Eugenio CORTI avait 21 ans lorsqu'il fut mobilisé avec 230 000 italiens dans la campagne de Russie aux cotés de la Wehrmacht. Il a vécu la débâcle de Stalingrad durant l'hiver 1942-1943 qui couta la vie à la moitié du corps expéditionnaire et qu'il décrit dès 1947 dans un récit autobiographique « La plupart ne reviendront pas ».
En 1943, au lendemain de l'armistice du 8 septembre consécutif à l'invasion de la Sicile et la destitution de Mussolini, Eugenio rejoint le Corps Italien de Libération (CIL) engagé aux cotés des alliés et se bat jusqu'en 1945 parmi « Les derniers soldats du Roi », suite du récit précédent, publié en 1950. De Monte Cassino au réduit alpestre, ces italiens ont contribué à la libération de la Péninsule. L'armée américaine (et française) tenait le coté occidental, le long de la Mer Tyrrhénienne ; l'armée britannique le coté oriental, le long de la Mer Adriatique. Les Italiens, comme les Polonais étaient équipés par les Britanniques et ont progressé dans les Abruzzes, les Marches, libéré Macareta, et Musone.
Eugenio CORTI a vécu la libération de Rome en juin 1944, la prise de Bologne, le chaos à Milan au printemps 1945 et la démobilisation dans le Trentin.
Récit passionnant, sur un aspect souvent effacé par les historiens, qui minimisent le poids des Italiens, des Polonais et des Français dans la Guerre d'Italie, ces pages sont également une étude sur la démocratie, l'histoire de la péninsule et le destin de l'Italie. Méditation que prolonge une réflexion sur la vocation de la Pologne et de la Grèce au cours des âges et s'inscrit dans l'analyse des racines de la civilisation européenne. Ce n'est donc pas le même registre que « Rapsodie Italienne » de Jean-Pierre CABANES … génial successeur d'Alexandre DUMAS.
Ses deux récits autobiographiques ont permis à Eugenio CORTI de publier en 1983, « Le Cheval Rouge », immense fresque, qui résume l'histoire italienne entre 1940 et 1980 et se compare à « Guerre et Paix » de TOLSTOI ou « Vie et destin » de Vassili GROSSMAN.
Rejeté, comme SOLJENITSYNE, par l'intelligentsia assujettie au marxisme, Eugenio CORTI reste méconnu en occident. Il est temps de redécouvrir son oeuvre et les Editions Noir sur Blanc rééditent en ce printemps « Le Cheval Rouge » et ses 1420 pages d'Odyssée.
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Suite à la tragédie vécue en Russie au sein du contingent italien intégré à la Wehrmacht, l'auteur narre ses combats au sein du “Comité de libérationˮ, contre les Allemands, parmi les troupes anglo-américaines, en 1944-1945.il n'est pas tendre pour ses compatriotes et leurs compétences militaires ! Ses observations sur les différences de mentalités avec les Anglo-saxons signent un regard acéré et objectif. le sort des Polonais de l'armée Anders, survivants du Goulag, l'émeut d'autant plus qu'il devine ce qui arrivera avec l'arrivée des soviétiques dans leur pays…Au cours de sa “remontéeˮ de la péninsule, il se fait reporter en livrant au lecteur une description fine et sans complaisance des villes et villages, de l'extrême pauvreté, de l'arriération des campagnes. On peut lui reprocher son côté “cul-béniˮ, mais cela devait être la norme à cette époque. Un grand récit de guerre, de lucidité, de compassion et de triste réalisme.
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Le 17 arrivèrent pour nous relever des détachements polonais de la Cinquième division Kresowa, reconnaissables à leur insigne, la sirène brandissant une épée. Vu que les parachutistes, comme d'habitude, n'avaient pas assez de camions pour le transport, les Polonais en déchargèrent plusieurs des leurs, et les mirent à leur disposition dans un esprit de fraternité.
Nous savions qu'à ce moment-là ils étaient angoissés par une nouvelle tragédie inhumaine qui se déroulait à Varsovie. En effet, quand à la fin de juillet les Soviétiques étaient arrivés aux faubourgs est de la ville, l'armée des partisans polonais, qu'ils avaient plusieurs fois appelée à l'insurrection, s'était insurgée. Alors les Soviétiques s'étaient arrêtés, et maintenant ils attendaient sans bouger que les insurgés - qui étaient férocement anti-allemands, mais certainement pas communistes - soient anéantis jusqu'au dernier par les Allemands. (Pour la seconde fois, et d'une manière encore plus sanglante que la première, communistes et nazis - bien qu'ennemis mortels - se trouvaient d'accord pour écraser la Pologne, c'est-à-dire un peuple résolu à ne pas perdre sa liberté.) Depuis plusieurs semaines on se battait dans la ville avec un désespoir silencieux. Au début, l'aviation anglaise et celle des Américains avaient lancé des munitions aux insurgés, puis les vols avaient cessé parce que l'état-major soviétique avait interdit aux avions de faire escale à l'intérieur de ses lignes. Maintenante les aviateurs polonais continuaient tout seuls essayant de voler sans escale. Bien souvent ils n'y arrivaient pas : on disait que pour cette raison l'état-major leur interdisait rigoureusement de partir mais que les Polonais refusaient de se plier à cette interdiction.
