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EAN : 9782889601202
100 pages
La Baconniere (31/08/2023)
3.78/5   9 notes
Résumé :
Isabelle Cornaz a vécu longuement à Moscou où elle a travaillé en qualité de journaliste. Se remémorant les détails de sa vie moscovite, elle dresse, dans La nuit au pas, un portrait ambivalent de la ville. S'y dévoile le corps de Moscou, ses cours intérieurs, ses lieux invisibles et les marques de sa gentrification. Le récit s'éloigne ponctuellement de la capitale depuis la proche banlieue jusqu'au cercle polaire, en survolant les villes secrètes de Russie.
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
« La nuit au pas », une déambulation au coeur d'une ville, Moscou, où rien n'est laissé de côté. Pas une seule ombre, ni l'inquiétude de dire la réalité.
Isabelle Cornaz est journaliste pour différents médias. Actuellement à la rubrique internationale de la radio Télévision Suisse.
Elle a vécu longtemps à Moscou. L'urgence de dévoiler les plans intérieurs et rassembler l'épars d'une Russie dans ses contradictions les plus exacerbées.
Isabelle Cornay étale les plans. Attise les rais de lumière, ne cède rien. La sincérité est tirée au cordeau.
Les cours intérieures, les places et les rémanences. Tout lui revient, pas d'éblouissements. Seule, la vérité est gémellaire de la trame. Les sceaux de la gentrification, les diktats et les faux-semblants. Elle exprime jusqu'aux pas entendus. La géopolitique, la sociologie, et les manteaux lourds de pluie.
La contemporanéité comme un toit enneigé. Elle nomme la guerre en Ukraine. Les mensonges russes côté face, l'absurdité et le mépris d'un gouvernement pour son peuple.
Mais, Moscou reste une ville, donc le lit, la nuit pour ses habitants. Les changements pour contrer les évidences. Taire et cacher dans les murs, l'ubuesque et le grave.
« La ville est traversée par les hommes, ils font des trous à travers elle ».
« Ce ne sont pas les hommes qui traversent la frontière, mais la frontière qui traverse le corps des individus. Elle se fragilise, devient plus hétérogène, plus humaine ».
Les villes secrètes russes, effacées de la carte. Taire les orages, les camps de travail forcé, les pathétiques arrogances.
« Deux mois après l'annexion de la Crimée, une loi russe est entrée en vigueur qui rend passible de prison tout appel « à la violation de l'intégrité territoriale de la Fédération de Russie. La Crimée ne pouvait plus prétendre à être rendue, sous peine que cela soit appelé du séparatisme ».
Des barres automatiques pour interdire le passage. Les muselières, un laissez-passer pour une journée, et encore.
Voie de traverse, « il y a dans la capitale des territoires entiers qui sont sacrés. Marqués du sceau du pouvoir et de l'interdit, comme si on avait effacé une partie de l'espace public ».
La métamorphose d'une ville qui se frôle contre l'évènementiel. Pas d'autonomie possible. Tout est masqué et illusoire. Les plans sont floutés et les yeux baissés. Copier-coller des folies humaines venues des hautes sphères.
Moscou cherche son souffle, entre les tracés autoritaires et les profils bas. Fissurée de l'intérieur, son apparence est un miroir aux alouettes. La neige épaisse et glacée, les nuits froides sans écharpe, ni paroles.
Et pourtant ! Écrire ainsi une ville comme une orange que l'on épluche. Seul, le goût sucré est la destination. Atteindre le point fixe. Sauter par-dessus les barrières mentales.
« La mer Blanche, la Caspienne, la Baltique, la mer d'Azov, et la mer Noire ». 
« L'horreur de la guerre n'est pas perceptible, mais des êtres humains sont capables de la mettre en oeuvre. de la promouvoir, de la désirer. de renoncer, sciemment, à tous les garde-fous. D'entraîner avec eux des mères, des familles de soldats, qui préfèrent croire que leur fils n'est pas mort pour rien ».
Ce périple des intériorités élève les motifs et les assignations. Écrit à peine hier et aujourd'hui, « La nuit au pas » est l'architecture de notre monde. C'est elle seule qui a le dernier mot. Ce livre est une insigne individuelle. Isabelle Cornaz conte ses expériences et les dentelles d'une nostalgie. Les habitus et son affection pour la ville d'avant. Un autre livre, son double engagé et crucial, de Kevin Lambert, « Que notre joie demeure ». Écrire l'inaccessible retour et laissez les myriades de souvenirs franchir une ville, celle d'avant, comme un jeune enfant qui apprend à marcher, la nuit au pas.
