La fin du XIXe siècle est une période qui me fascine à plus d'un titre. A Paris, l'Exposition universelle célèbre le centième anniversaire de la Révolution, la tour Eiffel domine la ville, la médecine fait des progrès énormes dans divers domaines, la police scientifique s'épanouit, de grands artistes se produisent sur scène, l'impressionnisme vit ses heures de gloire, la littérature se porte bien, les Parisiens ont envie de s'amuser après la guerre franco-prussienne qui fut une vraie boucherie... Bref, ce roman de
Jacques Côté avait tout pour me plaire dès le départ.
Il nous raconte l'histoire de Georges Villeneuve, jeune médecin québécois, venu poursuivre ses études à Paris afin de se spécialiser en médecine psychiatrique. Un emploi l'attend à Montréal à son retour. Mais témoin de l'arrivée d'un malade intoxiqué à l'absinthe, il se voit confier par son chef de service, l'enquête qui permettra de l'identifier.
Nous avons affaire à une enquête dans le plus pur style policier mais
Jacques Côté l'enrichit de manière remarquable par une dimension historique d'une rare précision -celle de l'histoire des sciences. Il se base, pour ce faire, sur des faits réels : le séjour du docteur Villeneuve à Paris, stagiaire à Sainte-Anne sous la direction du célèbre aliéniste Valentin Magnan qui oeuvre à l'humanisation des soins apportés aux malades mentaux, suivant en cela les traces de son prédécesseur
Philippe Pinel. Les premiers pas de la psychiatrie moderne nous sont relatés par le menu sans que cela ne soit pesant ou n'alourdisse le récit.
Amené à déambuler dans Paris, pour les besoins de l'enquête, Georges Villeneuve nous raconte aussi ses découvertes, ses sensations et ses observations de cette ville en pleine modernisation. Nous assistons à la rénovation du Moulin Rouge qui deviendra bientôt un cabaret, à la fin des travaux haussmanniens, au projet de création d'un réseau d'égouttage digne de ce nom... mais aussi à la relation des amitiés franco-canadiennes et de la rigidité des moeurs des autorités québécoises dont les hôpitaux sont presqu'entièrement aux mains des congrégations religieuses et du clergé.
Tous les médecins cités, de Magnan à Gilles de la Tourette, ont existé ; les faits décrits (médicaux et judiciaires) sont presqu'entièrement vrais et la fiction colle parfaitement à l'Histoire.
Le récit est passionnant et haletant, les descriptions faisant appel aux cinq sens sont riches et l'atmosphère grouillante de ce Paris de 1889 est parfaitement rendue grâce à l'écriture précise et fluide de
Jacques Côté. (On y retrouve un peu de l'ambiance des romans de
Claude Izner, pour ceux qui connaissent.)
Ce policier historique passionnant est à lire absolument. J'ai d'ailleurs hâte de découvrir la suite des aventures de ce sympathique aliéniste.