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EAN : 9782882535290
176 pages
Wilquin (01/01/1900)
3.4/5   29 notes
Résumé :
Une famille est éclatée et enfermée dans le silence suite aux agissements du grand-père pendant l'Occupation, un Juif qui a travaillé pour la Gestapo. Des années plus tard, une longue enquête fait émerger la vérité et libère la parole de ce lourd héritage familial. Premier roman.
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Critiques, Analyses et Avis (27) Voir plus Ajouter une critique
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L'auteure, Dominique Costermans, a publié jusqu'à présent 8 recueils de nouvelles, 7 essais et une longue liste de nouvelles éparses. Ses essais s'adressent principalement aux enfants et portent des titres comme l'hôpital, le développement durable, l'environnement, l'aménagement du territoire etc. expliqué aux enfants. Elle a raflé 7 prix littéraires. "Outre-Mère" est le premier roman de cette écrivaine, née à Bruxelles en 1962.
C'est aussi le premier livre, qui est paru en 2017, que j'ai lu de ma compatriote dynamique.

La grande valeur de cette oeuvre réside dans l'approche de l'auteure des questions épineuses liées à la dernière guerre mondiale et qui confère à ce roman une dimension hautement littéraire.

Petit à petit, page par page, nous découvrons, ensemble avec son héroïne, la jeune Lucie van Dam, ce qui s'est passé au juste à différents membres de sa famille lors de ces sombres années de guerre et d'occupation.

Son grand-père, Charles Morgenstern, s'est-il porté volontaire pour le NSKK ("Nationalsozialistisches Kraftfahrkorps") ou le "Corps de transport" nazi en Allemagne ? Voilà, par exemple une énigme que notre Lucie essaie de résoudre.

Comme l'a noté l'éditeur Luc Wilquin sur la 4e page de couverture : "Le paradoxe de ce roman... c'est que le secret le plus crucial apparaît moins dans une révélation...que dans les moments anxieux, obstinés et rebondissants de son dévoilement tentaculaire".
Toute tentative de ma part, dès lors, de vouloir résumer cette histoire équivaudrait à un véritable crime.

S'il est vrai qu'au départ le lecteur pourrait se sentir un peu mal à l'aise avec une prolifération quasi inévitable de noms, prénoms et endroits, inhérent à cette façon de presenter une histoire, il convient de signaler que Dominique Costermans a eu l'amabilité de produire en fin de volume 2 petites annexes, à savoir : une liste des dates les plus importantes et un arbre généalogique des Morgenstern. Une aide évidemment très utile.

Ce qui m'a plu également c'est la façon de présenter le sort des Juifs, pratiquement à partir de leur expulsion de l'Espagne et du Portugal en 1492 (souvenez-vous de Spinoza) et leurs pérégrinations par Constantinople vers l'Europe de l'est, par petites touches ingénieusement placées çà et là. Donc, pas d'exposés historiques, mais au contraire, des petites phrases, comme à la page 30 : "Hélène Lambert est désormais une petite catholique cent pour cent casher".

Moi, qui me suis souvent plaint dans mes critiques de l'absence de traduction française d'ouvrages beaux ou intéressants, c'est maintenant les éditeurs néerlandais et flamands que j'invite à assurer au plus vite la traduction, dans ma langue maternelle, de "Outre-Mère", un livre qui le mérite royalement.

