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Marie Cosnay (Autre)
EAN : 9782377560981
230 pages
L'Ogre (04/03/2021)
3.25/5   6 notes
Résumé :
«Je suis écrivaine, et je vis au Pays basque. Née en 1965, et élève dans un établissement religieux quand j'étais enfant, j'ai toujours connu, par rumeurs, les périples que vous avez vécus ici, les injustices qui vous ont été faites. Après avoir lu toute la documentation sérieuse que j'ai pu trouver, les archives ici, celles du Vatican qui sont disponibles, après avoir parlé à quelques descendants des acteurs de l'époque, j'ai écrit un texte, mi-documentaire mi-fict... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Nous voici en face d'un fait divers rocambolesque au possible, survenu en 1953 dans une France loin d'être affranchie des morsures de la deuxième guerre mondiale. Histoire particulièrement embrouillée, et nous allons tenter de résumer en quelques mots cet épisode venteux…

Février 1953 donc. Quelques passeurs font traverser clandestinement la frontière franco-espagnole à deux enfants, plus précisément du côté du rocher des Perdrix au Pays Basque, anecdote beaucoup moins anodine qu'elle n'y paraît, et voilà pourquoi :

Ces enfants sont ceux d'un couple juif, les FINALY, une famille qui a fui à plusieurs reprises le régime nazi, fut en partie déportée puis assassinée en camp de concentration durant la seconde guerre mondiale. Miraculeusement, les deux enfants n'ont pas été déportés, ont même été planqués à partir de 1943 par diverses institutions catholiques respectables au demeurant, à une époque où il ne faisait pas bon être juif dans un pays collaborationniste.

Après plusieurs rebondissements, les deux gamins sont hébergés par une certaine Antoinette BRUN, catholique ardente de la crèche municipale de Grenoble. Fritz FINALY, le père des enfants est, nous le savons, mort. Or, avant le grand départ, il avait pris quelques précautions et souhaitait que ses descendants soient élevés par sa soeur, vivant en Nouvelle Zélande. Mais la troublante Antoinette refuse de les rendre. Motif : elle les a baptisés en secret en 1948, bien que les deux garçons furent circoncis donc déclarés juifs. Ils doivent dorénavant obéir aux commandements catholiques. Cependant, juridiquement, Antoinette doit rendre les enfants à leur famille. C'est alors qu'en février 1953, ils disparaissent, kidnappés…

Dans cette histoire abracadabrante, il n'est pas facile d'y retrouver ses petits, et Marie COSNAY prend un malin plaisir à nous perdre toujours un peu plus, jouant avec maestria sur les flashbacks historiques, nous faisant faire connaissance avec de nombreuses figures des années noires du XXe siècle, se déplace beaucoup durant la deuxième guerre mondiale, nous amène faire un tour du côté de la première, puisque diverses ramifications, explications de cette ténébreuse affaire, sont disséminées dans toutes ces années. Marie COSNAY se permet même le luxe de nous transporter en 1858 en Italie après avoir brillamment exhumé quelques acteurs, héros ou ordures, des années 1930-1940.

En fond de ce récit, la haine des juifs, l'antisémitisme toujours très prégnant près de dix après la shoah et malgré les millions de morts. Marie COSNAY est une fervante militante pour l'accueil des migrants, ce texte s'en fait aussi un écho actuel par ces deux enfants empruntés à l'histoire, promenés de droite et de gauche sans que jamais ne se profile un point d'ancrage. Il y a aussi la surenchère religieuse, avec des catholiques boulimiques et leur volonté de toute puissance par l'écrasement de « l'autre ».

Et cette galerie de « nébuleux », collant trop parfaitement à leur époque troublée : « … Prince de campagne et de patois, un abbé d'autrefois, un qui a choisi l'habit ne pouvant choisir les armes, un abbé à la Stendhal, compromis jusqu'au cou mais il ne sait pas lui-même auprès de qui, il a acquis et la francisque et la Légion d'honneur, a suivi Pétain et a suivi De Gaulle, a protégé des réfugiés puis en a livré, a informé Franco des secrets des rouges et informé la France des secrets de Franco, avait un cheval nommé Stalingrad... ». Et ainsi de suite.

N'oublions pas les Justes de ce récit, celles et ceux qui ont risqué leur vie ou leur liberté pour ces jeunes enfants (je pense à Germaine RIBIÈRE), alors que d'autres ont profité de l'opportunité pour leur faire passer des frontières en échange d'une coquette somme d'argent. Ici, et par ce « simple » fait divers, est dénoncé l'appétit du Vatican ou de certains de ses représentants, mais aussi celui de figures ambivalentes des fameux bons citoyens, ou encore le rôle du gouvernement fasciste de FRANCO dans le sort réservé aux enfants, la haine et l'antisémitisme présents sur tous les tableaux. Évocation brève mais remarquée de l'organisation fasciste française La Cagoule, ainsi que quelques autres, comme le réseau de résistance « Comète » qui donne en partie naissance au titre de ce livre.

