Aujourd’hui elle dit : toi aussi tu pourrais. C’est maintenant ou jamais, rentabiliser ta jeunesse, ta beauté, aussi ton inconscience ou l’absurdité du monde et le désespoir des hommes, vraiment c’est sans danger. Tout ça sur le même plan c’est une justicière, elle égalise tout. J’imaginais, observer la douleur, aller au bout de mon corps, mais Hanaa disait non juste l’argent, le reste on n’y pense pas, vraiment c’est superflu. Elle se regarde dans le miroir, lisse des mèches de cheveux au hasard. Elle explique un peu sans me regarder. C’était facile, ses propres clients, elle en avait tellement, elle me mettrait en relation, je n’aurais qu’à être à l’heure et à improviser. Beaucoup trop facile, une évidence, et moi j’imaginais, me spécialiser dans le S.M., si simple, les hommes ne me toucheraient pas et en plus j’aurais le droit de les frapper, ça ne se refuse pas c’est vrai.
On ne peut pas parler de ça, le langage s’est scindé, la vie s’est diffractée et le corps traversé de ces hurlements sourds. Il aurait fallu expliquer tous ces mots nouveaux à l’amie, extraball, girlfriend experience, gender fucking, mais c’est autre chose, c’est le reste, tout le reste, il aurait fallu une traductrice, là où le bien et le mal, les deux points de référence de la compréhension, ne tiennent plus. Tout en lui parlant je regardais mon téléphone, s’il avait pu sonner j’aurais eu une excuse pour partir. Il y a eu un silence, elle attendait que je réponde quelque chose mais je n’avais pas écouté ce qu’elle disait. J’ai juste dit : pour le coup, rien à voir avec Nietzsche. Parce que sur le moment ça me semblait être quelque chose de vrai, mais j’oublie souvent que les gens n’entendent pas mes pensées. Je crois qu’ils ne préfèrent pas. Moi j’aimerais bien, je n’ai rien à cacher.
« Je pense qu’il faudrait lire le texte sans regarder les notes mais tout est contaminé il ne faut pas mentir il faut avouer l’air qu’on respire modifie l’éclat du teint et fait tousser aussi parfois. »
« Il reste beaucoup d’endroits où je ne mets pas de notes mais celui-ci n’en fait pas partie et quand elles disparaissent c’est que quelque chose de moi les absorbe. »