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Critique de Christio


Ce livre, proposé dans la dernière masse critique de Babelio, a d'emblée retenu mon attention. Tout d'abord, par son titre évocateur et sa jolie couverture aux tons doux et chauds, à la façon d'une esquisse. Mais c'est avant tout le sujet qui m'a plu, car il apporte un éclairage différent sur ce que furent les dix années avant l'indépendance de l'Algérie.

Il s'agit en effet d'un récit personnel et non pas historique. Celui de Rosa, petite fille espagnole dont la famille pense avoir enfin trouvé sa terre promise en Algérie, après avoir fui le régime franquiste.

Pendant des siècles, l'Algérie a ainsi accueilli des « chercheurs de rêves qui aspiraient à une vie meilleure ». Lorsqu'on fait référence aux Européens de l'Algérie française, on pense généralement aux Pieds-Noirs, mais plus rarement aux autres nationalités comme les Italiens, Portugais ou Espagnols. Pourtant, ces derniers sont arrivés nombreux dès le 19ème siècle et plus encore, après la Seconde guerre mondiale, notamment dans la région d'Oran.

Le père de Rosa est d'abord venu en Algérie en éclaireur pour découvrir cet Eldorado qui attirait tant d'Espagnols du Levant, dont son frère déjà sur place. Dans les années 50, il a fait venir sa femme et ses 2 filles à Alger, dans cette ville où la providence avait guidé leurs pas et où la famille allait enfin être réunie, « sans peine qui les déchire ».

Rosa Cortès raconte alors, de manière simple et attachante ce qu'a été sa vie de petite fille et d'adolescente dans cette grande métropole où tout l'émerveille : Belcourt, son « quartier de vie et de rêves où toutes les cultures s'épousaient sans heurts », les belles vitrines du centre-ville, les étals du marchand de zlabias, dégoulinantes de miel, les façades blanchies à la chaux et le sublime bleu outremer à l'horizon.

Dans le cocon familial aimant et protecteur où sa mère est aux petits soins pour elle et où son père travaille 6 jours sur 7, Rosa grandit heureuse et insouciante. Découverte de la langue, de l'école, premières amitiés, réussite du concours d'entrée en sixième qui fera acheter le journal à sa mère, événement rarissime car « payer pour un journal, c'était de l'argent perdu pour des immigrés parlant et déchiffrant mal la langue ».

Après un déménagement sur les hauteurs du quartier tranquille du Telemly, Rosa est convaincue que ses parents ont trouvé l'endroit parfait pour abriter leur vie : « C'était là notre terre promise. Nous y étions enfin arrivés ».

Alors qu'une nouvelle rentrée se prépare, des attentats ensanglantent le centre-ville. D'autres événements tout aussi graves se produisent les mois suivants mais la famille Cortès qui avait déjà vécu une guerre civile ne se mêlait pas de politique, « l'Espagne était leur souci, l'Algérie leur abri ».

Rosa se fait de nouvelles amies, excelle à l'école et continue à explorer Alger, la blanche et lumineuse capitale. Ses préoccupations de petite fille, ses joies et ses peines sont universelles : l'angoisse de ne pas avoir d'amies, le premier examen, la hantise de la piscine, le cauchemar de la corde à grimper….. Sans oublier les moments si spéciaux tels que le chocolat fumant du goûter qui l'attend sur la table, les conciliabules avec les nouvelles amies pendant la récréation, les promenades du dimanche avec les cousins d'Alger.

Chaque été vient aussi le rituel immuable des vacances au bercail familial, à Polop en Espagne et les retrouvailles avec la famille et les amis restés au pays.

Rosa passe doucement de l'enfance à l'adolescence : premiers émois amoureux, timides sorties hors du champ parental et surtout de belles amitiés dont elle se souvient avec affection. Pourtant, tout autour, « le ballet de la mort entre deux peuples amoureux de la même terre avait commencé et seul un des partenaires emporterait sa proie et la victoire ». Rosa, « tenue sous serre par une famille trop aimante et protectrice », est consciente de ce qui se passe dans le pays mais elle n'en réalise toujours ni les enjeux ni les conséquences inéluctables.

En 1962, la décision du départ s'impose. Les destinées de Rosa et de ses amies vont devoir se séparer. Rosa ne se voit pas vivre ailleurs que dans cette ville qui « avait brodé son adolescence et une partie de son enfance ». C'est réellement au moment où ses parents sont confrontés à la fatalité d'un nouvel exil qu'elle prend conscience de son profond attachement à ce pays. Après un bref retour en Espagne, elle y reviendra d'ailleurs peu de temps après pour étudier, puis y travailler jusqu'en 1976 (peut-être le sujet d'un prochain livre ?).

Dans cet ouvrage, Rosa Cortès a su décrire de manière attachante son enfance en Algérie, le pays d'exil choisi par ses parents, de même que la magnifique ville d'Alger la Blanche. Au fil de son récit, elle parvient également à faire appréhender au lecteur les affres et les horreurs de la Guerre d'Algérie et des années tragiques ayant mené à l'indépendance du pays.

Ce livre a été une belle découverte. Ayant moi-même vécu dans cette belle ville d'Alger dans les années 80, je me suis remémorée avec plaisir cette métropole si vivante et attachante, avec ses quartiers animés, ses couleurs et ses odeurs (dont le délicieux parfum des fleurs d'orangers sur la route de Sidi-Fredj au printemps).

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