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EAN : 9782012197725
688 pages
Hachette Livre BNF (01/04/2013)
3.5/5   13 notes
Résumé :
Oeuvres de P. Corneille avec les notes de tous les commentateurs. Tome 1 / [publié par L. Parelle]
Date de l'édition originale : 1854-1855
Collection : Les classiques françois, publiés par M. Lefèvre ; 15-26

Ce livre est la reproduction fidèle d'une oeuvre publiée avant 1920 et fait partie d'une collection de livres réimprimés à la demande éditée par Hachette Livre, dans le cadre d'un partenariat avec la Bibliothèque nationale de France,... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Corneille a écrit Mélite ou les fausses lettres en 1625, soit à 19 ans à peine ; la pièce sera jouée la première fois en 1629. Je suis impressionné par la maîtrise des ressorts de la comédie alors qu'il est encore si jeune. Car pour sa première pièce, l'auteur assure.

L'argument, comme on dit, est évidemment une variation sur les complications amoureuses. « Évidemment », en fait cela ne va pas de soi chronologiquement parlant. Dans l'article Wikipédia consacré à la pièce, il est dit que Corneille crée un nouveau genre théâtral : la comédie de moeurs. C'est donc la première en son genre.
Amours compliquées donc. Quelle idée aussi de la part d'Éraste, qui cherche à séduire Mélite sans succès depuis deux ans, d'aller la présenter à son ami Tirsis, juste pour lui prouver que même être un indifférent à l'amour comme lui peut craquer ?
Évidemment, Tirsis craque et c'est réciproque. Il se trouve que les deux jeunes ont un point commun : ils s'estiment au-dessus des émotions amoureuses. Ils vont donc se jouer le jeu du « tu vois, je te fréquente, mais je ne t'aime pas vraiment hein » jusqu'à ce que ces faux semblant cèdent.

Éraste n'apprécie pas et devient mauvais. Il écrit de fausses lettres où Mélite s'épanche sur son amour infini pour Philandre, l'amant de Cloris, la soeur de Tirsis. Philandre les reçoit, résiste, mais finit par céder et se convaincre qu'il est amoureux aussi. L'information fuite. Cloris se fâche contre Philandre et Tirsis veut le défier en duel. La réputation de Mélite, qui n'y comprend rien, en prend un coup.

Il s'agit d'une comédie, donc tout finira bien. Un long passage assez hors sol montre Éraste qui pète les plombs quand il apprend que Tirsis et Mélite ont « passé l'arme à gauche ». Corneille se lâche dans ses longues déclamations. le gars a l'air aussi dingue que Hamlet. J'ai quand même un peu tiqué à la clémence dont font preuve Mélite et Tirsis envers lui (clémence facile que Corneille réutilisera dans Clitandre), même si, déconfit, il vient leur offrir sa vie à genoux. En revanche, le sort de Philandre, que Cloris envoie balader, est tout à fait justifié. Il faut dire que les personnages féminins ont une étonnante force de caractère, même la nourrice qui parvient à sortir Éraste de sa folie passagère.

Corneille s'y connaissait donc en comédie, j'en suis convaincu. Aurait-il été l'auteur caché de certaines pièces attribuées à Molière ? Vérité ou fake news ? Franck Ferrand y croit, Francis Huster trouve l'idée odieuse. le débat ressort de temps en temps dans l'actualité, comme pour la localisation d'Alésia.
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Première pièce de Pierre Corneille, représentée sans doute en 1629 par la troupe de Mondory à Paris, elle a connue un très grand succès, qui retarda sa publication jusqu'en 1633 (une pièce publiée tombait en quelque sorte dans le domaine public, et pouvait être reprise par les troupes rivales).

Le succès de cette pièce s'explique en partie par la nouveauté qu'elle représentait, et que Corneille va continuer à exploiter dans ses comédies suivantes. La comédie qui s'est mise en place à la Renaissance voulait éradiquer le comique de la farce du Moyen-Age jugé grossier. Pour se faire elle s'est tournée vers les modèles anciens, surtout des auteurs latins, Plaute et encore plus Térence. Avec aussi bien sûr comme modèle la comédie italienne, qui déjà avait pris comme modèle le théâtre antique. Dans la plupart de ces comédies, le ressort comique tournait autour de l'amour d'un jeune homme pour une jeune fille, rendue inaccessible, par un père, un tuteur ou autre. le valet ingénieux de notre amoureux va résoudre la situation, tout en rendant au passage ridicule le fâcheux qui voudrait empêcher le mariage, qui est l'issue obligée de l'histoire. La jeune fille en elle-même n'a en général qu'un rôle très effacé, dans certaines pièces elle n'apparaît même pas. le rôle principal revient au valet. Ce genre va persister, même s'il ne sera plus dominant, malgré l'apparition d'autres genres de comique, on peut citer parmi les exemple Les fourberies de Scapin de Molière, et encore plus tardivement le barbier de Séville de Beaumarchais, qui en est, en quelque sorte, le dernier feu d'artifice.

