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EAN : 978B005R91PWQ
(30/09/2011)
3.44/5   8 notes
Résumé :
« Cette tragédie fut représentée à Fontainebleau le 3 août 1664 devant le Roi et le légat du pape. La troupe de l’Hôtel de Bourgogne la joua dans les premiers jours de novembre 1664, suivant la gazette de Loret » (Le Petit).
Le sujet de la pièce est tiré des Histoires de Tacite, mais corneille a mis également à contribution Plutarque et Suetone dans leurs Vies de Galba et d’Othon.
« Corneille, dans sa préface, parle de cette tragédie comme l’une de ses... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Cette pièce de Corneille est plutôt méconnue, au point que j'ai cru, d'après le titre, qu'elle parlait de l'un des empereurs du Saint Empire, durant le moyen-âge.
Que nenni ! Corneille remonte plus loin dans le temps et veut nous causer de l'éphémère Othon, empereur de la Rome antique en transit qui régna seulement trois mois, entre Galba (qui avait évincé Néron) et Vitellus (qui fera aussi long feu au profit de la dynastie des Flaviens).

Dans son avertissement au lecteur, Corneille dit avoir suivi les Histoires de Tacite au plus près. « J'y ai conservé les événements et pris la liberté de changer la manière dont ils arrivent », avoue-t-il. C'est plutôt vrai ; les événements, les caractères des personnages sont là (j'ai vérifié chez l'auteur antique) mais ce qui les mène devient un imbroglio politico-amoureux comme Corneille aime à les montrer.

Donc Galba règne, conseillé par trois opportunistes cherchant à tirer la couverture à eux : le consul Vinius, le préfet du Prétoire Lacus et l'affranchi Martian. Il n'a pas d'héritier naturel valable – « valable » signifiant masculin hein – mais il a une fille, Camille, et il peut adopter. Vinius essaie de placer Othon – qui a bien connu l'orgie sous Néron mais s'est refait une réputation en soutenant spontanément Galba – comme candidat en l'offrant à sa fille Plautine. Mais mince, voilà que c'est le coup de foudre réciproque.
Sauf que Vinius apprend que Camille est intéressée par Othon et, changeant de plan, lui propose de se placer auprès d'elle, et tant pis pour l'amour. Plautine le soutient, et tant pis pour l'amour.
Sauf qu'Othon a un rival qui a les faveurs de Galba, et soutenu par les deux autres conseillers : Pison.

Donc Othon avoue son « amour » à Camille. Mais celle-ci ne parvient qu'à moitié à tourner son père. Galba offre la main de Camille à Othon mais l'empire ira à Pison. Ni une ni deux, Othon aligne devant Camille une liste longue comme le bras de prétextes montrant pourquoi leur union ne va pas le faire si l'empire ne vient pas avec. Camille n'est pas dupe, faut pas pousser mémé dans les orties. Elle sait bien qu'Othon n'a d'yeux que pour Plautine. Elle va chercher à se venger en se replaçant auprès de Pison et en poussant le mariage de Plautine avec Martian l'ancien esclave (ce dernier bave devant elle), dégradante proposition pour la patricienne Plautine.
Acculé, Othon contre-attaque par la force, et là on retrouve Tacite. Profitant d'une erreur de Galba qui n'a pas offert les cadeaux nécessaires à la garde prétorienne, il se fait nommer empereur par quelques légionnaires et c'est la révolte. Galba et les conseillers Lacus et Vinius vont tomber dans un piège bien raconté par Corneille. Et hop : Othon empereur.

Empereur sans amour car Plautine ne veut plus de lui pour une raison qui m'échappe, je l'avoue. Elle vient de perdre son père, d'accord, mais cela suffit-il à expliquer son refus ? Son père est une victime collatérale de la révolte d'Othon (tué par Lacus en fait) et Plautine ne songe pas à l'en accuser. Elle sait qu'Othon a joué sur les deux tableaux – elle-même et Camille – mais elle l'a elle-même poussé dans cette direction. Un mélange de tout cela décide Plautine probablement.