Je termine par une belle citation de ce roman : "La frontière est parfois mince entre ce qui fait qu'un homme devient un héros ou un traître" (page 64).
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Une fois n'est pas coutume, je commence cette chronique par un souvenir personnel. Au décès de mon père, mon frère aîné a voulu creuser la généalogie familiale. Il a parcouru les bureaux d'État-civil, enregistré des dizaines d'actes, interrogé les plus vieux avant de se heurter aux branches de l'arbre généalogique qui s'achevaient brusquement, faute de documents, faute de certitude. Avec l'arrivée des sites de généalogie en ligne, j'ai pris le relais et pu ainsi étoffer considérablement la base de données et trouvé quelquefois des connexions amusantes avec quelques célébrités. Mais j'ai surtout découvert une formidable façon d'étudier l'Histoire et la géographie ou encore la sociologie. Claude Lévi-Strauss avait bien raison de dire que « chercher ses racines, c'est au fond se chercher soi-même : qui suis-je ? Quels sont les ancêtres qui m'ont fait tel que je suis ? Des noms d'abord, des dates, quelques photos jaunies ou, avec plus de chance, un testament, une lettre. »
Aussi c'est avec un plaisir non-dissimulé que je me suis identifié à l'auteur dans sa quête et dans sa volonté de témoigner : « Pendant des années, j'ai accumulé les questions, les traces, les signes et les preuves. J'ai fréquenté les administrations, les archives, les palais de justice. J'ai envoyé des requêtes, interrogé des fichiers, rencontré des témoins. Pendant des années, j'ai pris des notes. le temps est venu de rassembler les fragments de cette histoire et de les articuler en un récit éclairant. »
Mais l'exercice n'a rien de facile, bien au contraire. Car pour la narratrice, il va falloir passer Outre-mère, pour reprendre le titre éclairant de ce récit qui est autant chargé de silences que de bruit et de fureur. Quand la petite Lucie découvre une image pieuse dans le missel de sa mère avec cette inscription : «Hélène Morgenstern, en souvenir de la première visite de Jésus dans mon coeur, le 30 mai 1946» et qu'elle demande qui est cette personne portant le même prénom que sa mère, on lui répond qu'il s'agit d'une amie de classe.
Lucie comprend très vite qu'on essaie de lui cacher quelque chose. Que poser des questions crée un malaise. « Ma mère use avec nous de ce procédé qui a muselé toute une génération après la guerre, celle des rescapés, celle des revenus de l'enfer, celle des enfants cachés, celle des survivants. de tous ceux qui tentaient de raconter leur épouvantable histoire et qu'on a fait taire d'un "Tu n'as pas à te plaindre; au moins, toi, tu es vivant". Ils avaient survécu, leur souffrance était inaudible: on les priva de parole. Ou ils se résignèrent d'eux-mêmes au silence. »
Sauf qu'ici, ce n'est pas la douleur qui empêche de parler, mais la noirceur des actions commises. Car il apparaît très vite que Charles Morgenstern, le grand-père, s'est enfui en Allemagne, condamné à la peine de mort par contumace l'année même où sa fille fait sa communion.
Bribe par bribe, les lourds secrets apparaissent. Les fils se tissent entre les différents membres de la famille. Très vite aussi les recherches vont scinder le clan entre ceux qui préfèrent ne rien savoir et ceux qui veulent comprendre. Il y a l'histoire de l'adoption de sa mère après la fuite de son père. Il y a ensuite la question de la religion et l'éventualité d'origines juives. Il y a les alliances et les origines des branches paternelles et maternelles. Il y a enfin les oncles et tantes et tous les descendants. Patiemment, l'auteur nous détaille son enquête : « Dans les caves de cette histoire dont personne ne m'a donné les clés, j'ai trouvé des cadavres et des monstres ; quelques trésors, aussi. J'ai trié, rangé, empaqueté, nettoyé les toiles d'araignée et chassé la poussière. »
On la suit tout au long d'un passionnant parcours, car elle ne nous cache rien de ses doutes, des éclats de voix qui émaillent certaines interrogations ou indignations, de la documentation qu'elle amasse, de sa volonté de comprendre combien « la frontière est parfois mince entre ce qui fait qu'un homme devient un héros ou un traître. Combien se sont retrouvés du côté des bons ou des méchants juste parce qu'ils avaient l'opportunité qui, en fin de compte, leur a ouvert le destin. »
Tout au long du livre, on admire ce cheminement toujours sur le fil du rasoir et on découvre derrière cette famille bruxelloise le destin de millions de personnes.
Lisez Dominique Costermans et vous comprendrez – pour peu que vous ne jugiez pas – le formidable paradoxe qui les unit toutes et sur lequel elles se sont construites : « oublie, n'oublie jamais. »
Mieux que des dizaines d'essais ou de documents historiques, ce roman nous apporte une preuve cinglante, parce qu'assumée jusque dans sa noirceur la plus extrême, du devoir de mémoire.

