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Jean Serroy (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070429875
192 pages
Gallimard (08/06/2006)
3.38/5   74 notes
Résumé :
Quatrième de couverture :

Parce qu'il craint de se lier pour la vie, Alidor imagine de "donner" sa maîtresse Angélique à son meilleur ami... Cinquième comédie de Corneille, La Place Royale (1637) est celle qui nous parait aujourd'hui la plus moderne : sous les traits de l' "amoureux extravagant" qui fuit tout engagement, nous croyons reconnaître la figure familière de l'adolescent. Mais, quand Corneille, en 1660, signe l'Examen de sa pièce, il en déno... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (12) Voir plus Ajouter une critique
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Il sont jeunes , ils sont beaux, ils sont riches et ne semblent pas avoir les parents sur le dos. ils sont libres ces jeunes gens bien nés dans ce quartier à la mode.

Au sortir de l'adolescence, ils n'ont d'autres soucis que le sentiments amoureux, l'amour devient donc une occupation à plein temps.
Mais qu'il est difficile d'aimer, qu'il est difficile de s'engager, pourquoi doit-on se résigner?

Alors, autour de cette place Royale (anciennement le nom de la célèbre place des Vosges parisienne, où la jeunesse dorée du XVII e siècle avait l'habitude de s'y afficher), on va se désirer bien sûr, mais aussi se mentir, se trahir, se heurter, se perdre et se retrouver peut-être.
A l'âge de tous les possibles, nos jeunes et trépidents héros vont découvrir que choisir c'est surtout renoncer.
Le fougueux Alidor, malgré l'amour qu'il porte à Angélique ne veut sacrifier son indépendance, alors pourquoi ne pas pousser son amoureuse dans les bras de son ami Cléandre.

Sacré Alidor, malheureux d'être trop aimé, il ne sait pas encore que l'on ne badine pas avec l'amour.

Voilà écrit par Corneille, plutôt habitué aux tragédies, un excellent “marivaudage cornélien” (eh oui, on tente l'audace de méler deux dramaturges aussi différents que Marivaux et Corneille dans un seul et même élan) qui devrait assurément parler aux adolescents d'aujourd'hui et leurs parents bien sûr.
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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La Place Royale ou l'Amoureux extravagant, cette pièce est sans doute créée en 1634 par la troupe du Marais avec laquelle Corneille a débuté sa carrière. Elle a eu du succès. La pièce est publiée pour la première fois en 1637, après la fin décidée par le cardinal de Richelieu de la querelle du Cid, dans laquelle l'Académie a condamnée Corneille. Ce qui n'empêche pas ce dernier d'être persuadé d'avoir raison, et à ironiser sur les théoriciens qui ne mettent pas en pratique leurs préceptes pour convaincre le public sur les planches.

La Place Royale (l'actuelle Place des Vosges) était à l'époque le dernier quartier à la mode, celui où des jeunes gens à la page pouvaient se croiser, se rencontrer. Corneille exploite toujours cet intérêt du public pour des lieux qu'il connaît, comme il l'avait fait dans La galerie du Palais. C'est la dernière de la série de comédies qui ont marquées ses débuts, il ne reviendra plus que de façon épisodique au genre qui lui a permis ses premiers succès.

Cette pièce contredit une des lois fondamentales du genre, parce qu'elle ne se termine pas par le mariage des personnages principaux. C'est une transgression très forte, Molière osera la même dans son Misanthrope.

Pour justifier cette transgression, Corneille a été amené à bâtir un personnage qu'il appelle « extravagant », Alidor. C'est le caractère, de ce personnage qui doit justifier aux yeux des spectateurs ce dénouement inattendu. Et comme Corneille fait toujours très bien les choses, son Alidor est d'une très grande complexité, au point d'avoir suscité depuis sa création un nombre d'interprétations et de lectures énorme. Je ne vais pas résumer, juste évoquer quelques façons de le voir qui m'intéressent le plus.

Donc Alidor est amoureux d'Angélique, qui l'aime totalement sans se poser de questions. Mais Alidor ne veut pas perdre sa liberté, épouser Angélique serait s'aliéner, s'imposer des contraintes. Il décide donc de la faire épouser par son meilleur ami. Il fait remettre à Angélique une lettre prétendument adressée à une autre à laquelle il déclare sa flamme en dénigrant Angélique. Cette dernière, désespérée se résout à épouser Doraste, le frère de sa meilleure amie, Phylis. Ce qui déplaît à Alildor, il est jaloux de Doraste et mécontent de ne pas « donner » Angélique à Cléandre, comme il l'avait décidé. Il revient donc vers sa bien aimée, et la persuade de se laisser enlever la nuit même. Il envoie Cléandre à sa place, mais ce dernier abusé par l'obscurité enlève par erreur Phylis. Angélique est très choquée lorsqu'elle comprend les plans d'Alidor. Cléandre suite à l'enlèvement, tombe amoureux de Phylis, et les parents de cette dernière acceptent de la marier avec lui. Ce qui donne quand même un mariage à la fin de la pièce, car Angélique très déçue et malheureuse, refuse la demande de mariage tardive d'Alidor et préfère se réfugier dans un couvent.