Quant au style, il est dynamique et haletant, volontairement libre, n'obéissant à aucune règle, l'autrice sortant de son chapeau les diverses périodes évoquées ci-dessus, les faisant fatalement se rejoindre, se compléter, se questionner les unes aux autres. En résulte un tissage solide et homogène. C'est du haut vol et l'autrice retombe toujours magnifiquement sur ses pattes en un numéro impressionnant d'équilibriste. le tour de force principal consiste peut-être à nous rendre actifs : tout en nous entretenant de cette sombre affaire, Marie COSNAY garde par devers elle certains mystères, nous poussant à consulter nous-mêmes des archives. En parlant de ces dernières, Marie COSNAY informe à la fin de son brillant ouvrage : « le 2 mars 2020, le Vatican ouvrait ses archives, scellées, du temps du pontificat de Pie XII. Très vite, il n'en était plus question : la pandémie du Covid-19 remettait à plus tard la lecture des secrets octogénaires ». Il faudra donc attendre encore un peu…

Exercice journalistique autant que d'historienne, faisant se confronter voire s'affronter diverses périodes brûlantes, plus proches par leurs points de convergence que l'on ne pourrait le penser. Lecture enrichissante qui déborde de cette volonté du partage faisant naître les grands écrivains, Marie COSNAY en fait indéniablement partie. Il est plus que temps que découvrir cette autrice majeure, ce « Comètes et perdrix » sorti en 2021 aux éditions de L'Ogre pourrait en être le prétexte.

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Avec « Comètes et Perdrix » (2011, Editions de l'Ogre », 184 p.) de Marie Cosnay, je sens que l'on va encore avoir des reproches comme quoi ce n'est ni un livre de cuisine ni d'astronomie. Eh non, et c'est plutôt une histoire douloureuse qui est narrée. Celle de deux enfants juifs, Robert et Gérald Finaly, qui après la Libération en 1945, et après que leurs parents aient été déportés et exterminés à Auschwitz, sont exfiltrés vers l'Espagne. Les deux enfants, de confession juive et de second prénom Ruben et Guédalia, ont alors 4 et 3 ans, et ont déjà été déplacés de Grenoble. Ils doivent être transférés au Pays Basque par une tante, avant d'aller en Israël. S'ensuit un imbroglio juridique qui dure jusqu'en 1954 entre l' « Oeuvre de Secours aux Enfants » d'obédience juive, puis entre le Consistoire central et le Vatican, via l'Archevêque de Lyon et le régime de Franco en Espagne. Entre temps on a fait baptiser les gamins (on ne sait jamais). Voilà pour la partie historique, une bien belle histoire de sauvetage de deux âmes, qui n'y sont pour rien, et qui pourraient bouleverser les statistiques des entrants au Paradis. Il y a , selon le curé, « le danger des enleveurs qui veulent les prendre au Christ, les donner aux tueurs du Christ, les ravir, les kidnapper pour peupler Sion et casser des cailloux ». Décidément, on n'est pas loin des tsiganes voleurs de poules, qui ne dédaignaient pas non plus les petits enfants, les buveurs de sang juvénile lors de Brith Milah secrets, voire aussi les mêmes scènes dans les souterrains de Washington pour extraire l'adrénochrome (pas trop car cela se voit ensuite dans la teinte des yeux). Ah les si beaux textes de Wu Ming qui ont fait les beaux jours de l'ultragauche italienne et les belles après-midis de janvier de l'Altright.
Pour ce qui est des Perdrix, ou plutôt du Rocher des Perdrix, c'est un point de passage en Espagne, à proximité du village de Biriatou, juste à coté de l'autoroute qui via Irun va en Espagne. Lieu de passage du col d'Osin pendant les guerres au-dessus du lac de Xoldokogaina où paissent encore les pottoks, chevaux sauvages. Une montagne que connait bien le passeur Joseph Susperregui, à moins que ce ne soit José del Campo, dit Ttomo, le grand franchisseur, qui « a porté le plus jeune des enfants, d'abord sur son dos, puis sur les épaules ». Un enfant du pays, un vrai qui « était né près de la Bidassoa, il connaissait donc châtaigniers, jonc, poiriers et glissements de terrain à partir de Biriatou »
C'est tout une histoire de luttes d'influences, sur fond de peurs. Peur du communisme, du sionisme, des allemands encore proches à qui on a promis ou soumis tant de choses tues et enfouies. Peur entretenue par l'Eglise au nom du Christ et des tueurs de Christ avec encore tièdes « les cendres mêlées à Auschwitz à celles du monde qui finit ».
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L'Histoire telle qu'elle passe les frontières, revient et dresse des liens pour s'inscrire dans ses mensonges et ses clandestinités. Sur le ton de l'enquête, à la poursuite des entrecroisements et surtout des manques, Marie Cosnay emporte le lecteur à la frontière basque, là où les réseaux de Résistance ont laissé place à un criminel kidnapping. Comètes et Perdrix ausculte alors l'affaire Finaly, tous les échos que leur ultime fuite évoque, et trace in fine une histoire humaine, ambivalente, sans frontière.
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Citations et extraits (3) Ajouter une citation
Le psychiatre préféré de Franco, le Dr Vallejo, justifiait l'enlèvement d'enfants à leurs mères républicaines et à leurs pères républicains, puisque la république, le communisme et l'anarchisme, ça se transmet, comme la colère, de mère ou père en fils et filles.
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le danger des enleveurs qui veulent les prendre au Christ, les donner aux tueurs du Christ, les ravir, les kidnapper pour peupler Sion et casser des cailloux
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L’exil justifie l’exil, la dispersion la dispersion, on n’exile jamais, sous prétexte de les protéger, que des exilés
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Vidéo de Marie Cosnay
avec Marie Cosnay, Agnès Desarthe, Lucie Taïeb, Geneviève Brisac. Modération : Francesca Isidori.
Samedi 19 septembre 2020 / 16 h
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