Livre-fascicule très intéressant et surtout objectif et réaliste quant à la situation du carcéral en Belgique (et ailleurs). Il apporte de l'eau au moulin d'une révolte ou - plus sainement - d'une révolution copernicienne à définir.
Commenter  J’apprécie         10
[Marie-Ange Cornet] L'un des fondamentaux de la laïcité est la liberté. Force est de constater que la prison prive le détenu de toute forme de liberté. En matière de liberté d'expression, les contacts avec l'extérieur sont largement entravés et si les écrits peuvent être diffusés à l'extérieur et même à l'intérieur, ils sont frappées en tous cas d'autocensure, le règlement des prisons excluant toute violence de forme ou de contenu et une critique du système pouvant être signe d'un comportement empêchant toute libération conditionnelle. La capacité de révolte en prend donc un sérieux coup. La liberté de conscience est elle aussi entravée par les conditions matérielles dans lesquelles vivent les détenus : entretiens avec les conseillers moraux non confidentiels, salles de prière inaccessibles, livres interdits (en langes étangères ou parfois même le Coran). Enfin, la privation de liberté de mouvement, objet même de la peine, ne peut qu'apparaître excessive : tous les mouvements sont accompagnés, les détenus vivent en cellule surpeuplée, ving-trois heures par jour dans bien des cas.
[Juliette Beghin] ... les lieux d'enfermement sécuritaires se multiplient au péril de nos valeurs démocratiques sans, du reste, susciter beaucoup d'émoi. Miroir de nos sociétés, une telle progression de l'enfermement reflète un constat inquiétant : les voies de l'exclusion empruntées par la peur se répandent et rivalisent avec les idéaux démocratiques centrés sur la liberté et les droits de l'homme.
Au vu de l'échec répété de la prison et des objectifs qui lui sont assignés, il semble plus que temps de lever la chape de plomb qui l'entoure, de questionner sa position centrale en terme de réponse aux infractions et, de manière plus générale, de repenser les modes de réaction aux illégalismes, en sortant du mythe de la sanction et de la punition. Penser la prison autrement, penser une société sans le systématisme de l'enfermement qui s'avère contraire aux droits de l'homme et aux valeurs laïques, ne devraient plus constituer un tabou au XXIe siècle.
[Florence Dufaux] Quant à l'échec de la prison, nous nous permettons de le mettre en parallèle avec le cumul des fonctions qui lui sont assignées : amendement, rééducation, resocialisation, réadaptation, réintégration, réinsertion, responsabilisation etc. Le cumul des obectifs relatifs à l'enfermement renvoie au vide substantiel de sens quant à l'exécution réelle de la peine privative de liberté.
... en matière de politique carcérale, il n'y a effectivement pas de secret ou de formule magique : afin de diminuer le nombre de personnes détenues, il convient d'agir sur au moins trois facteurs : réduire le recours à la détention préventive, faciliter les libérations conditionnelles et diminuer la durée des peines. De plus, la mise en place de solutions de remplacement à la prison ne fonctionne comme telle que dans le cadre d'une volonté plus générale de réduction des sanctions et de frein à l'extension du filet pénal.
Cédric Tolley, sociologue.