Lien : https://collectiondelivres.w..
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Mon dernier coup de coeur. Une enquête minutieuse menée par Lucie sur le passé de sa mère Hélène et surtout de son grand-père Charles, un passé dont les fêlures et les zones interdites pèsent douloureusement sur les générations suivantes. Le récit épouse les méandres des recherches de la narratrice, et évolue au gré des relations difficiles qu'elle entretient avec sa mère. Du grand-père juif, Charles Morgenstern, on sait peu de chose, si ce n'est qu'il a été condamné à mort par contumace pour "avoir, à Bruxelles et hors du Royaume, notamment en Allemagne, entre le 1er juin 1940 et le 8 mai 1945, porté les armes contre la Belgique, soit contre les Alliés de la Belgique (...), en accomplissant sciemment pour l'ennemi des tâches de combat, travail, transport, de surveillance". Au fil des patientes recherches de Lucie se dessine le portrait d'un homme dénué de sentiments pour autrui, multipliant les aventures et les rejetons au gré de ses pérégrinations dans l'Europe dévastée de l'après-guerre. Le puzzle se construit petit à petit, de manière souvent anarchique, au gré des trouvailles de Lucie, de ses hésitations, de son cheminement dans sa propre vie, et de ses relations complexes avec sa mère. Lorsque celle-ci, enfin, consent à lui donner les clés de son passé, comme une délivrance, le récit peut s'achever et les noeuds les plus serrés se défaire. Magnifique roman qui traite des secrets de famille, des silences qui meurtrissent et de la complexité des rapports mère-fille. Très beau, écriture simple, fluide, tout en délicatesse...
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Combien de familles souffrent de ces zones blanches, ces non-dits qui entourent certains de leurs membres au moment de la seconde guerre mondiale ? Suffisamment pour faire le sel de nombreux romanciers qui puisent là matière à récit poignant. Encore faut-il parvenir à faire d'une quête personnelle un témoignage universel.
Dominique Costermans y parvient avec brio et permet au lecteur une empathie presque immédiate avec Lucie face au silence de sa mère, Hélène sur tout ce qui touche à sa famille paternelle. Une mère qui refuse farouchement d'expliquer ce silence et c'est malgré elle que Lucie effectuera cette quête pour reconstituer tout un pan de ses racines, de ses origines sans lequel elle ne peut pas elle-même transmettre son histoire. D'où ce superbe titre, "Outre-mère".
Aux côtés de Lucie nous découvrons donc le passé et la vie de Charles Morgenstern, le père d'Hélène qui avait choisi le mauvais côté pendant la guerre, ça, nous le savons très vite. Mais ce n'est que le point de départ car il y a de nombreuses questions à élucider de nombreux morceaux à rassembler pour que le puzzle prenne forme et que l'histoire puisse enfin être racontée.
Ce premier roman est à classer aux côtés de celui de Séverine Werba, le très beau "Appartenir", "Le Carré des Allemands" de Jacques Richard ou encore plus récemment "Nous, les passeurs" de Marie Barraud. Des histoires différentes mais une même quête, ce besoin de savoir d'où l'on vient pour pouvoir continuer. La génération précédente était peut-être encore trop proche des événements, celle-ci (les petits-enfants) prend donc l'initiative avec peut-être le recul nécessaire pour cette plongée en apnée dans un passé qu'il s'agit avant tout de connaître et d'accepter comme un élément qui les constitue.
L'auteure nous offre un texte fort et poignant et apporte avec talent sa pierre à l'édifice de la nécessaire compréhension d'une époque.
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Dominique Costermans signe ici son premier roman, après avoir publié plusieurs recueils de nouvelles chez Luce Wilquin et chez Quadrature. Je découvre sa plume avec ce texte et il me faut avouer que je suis sous le charme...

J'adore le thème des secrets de famille : celui dont il est question ici, c'est l'engagement pro-nazi d'un Juif bruxellois dont la femme et les deux jeunes enfants ont lourdement payé le prix de son arrogance, c'est la "collection" de demi-soeurs et de cousins dont Charles Morgenstern a parsemé son chemin après la guerre, comme autant de souffrances et de mystères infligés à ses "proches". Celle qui dévoile petit à petit ces secrets, c'est Lucie la bien nommée, la fille d'Hélène (fille aînée de Charles).C'est le décès de la mère biologique d'Hélène qui entrouvre la porte du secret à Lucie, cela commence à mettre des mots, des formes sur un ressenti confus et oppressant depuis son enfance. A force de recherches, de patience, de questions, de rencontres avec les différents protagonistes, Lucie reconstitue les pièces du puzzle et réussit à faire parler sa mère, levant un tant soit peu le lourd fardeau que "l'auteur de ses jours" lui fait porter depuis si longtemps.