Ils continuaient donc à partir, les pilotes polonais : une fois en l'air, nul ne savait s'ils volaient le visage durci, ou s'ils pleuraient silencieusement, ou s'ils criaient leur désespoir dans le grondement des quadrimoteurs. Il devait en être de leurs avions comme des oiseaux qui volettent désespérément autour de leur nid assailli par des prédateurs tellement plus forts qu'eux : à la fin ils ne se soutiennent plus en l'air et vont s'abattre au sol, et leur irrépressible douleur cesse brutalement avec leur vie sans mémoire. En quelques semaines, toute l"aviation lourde polonaise allait tomber de cette façon ; à la fin, nous apprendrions qu'il n'existait plus d’aviation lourde polonaise. Les insurgés, après soixante jours de lutte, furent exterminés, le reste de la population déporté, Varsovie rasée sur quatre-vingt-cinq pour cent de sa superficie.
Au cours de la guerre, les hommes commirent bien des actes dont n'importe quelle espèce de bêtes aurait honte; d'autres furent plus sanglants, mais aucun, je crois, ne fut plus honteux que celui-ci.
Nous reconnûmes les Alpins de loin à leur chapeau à plume d'aigle, et à la disposition insolite de leurs détachements compacts ; et de près au grand nombre de barbes, ainsi qu'à l'allure de ceux d'entre eux qui, sortis de leur formation compacte (c'était tout de même des Italiens), baguenaudaient ça et là au soleil de leur pas indolent et fier.
Nous les saluâmes avec une espèce d'exaltation (la même qui m'aiguillonne encore aujourd'hui à leur souvenir) parce que si, avec certaines divisions ordinaires, nous autres Italiens avons aligné les troupes les moins efficaces peut-être de toutes celles qui ont fait la guerre, nous savions du moins qu'avec les divisions alpines nous avions aligné les meilleures de toutes. (Miroir, là aussi, de l'humanité tout entière, qualités et défauts...) Il me revenait à l'esprit la retraite en Russie, encore si proche, les encerclements dans le climat polaire, au cours desquels les Allemands nous avaient ouvert le chemin, à nous les Italiens des divisions ordinaires. Mais pas aux Alpins : dans leur poche, c'est l'inverse qui s'était produit : c'étaient en effet nos montagnards qui, jour après jour, avaient ouvert le chemin aux autres troupes encerclées avec eux. Allemands compris. A travers les brèches ouvertes par la division Tridentina s'étaient glissées les troupes ordinaires italiennes, les maigres restes d'un corps d'armée allemand, et peut-être dix mille Hongrois, de sorte qu'à la fin tous arrivèrent à se sauver. Sans appui de l'aviation, sans appui de chars d'assaut ni d'autres véhicules, uniquement grâce au courage incomparable de ces hommes au cœur simple.
C'est donc tout cela que je repassais dans mon esprit lorsque, à Barbara, nous rencontrâmes les Alpins.
Du reste nous devons nous rappeler que bien longtemps avant, les Grecs de l'Antiquité eux aussi avaient vécu en démocratie : d'ailleurs le mot vient justement de chez eux, c'est un mot grec.
Une fois de plus il me sembla entrevoir dans les yeux de certains d’entre eux (comme au cours de nos conversations au Musone) l'espoir que l'on pourrait trouver à la fin le moyen de sortir des malheurs écrasants de notre temps.
— Mais pourquoi est-ce que par la suite la démocratie a disparu en Italie ? voulut savoir Leonardo.
— Parce qu'il y avait eu - exactement comme chez les Grecs en son temps - une dégradation des mœurs, et que peu à peu les gens n'ont plus été disposés à renoncer en partie à leur point de vue pour faire de la place à celui des autres. La situation qui en est venue à se créer au quatorzième siècle, Dante l’a bien décrite : en pratique, pour en finir avec les luttes et les abus continuels, il était devenu indispensable que quelqu'un impose l'ordre par la force. C'est comme ça qu'un peu partout se sont constituées les seigneureries et les principautés et que la democratie a disparu.
L’attentat contre le dictateur allemand, de la part de ses propres généraux, nous fit croire à la fin de la guerre. Hitler ne fut pas tué, mais les soldats allemands - non pas considérés dans l'abstrait : ceux qui étaient déployés sur les collines, là, devant nous, et tous ceux, pris un par un, qui se battaient sur d’autres fronts - allaient ils encore se faire tuer, maintenant que l'inutilité en était à tel point évidente ?
Il était horrifîant de penser que tant de courage et une aussi extraordinaire fidélité continuaient à être aussi obstinément gaspillés de cette façon ; un gaspillage de nature - je le redoutais à nous amoindrir tous...
Tout de même, quelle belle ville, Pérouse!
Dans les églises médiévales gisaient les guerriers, la tête reposant sur un coussin de pierre, les mains sur la poitrine, refermées sur la garde de leur lourde épée, semblable à une croix. Leur visage est de pierre, ainsi que leur corps, leur cotte de mailles et les autres habits ; de pierre la hache pendue à leur flanc, si redoutée dans les combats et les duels. Mais la légende dit que leur cœur n'est pas de pierre, et qu'enserré dans son étau de pierre, il est condamné à souffrir aussi longtemps que dureront les factions en quoi les premiers ils ont divisé notre peuple.
le Parlement infernal : Nouvelles intégrales de Saki, Gérard Joulié aux éditions Noir sur Blanc
https://www.lagriffenoire.com/1101026-romans-le-parlement-infernal---nouvelles-integrales.html
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le cheval rouge de Eugenio Corti, François Livi aux éditions Noir sur Blanc
https://www.lagriffenoire.com/1033025-romans-le-cheval-rouge.html
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