plus ne s'y attache t-on pas, ce qui n'est pas plus mal. Une fantasy différente, sortant totalement des sentiers battus, et qui, rien que pour ça, mérite définitivement le coup d'oeil !
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