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Critique de patachinha


Plus d' un siècle après les faits, il continue à faire parler de lui : l' auteur d' une des affaires judiciaires les plus célèbres, énigmatiques et controversées de tous les temps...
Il y a plus d' un siècle maintenant, ce psychopathe sévissait Outre-Manche, dans le quartier de l' East End à Londres...

Il compta à son actif, du moins officiellement, pas moins de 7 meurtres . 7 " malheureuses " comme on les appelait à l' époque furent tuées sauvagement. Qu' avaient- elles en commun? La prostitution qui était leur gagne- pain, l' alcool, la misère, la solitude, le rejet et le mépris de toute une société. Oui, il était d' usage de considérer que ces pratiques dépravantes étaient liées à un insatiable appétit sexuel; de là, la prostitution n' était plus un moyen de subsistance mais un simple passe- temps. C' est une donnée importante pour comprendre l' opinion publique de l' époque, qui au début attachait très peu d' importance à ces crimes. Après tout cet anonyme accomplissait une oeuvre louable, il débarrassait Londres de ses pourritures...

L' auteur nous propose à cet égard une intéressante description des bas fonds de Londres, ainsi que l' ambiance générale qui règnait en cette époque victorienne. D' un côté, une atmosphère mondaine, liée au monde de l' art, du spectacle, de distractions diverses et variées...

De l' autre, des quartiers malfamés, où grouillait la promiscuité, l' insalubrité, une surpopulation qui s' entassait dans le peu de dortoirs disponibles avec les maladies, les rats, toutes sortes de bestioles, ...
C' était le terrain de jeu idéal pour Jack l' éventreur, une zone qui connaissait très peu d' illuminations dans les rues , où les patrouilles de police étaient quasi inexistantes, où le brouillard durant la nuit était extrêmement épais même par nuit d' été!
Jack l' éventreur n' était pas un simple meurtrier, il allait bien au-delà de ce que le monde avait découvert jusqu' alors. C' était un individu qui recherchait foncièrement à faire parler de lui, en envoyant des centaines et des centaines de lettres à la police et aux journaux pour se moquer de qu' ils ne l' attraperaient jamais, ou pour les mener en bateau, ou encore pour se faire des éloges à lui-même.

La police elle était bien impuissante, et s' entêtait dans de fausses pistes qui jaillissaient au fur et à mesure des enquêtes. Par manque de volonté parfois, par manque de moyens techniques d' autres fois, ou encore parce que ces crimes dépassaient largement leur entendement. Ils avaient affaire à un être nettement plus intelligent qu' eux tous réunis.

Comment l' auteure en est-elle venue à affirmer que Walter Sickert, un peintre réputé de l' époque était le meurtrier? Elle nous brosse le portrait d' un homme très tourmenté. D' origine allemande, polyglotte, doté d' une rare intelligence,d' une grande élégance et courtoisie, en même temps que calculateur, manipulateur, mystérieux; c' était aussi quelqu' un qui avait vécu un traumatisme d' enfance lié à une difformité de son appareil sexuel qui lui avait valu plusieurs opérations douloureuses pshysiquement et moralement. Il était curieux de tout, un véritable dilettante. Il connaissait bien l' East End, pour y passer nombreuses de ses soirées dans les music-hall, dans des galeries d' art proches de ce quartier; parce qu' il louait en cachette divers trous à rats qui lui servaient d' ateliers, ou encore parce qu' il se promenait régulièrement très tard dans la nuit parmi les ruelles et les impasses, après être sorti d' un music-hall pour digérer et méditer sur ce qu' il venait de voir disait- il à ses proches. Il disparaissait aussi parfois, pour quelques jours ou quelques semaines sans que personne ne sache ce qu' il advenait, même sa femme.

Sur la base d' une recherche minutieuse, d' un travail de collaboration avec différents spécialistes de tous bords, que ce soit du monde de la police lui ayant facilité l' accès à de très nombreux documents, en passant par des instituts de médecine - légale, des experts en art, des experts en papier, ou en écritures. Tout est concocté pour amener le lecteur à une seule solution possible : Sickert était le meutrier.

On ne peut reprocher à celle-ci de s' être basée sur une croyance fantaisiste, c' est un policier qui lui a parlé de la possiblité Sickert en 2001. Et elle aura à coeur de le démontrer, on le voit à travers ses phrases, que cette affaire l' a totalement absorbée; je dirais même qu' elle en a fait une fixation totale en achetant de nombreux documents, des tableaux de Sickert, en se déplaçant à divers endroits fréquentés par Sickert notamment à Dieppe.

Que ressort- il de toute sa démonstration? Une impression d' acharnement, de fixation, sur un individu. Les moments où elle ne nous submerge pas de données indéchiffrables pour le commun des mortels, elle remplit par des "peut- être", des "certainement", des " sans aucun doute", des " a priori ", des " logiquement", des " je n' ai aucune raison de croire que" et j' en passe.
Alors c' est troublant. Parce que j' ai bien envie de la croire malgré tout. Pour reprendre une citation d' un profiler du FBI dont elle nous parle dans le livre : " Il n' existe pas beaucoup de coincidences dans la vie. Et dire qu' une succession de coincidences est une coincidence, c' est de la bêtise, purement et simplement."

Je reste convaincue par beaucoup de ses arguments, basés sur des recherches de professionnels en la matière; mais encore une fois un livre aussi accusatoire n' aurait pas dût être écrit par une auteure de fictions policières si il voudrait être tout à fait crédible.
Je trouve qu' elle y met un peu trop de sentiments personnels parfois, émet régulièrement des critiques sur les lacunes que la police de l' époque aurait pu éviter, des comparaisons sur ce que les moyens actuels auraient pût faire. Et nous assomme véritablement par moments avec des données relatives à l' ADN, au sangs, à l' évolution de la raideur cadavérique... Les dates et les faits sont parfois assez confus et brouillons; énormément de spéculations aussi. Cependant j' ai trouvé un passage fort intéréssant sur la médecine- légale :

" Les psychiatres interprètent les états mentaux et les désirs émotionnels d' un patient à travers son comportement et les aveux de ses sentiments et de ses actes. Les médecins des morts, eux, doivent faire ces mêmes interprétations en utilisant le braille des blessures, anciennes et récentes, les résidus présents sur le corps, la manière dont une personne est habillée et où elle est morte. Ecouter parler les morts est un don unique, et cela nécessite une formation hautement spécialisée. le langage du silence est dur à interpréter, mais les morts ne mentent pas. Il et parfois difficile de les comprendre, et on peut les comprendre de travers, ou ne pas les retrouver avant qu' ils aient cessé de parler. Mais s' ils ont encore des choses à dire, la véracité de leurs affirmations est implacable. Parfois, ils continuent à parler longtemps après avoir été réduits à l' état de squelette..."

En définitive, je pense qu' elle a misé très gros en écrivant ce livre, elle porte là de très graves accusations, et vers la fin, ne se gêne pas pour dire ouvertement Sickert a fait si, Sickert a fait ça... On a envie de la croire. Trop de coincidences, mais une histoire trop romancée par moments... Je reste mitigée, et je concluerais en disant que il y a encore beaucoup à faire. Dans 100 ans, avec de nouveaux moyens encore plus perfectionnés, peut- être trouvera-t-on définitivement le coupable. Néanmoins, il ne doit rester déjà plus de lui que poussière...
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