Corneille va trouver une autre source d'inspiration pour donner une autre tonalité à ses comédies. Ce sera la pastorale, avec les amours des bergers et bergères, les chaînes amoureuses, les situations d'amoureux qui aiment qui ne les aiment pas et qui fuient celles ou ceux qui les aiment. de ceux qui aiment mais dont les amours sont contrariés, ou jalousés, bien que la convention veut que les obstacles soient vaincus et que le mariage termine tout cela. Mais il va déplacer ces histoires en ville, chez les nobles ou riches bourgeois, un peu le public susceptible d'aller voir des pièces de théâtre en somme. Il se prévaut de s'exprimer dans un langage naturel, celui que ses spectateur pouvaient utiliser. le comique qu'il revendique est celui de l'enjouement, loin d'un rire grossier et exagéré, provoqué par un valet insolent ou par un personnage ridicule outré.

Il s'agit en fait de ce que l'on pourrait appeler des comédies sentimentales, genre qui a connu depuis un succès continu, qui se poursuit sans faiblir par exemple dans un certain nombre de films hollywoodiens actuels, même si bien sûr les personnages et les situations ont connu certaines mises à jour en rapport avec les évolutions des moeurs.

Corneille aurait écrit cette pièce sous l'inspiration de l'amour qu'il éprouvait pour une jeune femme. Mais cette histoire ne connaîtra pas l'issue heureuse d'une pièce de théâtre. La famille de la jeune personne ne trouva pas Corneille assez bon parti, et elle épousera un autre homme, plus fortuné. Il va effectuer pas mal de corrections sur cette pièce, en particulier en 1660, où il gommera beaucoup de détails jugés trop triviaux avec le développement de la bienséance, mais il ne semble jamais l'avoir reniée.

Mélite, le personnage qui donne son nom à la pièce est une séduisante jeune femme, aimée depuis deux ans par Eraste, un riche jeune homme qu'elle dédaigne. Eraste veut persuader son ami Tircis, qui professe un grand dédain de l'amour, du charme incomparable de Mélite. Et bien entendu, Tircis et Mélite tombent amoureux. Ce qui rend Eraste fou de jalousie. Il envoie donc de fausses lettres, prétendument écrites par Mélite et contenant des déclarations d'amour, à Philandre, le fiancé de Cloris, la soeur de Tircis, ce qui lui permet une double vengeance. Mais comme dans toute comédie qui se respecte, tout finira par s'expliquer et un double mariage terminera heureusement la pièce.

L'oeuvre est surtout une curiosité, une première tentative d'un futur grand auteur. Néanmoins elle montre une vraie intuition de la part de Corneille, qui fait preuve d'originalité, qui surprend le public, et montre le potentiel d'innovation et aussi de la réflexion sur les formes théâtrales qu'il va développer par la suite.

