C'est loin de ses parents qu'un homme apprend à vivre
DIRCÉ : Ah ! Seigneur, quels que soient vos ennuis,
Que venez-vous me dire en l'état où je suis ?
THÉSÉE : Je viens prendre de vous l'ordre qu'il me faut suivre ;
Mourir, s'il faut mourir, et vivre, s'il faut vivre.
DIRCÉ : Ne perdez point d'efforts à m'arrêter au jour :
Laissez faire l'honneur.
THÉSÉE : Laissez agir l'amour.
DIRCÉ : Vivez, Prince ; vivez.
THÉSÉE : Vivez donc, ma princesse.
DIRCÉ : Ne me ravalez point jusqu'à cette bassesse.
Retarder mon trépas, c'est faire tout périr :
Tout meurt, si je meurs.
THÉSÉE : Laissez-moi donc mourir.
Acte II, Scène 4.
Périsse l'univers, pourvu que Dircé vive !
Périsse le jour même avant qu'elle s'en prive !
Que m'importe la perte ou le salut de tous ?
Ai-je rien à sauver, rien à perdre que vous ?
Je crains de me connaître, et ne puis m'ignorer.
Je devrais bien plutôt, d'accord avec les dieux,
Chérir l'heureux bandeau qui me couvre les yeux.
Je ne puis demeurer dans cette incertitude.
On rougirait bientôt de ses décisions, si l'on voulait réfléchir sur les raisons par lesquelles on se détermine.
Si je condamne en Roi son amour ou sa haine,
Vous devez comme moi les condamner en Reine.
Je vois aux pieds du roi chaque jour des mourants ;
J'y vois tomber du ciel les oiseaux expirants ;
Je me vois exposée à ces vastes misères ;
J'y vois mes soeurs, la Reine, et les Princes mes frères :
Je sais qu'en ce moment je puis les perdre tous ;
Et mon coeur toutefois ne tremble que pour vous,
Tant de cette frayeur les profondes atteintes
Repoussent fortement toutes les autres craintes !