Emmanuelle Cornu a du style, mais un talent encore brut. Elle sait mener une intrigue tambour battant, mais ressasse également plusieurs clichés.
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Elle se veut coquette et délicate, mais quand elle s’examine dans le miroir, elle ne se reconnaît pas. Évidemment.
Toujours trop masculine, trop carrée, malgré les jupettes et les barrettes. Dans un monde idéal, sans conventions sociales, elle se raccourcirait les cheveux, se convertirait au pantalon et, pourquoi pas, se ferait tatouer. Un peu moins mademoiselle, un peu plus affirmée.
Ces femmes croient posséder la vérité absolue : elles pratiquent le yoga prénatal, mangent bio, prêchent pour l’allaitement.
Accouchent naturellement, à la Émilie Bordeleau, si possible dans la neige, accompagnées, évidemment, de leur sage-femme. Se considèrent comme des héroïnes — elles repeuplent la province, après tout — et s’attendent à être traitées comme des reines.
N’ont rien révolutionné, mais exigent de fouler le tapis rouge. Intimidée par leur aura, Anna sort du commerce. Elle n’appartient pas à ce cercle, n’a rien à lui sacrifier. Ni vergetures disgracieuses, ni mamelons craquelés, ni vagin distendu. Son utérus est une terre à jamais inhabitée.
Le don de vie lui a été inoculé. Être mère ne relève plus du privilège, c’est aussi un droit. Anna garde la tête haute. Elle appartient à la majorité non silencieuse. Les mains sur le volant, le cerveau en excès de vitesse, elle réajuste sa réalité et balaie le malaise de tantôt. Fébrilité.
Son embryon de projet fait déjà son chemin en elle, elle en est convaincue. Elle est jeune et en santé. Son ventre est une terre fertile, comme celui de sa mère et de sa sœur. Elle n’est pas différente, oh non, elle peut tomber enceinte en claquant des doigts. Son utérus est son allié.
Une insémination offre à peu près une chance sur dix d’être fécondée. Ce pourcentage n’augmente pas au fil du temps. Mille cinq cents dollars en frais sont dépensés par cycle. Après quelques mois, le tout se complique avec l’ajout de la médication. Les investigations deviennent alors plus intrusives.
Son mépris pour ses états d’âme l’empêche d’être authentique. Ça donne ce que ça donne : une lesbienne naïve et peu assumée, impassible face à sa sensibilité et à celle des autres. Une femme, à mi-chemin entre l’enfance et l’âge adulte, en quête d’un amour qui pourrait tout guérir.