Selon Catherine Salles dans La Rome des Flaviens, Othon aurait peut-être pu devenir un bon empereur si Vitellus ne l'avait pas éliminé. Corneille, qui arrête sa pièce à la prise de pouvoir d'Othon, ne donne pas d'opinion. le comportement d'Othon semble plus retors que celui de Galba, mais moins que celui des conseillers veulent vraiment profiter à fond de leur pouvoir quelles qu'en soient les conséquences pour l'Empire (la tirade de Lacus à ce titre est superbe). Classé ni bon ni mauvais, il utilise les armes de son milieu, rien de plus.
Un bon moment de jeu de pouvoirs avec l'amour, réel ou simulé, comme arme de combat.
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La première de la pièce a eu lieu devant la cour à Fontainebleau le 31 juillet 1664, puis la pièce a été jouée à l'Hôtel de Bourgogne en novembre de la même année. Elle fut publiée en 1665. Bien que Corneille y ait paru attaché, elle n'a pas vraiment été reprise depuis. La source principale citée par Corneille est Tacite, même si on trouve des mentions de cet bref empereur chez d'autres que Corneille connaissait certainement : Suétone, Plutarque...Une pièce d'un auteur italien, apprécié par Corneille, Ghirardelli, avait déjà pris Othon comme personnage principal.

Nous sommes à la cour de Galba. Cet empereur laisse gouverner trois de ses favoris : Vinius, Lacus et Martian. Pour conquérir la faveur de Galba, Vinius a proposé à Othon d'épouser sa fille, Plautine. Othon en est réellement tombé amoureux. Mais voilà que Galba, qui n'a pas de fils, se propose de léguer l'empire à celui qui épousera sa nièce, Camille. Il hésite entre Othon et Pison. Vinius lui-même, conscient de ce que Camille aime Othon, conseille à ce dernier de la courtiser pour emporter le morceau et il est soutenu par Plautine. La manoeuvre marche, Camille se déclare pour Othon. Mais Galba choisit au final Pison, poussé par Lacus et Martian, même si ce dernier voudrait épouser Plautine. Camille refuse Pison, Galba veut bien qu'elle épouse Othon, mais Pison sera l'héritier. Camille réalise qu'Othon ne souhaite pas l'épouser si cela ne lui permet pas de devenir empereur. L'étau se resserre, et Othon poussé par les circonstances, se met à la tête d'une révolte de soldats. Il est vainqueur, Galba est assassiné par Lacus.

Donc le sujet principal de la pièce est l'arrivé au pouvoir d'Othon. Qui dans l'histoire aura été un bref empereur qui aura à peine régné trois mois. Favori de Néron, il tombe en disgrâce à cause de Poppée, que Néron souhaitait épouser. Ayant pris le parti de Galba, il se voit préférer Pison comme successeur ce qui le pousse à la révolte. Ayant défait et fait tuer Galba et Pison, il est défait à son tour à la bataille de Bedriacum trois mois plus tard. Il aurait à ce moment-là choisi le suicide pour arrêter la guerre civile, ce qui le fait classer comme vertueux.

Le personnage de Corneille, proche de ces faits historiques, est complexe. Favori de Néron, il l'aurait été par nécessité, pour survivre. Sommé d'épouser Plautine, ce qu'il fait dans un premier temps par obligation, il se prend au jeu, et en fait son choix. Mais voilà que le jeu de la politique lui fait obligation d'épouser Camille, qu'il n'aime pas. A chaque fois, il se prête au jeu. Mais en distinguant ce qui est jeu et ce qui est réalité. La vie de cour, la politique, sont ici un jeu pervers, où chacun ment, dissimule, essaie de tromper les autres pour arriver au pouvoir. Et le perdant risque de perdre la vie. Dans ce contexte, le mensonge est obligatoire, c'est une question de survie, chacun joue un rôle. Au risque de s'y perdre, d'y perdre son âme. Othon, le héros, est l'un des rares à arriver, malgré ses mensonges nécessaires, à savoir qu'il ment et pourquoi, tout en gardant d'une certaine façon sa lucidité et son intégrité. C'est pour cela qu'il est l'empereur nécessaire, celui qui saura voir le vrai, et se passer des mauvais conseillers qui entraînent Galba à sa perte, et à celle de l'empire.