Le triomphe de la parole.
Publié par les majeures Éditions La Baconnière.
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Journaliste et longtemps correspondante pour la télévision Suisse Romande en Russie, plus précisément à Moscou, Isabelle Cornaz signe un livre qui permet d'élargir la palette des ouvrages en lien avec la guerre qui fait rage en Ukraine. Il y a le pamphlet sans concession de Iegor Gran (Z comme Zombie, P.O.L. 2022), l'essai de la traductrice Luba Jurgenson (quand nous nous sommes réveillés, Verdier 2023), plus mesuré mais pas moins critique, voici donc La Nuit au pas (La Baconnière, 31 août 2023), un livre aux confins des genres, un peu autobiographique, proche parfois de l'essai, déployant son vague à l'âme à coup de fragments - prodigue de sa sensibilité aussi. Si la guerre est discrète – quoiqu'omniprésente -, dans ce petit livre à haute teneur poétique, c'est parce que l'autrice est tiraillée par son intérêt et sa connaissance de la Russie en général et plus particulièrement par son amour pour Moscou, une ville où elle ne pourra plus se rendre pendant longtemps, vraisemblablement. Comme cette jeune activiste – nous apprend Isabelle Cornaz – qui, mesurant le danger d'afficher une position pro-ukrainienne ou du moins hostile au conflit, fond régulièrement en larmes dans le métro pour tenter de réveiller les esprits - une sorte de détresse affichée comme tentative de résistance -, l'autrice de cette Nuit au pas « résiste » à sa façon en réveillant ses souvenirs : ses recherches sur les Datchas notamment mais aussi sur les « villes secrètes », longtemps absentes des cartes ; elle cite pêle-mêle Pasternak et Alexievitch ; nous parle de son enfance mais aussi de Iochkar-Ola, cette ville chimère où son gouverneur a construit des répliques du Palais des Doges ou de maisons flamandes, détournant l'argent publique, avant de se retrouver en prison où il écrit des poèmes. La Nuit au pas est, vous le constaterez vite, d'une grande richesse en miniatures, c'est un livre d'une beauté intranquille, qui se lit, lentement, à la lumière d'une bougie, dans le silence.
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« J'ai commencé ce texte en me questionnant sur mon rapport à la ville, sur le désir et la difficulté de la saisir, d'en décrire les pulsions et les motifs – et je l'ai terminé avec le sentiment d'un territoire sombrant, s'autodétruisant au point de se dissoudre. Je crois que c'est aussi un livre, plus généralement, sur le rapport à l'espace, à la mémoire et à la disparition. » Isabelle Cornaz
L'approche des auteurs russes dans une troupe de théâtre amateur, l'amour de la poésie chez beaucoup de russes et la volonté d'apprendre une nouvelle langue, conduisent Isabelle Cornaz à devenir employée à l'ambassade de Suisse en Russie, puis correspondante radio pour le compte de la Radiotélévision Suisse.
Dans ce premier récit elle esquisse, par petites touches, le portrait de Moscou et d'autres villes de Russie. Non pas comme un récit de voyage, mais avec des fragments de souvenirs personnels, mêlés à des faits historiques.
On découvre les cours intérieures, les graffitis rapidement recouverts,
Les datchas des Moscovites : « c'est comme un autre moi, je pense autrement, je respire autrement »
« La datcha est un lieu du rien, tout y devient possible »
Les villes secrètes de Russie, dont les habitants protestent quand elles redeviennent ouvertes car qui dit enfermement dans de telles villes dit privilèges ;
Le monde des interdits : « après tout, nous n'avions peut-être pas le droit d'entrer dans cette salle vide. »
Un monde où, ne sachant rien, on raconte….. des « on dit que….. »
Mais « avec les ans, Moscou est devenu sucrée »
Le pouvoir, autoritaire, occidentalise l'espace urbain pour se masquer.
« La pollution lumineuses laisse derrière elle une nuit laiteuse, maladivement poudrée, passée à l'eau de javel ; la ville est gagnée par le silence et par la peur. »
Ce récit aborde aussi la tromperie, le leurre, l'arbitraire des autorités face aux citoyens.