Comme dans ses pièces précédentes, il y a une vraie cruauté dans cette comédie, plus amère que douce ou drôle. La cruauté est une caractéristique de la personnalité d'Alidor, il joue au chat et à la souris avec Angélique, et il joue avec ses propres sentiments. D'une certaine façon le grand amour simple d'Angélique ne laissant aucune incertitude, il se créé lui-même des contrariétés dans son amour, qu'il s'agit ensuite de surmonter. Il finit d'ailleurs par se sentir tout puissant et pense pouvoir retourner Angélique à sa guise, décider de tout ce qui arrive ; lorsque la réalité contredit ses plans, il en tout vexé, et essaie de reprendre la maîtrise de la situation par n'importe quel moyen.

Un autre personnage qui est vraiment passionnant est Phylis. Elle est une sorte de pendant à Alidor, qui est amoureux d'une jeune fille, tout en ne voulant pas l'être, car l'amour est une limite, un frein. Phylis quand à elle, est toujours prête à flirter avec tous les jeunes gens, mais n'est amoureuse de personne, puisque de toutes les façons, ce seront ses parents qui choisiront son mari, et qu'elle n'aura pas grand-chose à dire. Donc plutôt que de se rendre malheureuse, autant accepter l'inévitable et en tirer le meilleur parti, et surtout éviter de souffrir. Elle réalise donc le projet d'Alidor, l'amour ne n'aliène en aucune sorte, elle n'a pas de passion susceptible de la faire souffrir. Ce qui est une sorte d'idéal dans la philosophie antique, stoïcienne surtout, l' apatheia ( l'absence des passions) ou la suffisance à soi-même des épicuriens, sont les compléments de l'ataraxie, l'absence de trouble, condition du bonheur. Et Phylis est naturellement un personnage heureux.

Alors qu'Alidor, même s'il revendique cette suffisance à soi-même, est parcouru de passions. On dirait même qu'il a besoin de ressentir des émotions fortes, et qu'il fait ce qu'il faut pour se les procurer. Il est traversé par l'amour, mais aussi par le goût de la manipulation, de la domination, du pouvoir sur les autres. Même s'il traite les autres comme des jouets, il en a besoin, pour justement sentir la maîtrise qu'il exerce.

C'est vraiment une pièce très forte, et elle semble maintenant montée assez régulièrement depuis quelques années. J'espère que cela annonce un regain d'intérêt pour les comédies de Corneille en général.
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Ma première comédie de Corneille.

Alidor ne supporte plus la prison d'amour construite avec Angélique. Pour retrouver sa liberté il prétend aimer ailleurs et cherche à acoquiner son meilleur ami Cléandre avec sa belle. Mais celle-ci prend sa revanche avec un autre, Doraste, un rival, et Alidor s'aperçoit que sa prison avait malgré tout de belles dorures.

J'ai été un peu étonné au début: c'est posé, fin, dépourvu de scène véritablement comique comme chez le Molière de l'époque du collège, mais avec des rebondissements amusants et des caractères bien tranchés: en premier lieu Alidor et Phylis, l'amie d'Angélique et soeur de Doraste, très modernes dans leur liberté de moeurs.

Mais le dossier permet d'éclaircir la pièce: Corneille voulait élever la comédie au dessus de la simple farce à laquelle Molière restera un peu attaché. Une comédie peut mettre en scène des personnages nobles, pas seulement des caricatures de la plèbe; elle peut se terminer mal dans la mesure où ce mal ne met pas en jeu le destin des royaumes. Ainsi Corneille ouvre une brèche dans les canons de la Comédie "à l'antique" et apporte sa pierre à l'édification du théâtre classique.

On apprend aussi qu'il est possible de lire cette pièce comme la jeunesse de Don Juan. Alidor, en effet, perd Angélique. Il décide dès lors de voyager de maitresse en maitresse, d'être seul à contrôler le jeu de l'amour: piéger, ne jamais se laisser piéger, dominer le sexe "faible" et moquer les cocus.