C'est vertigineux, brillant, d'une suprême intelligence. Nous suivons la folle machine du pouvoir, qui s'emballe, et qui broie impitoyablement.
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Les jeux des trônes...
Une pièce des ambitions personnelles, des manipulations dans l'ombre, des intrigues de palais et de couloirs, des traîtrises... Et tout le monde participe, des ministres aux généraux, des affranchis encore dénigrés comme esclaves, jeunes filles aussi intrigantes que les hommes...
Face à cet enjeu immense, la quête du trône impérial, l'amour est un intérêt secondaire. D'ailleurs, comme parfois dans d'autres pièces de Corneille, les amants sont un peu tendres, un peu trop parfaits pour être intéressants. Ainsi, on peut se demander pourquoi tout le monde admire Othon, il ne semble pas si héroïque que ça, incertain, se laissant guider par les autres qui lui dictent sa conduite. Au contraire, Camille et Plautine font preuve de force, et ne se laissent pas aveugler par l'amour. La scène d'affrontement entre elles deux est le sommet de la pièce, et ce d'autant plus que les scènes entre personnages féminins principaux - je ne parle pas des scènes avec les suivantes ou nourrices - sont rares dans le théâtre classique.
Une pièce peu connue, mais belle découverte.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
MARTIAN
Mais, Seigneur, sur le trône élever un tel homme,
C'est mal servir l'État, et faire opprobre à Rome.

LACUS
Et qu'importe à tous deux de Rome et de l'État ?
Qu'importe qu'on leur voie ou plus, ou moins d'éclat ?
Faisons nos sûreté et moquons-nous du reste.
Point, point de bien public, s'il nous devient funeste,
De notre grandeur seule ayons des cœurs jaloux
Ne vivons que pour nous, et ne pensons qu'à nous.

(Acte II, Scène 4)
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VINIUS:
Si vous manquez le trône, il faut périr tous trois ;
Prévenez, attendez cet ordre, à votre choix,
Je me remets à vous de ce qui vous regarde :
Mais en ma fille et moi ma gloire se hasarde,
De ses jours et des miens je suis maître absolu,
Et j'en disposerai comme j'ai résolu.
Je ne crains point la mort, mais je hais l'infamie
D'en recevoir la loi d'une main ennemie,
Et je saurai verser tout mon sang en Romain,
Si le choix que j'attends ne me retiens la main.
(Acte I, scène 3)
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PLAUTINE
Quelle gloire à Plautine, ô ciel, de pouvoir dire
Que le choix de son cœur fut digne de l'empire,
Qu'un héros destiné pour maître à l'univers
Voulut borner ses vœux à vivre dans ses fers,
Et qu'à moins que d'un ordre absolu d'elle même
Il aurait renoncé pour elle au diadème !
(Acte I, Scène 4)
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Périssons, périssons, Madame, l'un pour l'autre,
Avec toute ma gloire, avec toute la vôtre ;
Pour nous faire un trépas dont les dieux soient jaloux,
Rendez-vous toute à moi, comme moi tout à vous
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Hélas ! Que cet amour croit tôt ce qu'il souhaite !
En vain la raison parle, en vain elle inquiète,
En vain la défiance ose ce qu'elle peut,
Il veut croire, et ne croit que parce qu'il le veut.
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Vidéo de Pierre Corneille
Lecture par l'auteur
Rencontre animée par Marie-Madeleine Rigopoulos
« Ce livre est un ensemble de nouvelles autobiographiques, classées par âge de la vie, de la petite enfance à aujourd'hui. Ces nouvelles sont souvent, pas toujours, des mésaventures dans lesquelles j'éprouve peur et honte, qui me sont assez naturelles et me donnent paradoxalement l'énergie d'écrire. Scènes de gêne ou de honte, scènes de culpabilité, scènes chargées de remords et de ridicule, mais aussi scènes, plus rares forcément, de pur bonheur, comme celle qui donne son nom au livre, Célidan disparu : personnage à la fois pusillanime et enflammé d'une pièce de Corneille que j'ai jouée à mes débuts d'acteur, dont je découvris lors de l'audition pour l'obtenir, qu'il me révélait à moi-même, et faisait de moi un acteur heureux. »
Denis Podalydès
À lire – Denis Podalydès, Célidan disparu, Mercure de France, 2022.
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