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Citations sur Le cheval rouge (23)

Ah ! Dans quelle terrible situation se trouvait-on, mon Dieu ! Quel renversement dément ! Et c’etait arrivé en l’espace d’un jour à peine... Stefano cessa de parler, et se levant avec décision, commença à taper dans ses mains, à se frapper le corps et à piétiner : il en éprouvait le besoin invincible parce qu’il continuait à avoir la sensation d’etre sur le point de geler.

Ainsi avait commencé l’attente terrible de quelque chose qui, en tout état de cause, ne pouvait être que la mort.
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Les deux jeunes gens se scrutèrent mutuellement. Ils n’etaient en apparence que deux soldats mortellement opposés l’un à l’autre : mais c’etaient d’abord deux artistes, chacun avec son immense et différente tradition derrière lui. Le fait d’etre artiste ne différenciait pas l’Italien de son peuple qui, en un certain sens, est tout entier composé d’artistes (même trop, comme on sait). Il différentiait au contraire, et radicalement, le Russe du sien, faisant de lui une sorte d’etre à part. Alors que l’Italien n’eprouvait que de temps à autre le besoin de communiquer avec d’autres artistes, l’isolement du Russe le rendait au contraire toujours attentif à la présence de l’un d’entre eux avec qui communiquer. « Celui-ci, qui me sort Victor Hugo dans un moment pareil, doit forcément être sensible à la poésie... ».
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" Si vous saviez, mes enfants, quelle saloperie c'est que la guerre", dit-il enfin, et il secoua plusieurs fois la tête, pensif. Des souvenirs lui revenaient en désordre en mémoire, dont un surtout s'imposait : la sensation indiciblement désagréable qu'il avat éprouvée plus de vingt ans auparavant aux paroles lugubres d'un fantassin compagnon de tranchée, alorsqu'ils attendaient de sortir pour l'un de ces horribles assauts, toujours présentés comme déterminants et qui, en fait, ne déterminaient jamais rien. Aujourd'hui, il avait oublié les paroles, mais il se souvenait bien de cette sensation si extraordinairement désagréable.
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-- Qu'est-ce que c'est que ces figures ? s'exclama tout à coup le capitaine Grandi. Allons plutôt, chantez avec moi. Et, avec le peu de voix qui lui restait et qui eût été ridicule dans un moment moins tragique, il entonna la terrible chanson alpine du capitaine moribond qui fait son testament. p 342
(...)
Adieu donc à toi aussi premier amour, adieu pour toujours, ce que nous avions rêvé ne sera jamais... Adieu montagne, patrie, régiment, adieu mère et premier amour, chantaient les chasseurs alpins. Ils chantaient et pleuraient, les chasseurs valeureux, et leur chant patient contenait toute la douleur de notre humaine impuissance. Ils chantèrent encore quand le capitaine ne chantait plus et ne les accompagnait que des yeux. Ils ne cessèrent de chanter que lorsqu'ils se rendirent compte que le capitaine Grandi était mort.
p 343
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La colonne ralentit graduellement et se condensa de plus en plus jusqu'à déborder sur les côtés enneigés de la piste. Les haltes commencèrent, et les mouvements par à-coups. Le froid se faisait plus sauvagement sentir, chaque homme tâchait de s'enfermer en lui-même, il se pliait, baissait la tête comme pour retenir sa propre chaleur. p 281
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– Mais qu’est‑ce qu’il se passe ? Alors nous sommes vraiment sur le point d’entrer en guerre ?
– Ça, on n’en sait rien, répondit Ambrogio. Moi, j’espère bien que non.
Il marqua un temps de pause, attitude qui, à l’évidence, lui était naturelle.
– C’est vrai que si la guerre éclate, observa‑t‑il, la chance d’aujourd’hui nous la paierons cher… Ils marchèrent un moment en silence.
– En tout cas, objecta Stefano, répétant ce qu’il avait dit précédemment à son père, pour l’instant nous ne sommes pas en guerre. Et tant que nous n’y sommes pas, il y a toujours de l’espoir.
– C’est sûr, il est inutile de crier avant qu’on ne nous écorche, d’autant plus que toi et moi n’y pouvons absolument rien.
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"Mais c'est un fait", recommença-t-il à penser, "que si l'on excluait du tableau la faille que les hommes ont en eux - faille qui se fait sentir en tout-, leur histoire serait inexplicable."
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Depuis sa tranchée, haute sur la rive du fleuve, Stefano pouvait voir, au-dessous, le bois changer de couleur, de jour en jour. Avant de tomber, les feuilles -- en une sorte de fête d’adieu à leur existence si brêve -- se paraient des teintes les plus belles : l’or et le rouge, ou le jaune délicat, ou le rouille et le brun, chacune selon son espèce. Venant du nord-est, c’est-à-dire de la direction même du vent apparurent et se succédèrent -- haut dans le ciel -- des bandes de canards migrateurs : ils volaient en formation en V ou en simples lignes obliques, avec des cris insistants. Le jeune homme les observait avec le dépit du chasseur contraint malgré lui à ne pas tirer sur la proie (on avait tout de suite diffusé des ordres péremptoires à ce sujet). Ces cris rauques, qui résonnaient à l’improviste de jour et de nuit, lui paraissaient aussi être comme un au revoir : les animaux s’en allaient, abandonnant ces lieux où l’hiver était si inclément... p 194
p196 C’est ainsi que le commencement des ennuis sérieux les prit au dépourvu.
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Ainsi avait commencé l’attente terrible de quelque chose qui, en tout état de cause, ne pouvait être que la mort.
Aucun de ces hommes torturés qui avaient choisi de «bien mourir», n’acceptait en réalité de mourir : de même qu’on ne peut pas tenir la main sur un fer rouge, aucun d’entre eux, en effet, ne pouvaient arrêter sa pensée sur la perspective qu’il serait bientôt un cadavre. Certes, puisqu’ils n’étaient pas disposés à devenir des êtres misérables et pleurnicheurs qui, probablement, seraient tués de toute façon, il ne leur restaient qu’à mourir en combattant ; mais ce n’était pas pour autant qu’ils l’acceptaient. L’homme, même quand il se porte à la rencontre de la mort, n’accepte jamais de mourir. Les minutes passaient, insoutenables. p 248
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Portant les armes sur leurs épaules, les hommes de la compagnie s’étaient avancés dans le bois en direction des avant-gardes, le long de la piste qu’ils avaient suivie jusque-là en camion. De temps en temps ils pouvaient apercevoir, à droite entre les arbres, une autre compagnie du bataillon qui avançait de la même manière. Dans les pauses de la fusillade, une tourterelle solitaire se mettait à chanter dans les bois.
.... Dans les pauses du tir recommençait à roucouler, solitaire, la tourterelle. «Il faut qu’elle soit bien en pleine période des amours, celle-là, pour ne pas s’arrêter de chanter, même dans des moments pareils», pensa Stefano.
p 126
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