« … Pour moi, le détail était aussi une manière de m'opposer à une vision de grandeur de la ville, une ville balisée et accaparée par le pouvoir. »
"La nuit au pas" aborde de manière subtile et délicate la perte des souvenirs, des proches et des lieux connus. Et si la réflexion était déjà présente depuis quelques années dans l'esprit d'Isabelle Cornaz, elle prend un sens encore plus douloureux avec l'invasion de l'Ukraine par la Russie. "Moscou peut-elle survivre moralement à la guerre?",
La « Nuit au pas » est un livre d'atmosphères, composé de souvenirs, de choses vues et entendues. Il dit comment un lieu s'immisce au plus profond de soi. Ce qu'en dit l'histoire officielle ou ce qui ne se raconte pas : l'ordinaire,
Perte et nostalgie
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La nuit au pas, c'est l'histoire d'une ville, celle de Moscou, et de sa transformation au fil du temps. Une transformation sous le signe de l'occidentalisation. C'est aussi et avant tout, celle, en filigrane d'un pouvoir contrôlant et arbitraire le tout à travers un premier roman poétique et envoûtant.

Sous la plume d'Isabelle Cornaz, on lit les rues devenues impraticables d'un jour à l'autre, sans qu'il ne soit formellement indiqué qu'il est interdit d'y circuler. On lit aussi les passe-droits et la corruption jusque dans les murs de l'université, mais surtout, on découvre la ville par des détails fragmentés, ceux qu'on ne voit pas sur un plan. L'autrice dit les arbres, la nature, mais aussi les tuyaux et les câbles électriques qui jaillissent ça à et là, inattendus, entre deux façades, à nu. Elle dit également les petits kiosques faisant le charme des rues moscovites, mais aussi les datchas où le temps s'arrête, où l'on ne fait rien.

La nuit au pas, c'est une collection de fragments, de souvenirs épars d'une ville en mouvement, en évolution. C'est aussi une réflexion sur la guerre menée à l'Ukraine et à son impact sur Moscou et sa population. C'est enfin, une belle réflexion sur le visible et l'invisible. La carte qui n'est pas le territoire, ce qui est caché et refait surface, le rapport de la Russie et du peuple russe à ces notions, notamment au travers des villes « secrètes » qu'à une certaine époque, aucune carte ne référençait.

Le propos est poétique, emprunt d'une certaine nostalgie du Moscou d'avant. du Moscou authentique, non-recouvert de son vernis occidental. On sent qu'Isabelle Cornaz a « vécu » la ville, l'a respirée et arpentée. le récit ne se veut pas carnet de voyage et, pourtant, c'est certain, il vous fera voyager autant qu'il vous fera réfléchir.

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Des fragments de souvenirs comme un territoire interdit désormais ; un pays par bribes, des sensations par leur perte. Dans ce livre d'une fragile délicatesse, Isabelle Cornaz évoque ses sensibles réminiscences de Moscou pour transmuer l'ensemble en une belle évocation du temps et de ses barrières. Face à cet effacement mémoriel — géographique, sociologique et onirique — La nuit au pas interroge la possibilité d'évocation (invention, retrouvailles, pertes) d'un territoire et surtout ainsi offre une spéculation (hantée, forcément) de ce que serait l'écriture.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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critiques presse (1)
LeFigaro
07 septembre 2023
De Moscou, cette journaliste suisse nous dit le parc Gorki, les cours intérieures et les terrains vagues, avec au loin, les échos de la guerre en Ukraine.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (3) Ajouter une citation
J’ai pensé à Moscou comme à un détail, une fleur.
Celles, en plastique, des tables des cantines. Les violettes sauvage des trains de banlieue, de retour des datchas. Un bouquet disproportionné dans une rame de métro, éclipsant le visage des autres passagers. L’amoncellement de fleurs à la mémoire de l’opposant Boris Nemtsov, plaie à vif au-dessus de la rivière, mémorial citoyen inlassablement arraché par les autorités, inlassablement reconstruit.
Les œillets des parades, des enterrements. Les roses du 8 mars qu’on vous offre dans les magasins, parce que vous êtes une femme. Les bouquets achetés dans la nuit, dans une boutique en sous-sol, dans une chambre froide. Ces petits kiosques à fleurs, luisant dans un carrefour englouti par la nuit, désormais supprimés. Le maire de la ville ne les aimait pas. Les roses fraiches sur les plaques commémoratives des poètes.
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Des arbustes naissants sont maintenus droits au moyen d'une clôture minuscule et bien penchée. Ces plantes sont toutes petites et les barrières qui les entourent plus dérisoires encore. On touche à l'obsession de la barrière dans sa forme la plus désarmante. p.17
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« La seule chose qui me rassure dans les villes secrètes, inconnues, c’est l’idée que derrière le néant se cache encore la vie, que la carte n’est pas le territoire, que là où l’on croyait qu’il n’y avait rien il y a les hommes. C’est une pensée naïve, car les archipels cachés du monde, la plupart du temps, ce sont des camps où l’on maintient des êtres enfermés. »
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