Cette comédie a aussi des accents de tragédie par endroit. C'est en fait une sorte de mutant inclassable. Mais une chose est sûre: Corneille maniait magnifiquement la langue de Molière.
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Le vers est superbe, ne nous méprenons pas là-dessus. le vers est tel que je mettrais bien 5 étoiles à La Place Royale, une comédie dramatique de Pierre Corneille...si ce n'est le sujet qui me fait en plus tressaillir au mot comédie. Alidor aime Angélique et Angélique aime Alidor...et Alidor en veut terriblement à Angélique, puisqu'il veut rester libre. Il imagine donc de "donner" Angélique à son meilleur ami et c'est le début d'un ensemble de retournement de situation qui nous feraient un peu oublier qu'il s'agit d'une jeune femme enlevée de force par un homme dont elle ne veut pas. Et je ne vous parle pas de l'homme que son père veut finalement lui imposer et qui a le culot de la traiter de perfide quand elle ne perd pas miraculeusement ses sentiments pour l'homme que son coeur avait choisi.
Angélique finit par choisir le cloître et quand on voit les hommes qui l'entouraient, on se dit qu'elle a bien raison!
Angélique finit par
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C'est vieux vieux ... et tellement loin de nos préocupations d'aujourd'hui!
Le texte en alexandrins ne fait rien pour rendre cette pièce plus actuelle.
Corneille n'est pas du tout mon auteur favorit
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Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
[Relax67: citation tirée de la présentation de la pièce par Marc Escola sur le changement de perception de l’œuvre avec le temps]
Il faut affronter ce paradoxe: la comédie de Corneille la plus souvent représentée aujourd'hui, celle qui parait la plus "actuelle" à nombre de spectateurs ou de metteurs en scène contemporains, est pour son créateur une pièce imparfaite; dans l’ambiguïté d'Alidor qui ne se résout pas à voir Angélique épouser un autre que celui qu'il a choisi pour elle - ambiguïté qui fait pour nous la "modernité" de la pièce - le dramaturge dénonce une infraction à l'unité d'action; dans le personnage d'Alidor où nous voulons voir une peinture des hésitations de l'"adolescence", Corneille accuse une "inégalité de mœurs qui est vicieuse".
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ALIDOR : Clarine, je suis tout à vous,
Ma liberté vous rend les armes,
Angélique n'a point de charmes
Pour me défendre de vos coups,
Ce n'est qu'une idole mouvante,
Ses yeux sont sans vigueur, sa bouche sans appas,
Quand je la crus d'esprit je ne la connus pas.

Acte II, Scène 2, (v. 359-365).
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Dans l’obstination où je te vois réduite,
J’admire ton amour, et ris de ta conduite.
Fasse état qui voudra de ta fidélité,
Je ne me pique point de cette vanité ;
Et l’exemple d’autrui m’a trop fait reconnaître
Qu’au lieu d’un serviteur c’est accepter un maître.
Quand on n’en souffre qu’un, qu’on ne pense qu’à lui,
Tous autres entretiens nous donnent de l’ennui,
Il nous faut de tout point vivre à sa fantaisie,
Souffrir de son humeur, craindre sa jalousie,
Et de peur que le temps n’emporte ses ferveurs,
Le combler chaque jour de nouvelles faveurs:
Notre âme, s’il s’éloigne, est chagrine, abattue ;
Sa mort nous désespère, et son change nous tue.
Et de quelque douceur que nos feux soient suivis,
On dispose de nous sans prendre notre avis ;
C’est rarement qu’un père à nos goûts s’accommode ;
Et lors, juge quels fruits on a de ta méthode.
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Pour moi, j'aime un chacun, et sans rien négliger,
Le premier qui m'en conte a de quoi m'engager :
Ainsi tout contribue à ma bonne fortune ;
Tout le monde me plaît, et rien ne m'importune.
De mille que je rends l'un de l'autre jaloux,
Mon coeur n'est à pas un, et se promet à tous :
Ainsi tous à l'envi s'efforcent à me plaire ;
Tous vivent d'espérance, et briguent leur salaire ;
L'éloignement d'aucun ne saurait m'affliger,
Mille encore présents m'empêchent d'y songer.
Je n'en crains point la mort, je n'en crains point le change ;
Un monde m'en console aussitôt ou m'en venge
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[Relax67: citation tirée de la présentation de la pièce par Marc Escola (collection Garnier-Flammarion) qui décrit bien combien elle, et son auteur, ont pu évoluer avec leur société]
L'intervalle entre l'édition princeps et la dernière édition couvre ainsi près d'un demi-siècle, de l'époque de Louis XIII à l'apogée du classicisme et du règne de Louis XIV: dans le souci continuel qui a animé Corneille, on observe le formidable travail de normalisation de la langue et des mœurs auquel s'est livré le classicisme...
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Vidéo de Pierre Corneille
Lecture par l'auteur
Rencontre animée par Marie-Madeleine Rigopoulos
« Ce livre est un ensemble de nouvelles autobiographiques, classées par âge de la vie, de la petite enfance à aujourd'hui. Ces nouvelles sont souvent, pas toujours, des mésaventures dans lesquelles j'éprouve peur et honte, qui me sont assez naturelles et me donnent paradoxalement l'énergie d'écrire. Scènes de gêne ou de honte, scènes de culpabilité, scènes chargées de remords et de ridicule, mais aussi scènes, plus rares forcément, de pur bonheur, comme celle qui donne son nom au livre, Célidan disparu : personnage à la fois pusillanime et enflammé d'une pièce de Corneille que j'ai jouée à mes débuts d'acteur, dont je découvris lors de l'audition pour l'obtenir, qu'il me révélait à moi-même, et faisait de moi un acteur heureux. »
Denis Podalydès
À lire – Denis Podalydès, Célidan disparu, Mercure de France, 2022.
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