L'auteure donne la parole tantôt à Lucie, tantôt à un narrateur externe qui s'attache principalement à la jeune femme. le récit est aussi émaillé de passages en "vous", dans un registre judiciaire, directement adressés à Charles Morgenstern. Si l'on est un peu perdu dans sa lecture, un tableau généalogique (signalé dès le début du livre) permet de se repérer entre les personnages. Ainsi ce n'est pas tant l'histoire complète de ce collabo qui importe mais la manière dont le secret se révèle progressivement, les implications qu'il porte sur plusieurs générations (principalement féminines), le questionnement de Lucie face à la "nécessité" de coucher son histoire familiale par écrit. J'ai trouvé le ton de Dominique Costermans particulièrement juste, à la fois lucide et sensible. L'écriture fluide accompagne bien cette forme de résilience vécue par ses personnages.

Ce premier roman est particulièrement réussi.

Merci à Babelio et à l'éditeur pour l'envoi de ce livre.
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critiques presse (1)
Actualitte
15 février 2017
Dans son premier roman, Dominique Costermans envisage donc la reconstruction d’identités dispersées à travers le difficile et salutaire dévoilement des origines.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
C'est un rapport de forces chaque fois renégocié. D'un côté, Hélène et sa souffrance initiale, indicible, incommensurable. Hélène qui attire toute la lumière à elle. De l'autre, moi, et le refus systématique d'entrer dans l'orbite d'Hélène. Mais aussi mon obsessionnelle volonté de savoir.

Plus que mes lectures et mes recherches, c'est parfois une phrase sibylline, au détour d'une rencontre, qui débloque quelque chose. Cette semaine, quelqu'un m'a dit : "Le titre de père, ça se mérite." La petite phrase a fait son chemin en moi comme la goutte d'eau dans le calcaire. En début de soirée, j'ouvre mon ordinateur et je décide d'écrire à Hélène. Dans cette faille e ma propre conscience de sa souffrance, parce que ses larmes de ce matin m'ont touchée ; dans cette faille de l'histoire de cette Cléo de Mérode, qu'elle a bien voulu me livrer et qui, je le sais, a ouvert une porte et engage Hélène. Se glisser là-dedans avant que les portes se referment et que les ponts se relèvent. (p. 109)
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Je lis beaucoup de choses sur les enfants de survivants. Leur destin s'est construit sur une injonction paradoxale tacite: oublie, n'oublie jamais. Oublie, car être Juif, c'est mortel. N'oublie jamais, sinon ils sont morts pour rien. Les survivants, nos parents, ont choisi la stratégie du silence, quand elle ne leur a pas été imposée par la société. Toi, tu es en vie, tu as bien de la chance! Ça vous culpabilise un enfant jusqu'au mutisme, d'entendre ça. Dans ces familles, il n'y a plus ni religion ni culture, il n'y a plus de rituels. On a caché les albums de photos. On ne peut pas parler des disparus. On s'est fondu dans la masse, on s'est adapté. On survit.
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"Je sais que les secrets de famille se nourrissent dans l'ombre de nos inconscients, restreignant la part de liberté de ceux qui les subissent"
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Ma mère use avec nous de ce procédé qui a muselé toute une génération après la guerre, celle des rescapés, celle des revenus-de-l'enfer, celle des enfants cachés, celle des survivants. De tous ceux qui tentaient de raconter leur épouvantable histoire et qu'on a fait taire d'un "Tu n'as pas à te plaindre; au moins, toi, tu es vivant". Ils avaient survécu, leur souffrance était inaudible: on les priva de parole. Ou ils se résignèrent d'eux-mêmes au silence.
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Dans ces familles, il n'y a plus de religion ni de culture, il n'y a plus de rituels. On a caché les albums de photos. On ne peut pas parler des disparus. On s'est fondu dans la masse, on s'est adapté, on survit.
Mais les albums de photos sont restés à portée de main des enfants curieux, les silences et les non-dits prennent de la place, et ces enfants, qui aujourd'hui ont la cinquantaine ou plus, se sont construits sur un secret de plomb.
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