La pièce n'est pas si rose que cela, les questions d'argent, des mariages arrangés, sont bien présentes, et même si les conventions de la comédie font que cela ne se passe pas comme dans la vie, la menace d'une autre fin est bien présente, une certaine âpreté des personnages se devine sous les propos amoureux. Il y a aussi une scène de folie qui annonce le potentiel de Corneille qui pourra s'exprimer plus tard mieux dans les tragédies.
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Trois amants qui sont eux-mêmes amis, deux maîtresses. Cela pourrait être une comédie sentimentale en chassé-croisé, un peu comme la Place Royale. Mais l'un - Tircis, prétend ne rechercher que la richesse de la dot d'une prétendante. L'une, Mélite, se dit elle aussi insensible à l'amour ; j'ai bien aimé les premières scènes de ce personnage, car elle affirme clairement ne pas aimer faire l'amour au sens classique de parler d'amour, elle se moquer ouvertement de celui qui s'affiche comme son prétendant. Oui, cela pourrait être une comédie légère de jeunes qui changent rapidement d'affection.
Mais l'acte IV est à part pour sa noirceur, évoquant - sans le présenter un duel entre deux prétendants, une amante mourant de désespoir, une victime innocente prise dans toutes ces machinations, et un trompeur qui devient fou. J'ai particulièrement apprécié cette rupture de ton, l'irruption de la tragédie. Eraste dans sa folie pourrait annoncer et précéder Oreste et "ces serpents qui sifflent sur nos têtes", avec son insistance pour les Euménides et ses descriptions des Enfers...
L'acte V est moins fort à côté, les couples se refont, les amoureux sont contents. La comédie revient, puisqu'une troisième femme apparaît, la Nourrice, pour être offerte en consolation à l'amant délaissé...
Inégale mais intéressante donc, pour son basculement des genres.
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La première pièce de Corneille. Où l'on devine les grandes oeuvres qui vont suivre, mais qui est loin d'être un chef-d'oeuvre.
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Les comédies de Corneille ne sont pas les écrits les plus reconnus de l'auteur. On étudie plus Horace, Cinna ou le Cid, que La Suivante, La veuve ou Mélite. Malgré tout, toujours avec son style irréprochable, Corneille sait perdre ses personnages dans des quiproquos rocambolesques. Les retournements de situations toujours en faveur de ses héros et aux désavantages des traitres et des manipulateurs, nous font, à défaut de rire à gorge déployée, sourire durant toute la durée de la lecture de la pièce.
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Citations et extraits (7) Voir plus Ajouter une citation
ÉRASTE:
C'est là donc ce qu'enfin me gardait ta malice ?
C'est ce que j'ai gagné par deux ans de service ?
C'est ainsi que mon feu s'étant trop abaissé
D'un outrageux mépris se voit récompensé ?
Tu me préfères donc un traître qui te flatte ?
Inconstante beauté, lâche, perfide, ingrate,
De qui le choix brutal se porte au plus mal fait,
Tu l'estimes à faux, tu verras à l'effet
Par le peu de rapport que nous avons ensemble
Qu'un honnête homme et lui n'ont rien qui se ressemble.
(Acte II, scène 3)
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CLITON:
Je ne t'ai rien celé, tu sais toute l'affaire.

LA NOURRICE:
Tu m'en as bien conté, mais se pourrait-il faire
Qu’Éraste eût des remords si vifs, et si pressants,
Que de violenter sa raison et ses sens.

CLITON:
Eût-il pu, sans en perdre entièrement l'usage,
Se figurer Caron des traits de mon visage,
Et de plus me prenant pour ce vieux nautonier
Me payer à bons coups des droits de son denier ?

LA NOURRICE:
Plaisante illusion !

CLITON:
Mais funeste à ma tête,
Sur qui se déchargeait une telle tempête
Que je tiens maintenant à miracle évident
Qu'il me soit demeuré dans la bouche une dent.

(Acte V, scène 1)
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PHILANDRE : Ma maîtresse, mon heur, mon souci, ma chère âme.
CLORIS : Laisse là désormais ces petits mots de flamme,
Et par ces faux témoins d'un feu mal allumé
Ne me reproche plus que je t'ai trop aimé.

Acte V, Scène 3, (v. 1747-1750).
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TIRCIS.
Pauvre amant, je te plains qui ne sais pas encore
Que bien qu'une beauté mérite qu'on l'adore,
Pour en perdre le goût, on n'a qu'à l'épouser.
Un bien qui nous est dû se fait si peu priser,
Qu'une femme, fût-elle entre toutes choisie,
On en voit en six mois passer la fantaisie.
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Pauvre amant, je te plains qui ne sais pas encore
Que bien qu'une beauté mérite qu'on l'adore,
Pour en perdre le goût, on n'a qu'à l'épouser.
Un bien qui nous est dû se fait si peu priser,
Qu'une femme, fût-elle entre toutes choisie,
On en voit en six mois passer la fantaisie.
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Vidéo de Pierre Corneille
Lecture par l'auteur
Rencontre animée par Marie-Madeleine Rigopoulos
« Ce livre est un ensemble de nouvelles autobiographiques, classées par âge de la vie, de la petite enfance à aujourd'hui. Ces nouvelles sont souvent, pas toujours, des mésaventures dans lesquelles j'éprouve peur et honte, qui me sont assez naturelles et me donnent paradoxalement l'énergie d'écrire. Scènes de gêne ou de honte, scènes de culpabilité, scènes chargées de remords et de ridicule, mais aussi scènes, plus rares forcément, de pur bonheur, comme celle qui donne son nom au livre, Célidan disparu : personnage à la fois pusillanime et enflammé d'une pièce de Corneille que j'ai jouée à mes débuts d'acteur, dont je découvris lors de l'audition pour l'obtenir, qu'il me révélait à moi-même, et faisait de moi un acteur heureux. »
Denis Podalydès
À lire – Denis Podalydès, Célidan disparu, Mercure de France, 2022.
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