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Critique de Charybde2


Par l'auteur béninois contemporain, à la verve, l'humour et la dureté exceptionnelles !

Jeune écrivain béninois, Florent Couao-Zotti publie ce recueil de nouvelles en 2000. le Serpent à Plumes écrivant souvent de pertinentes quatrièmes de couverture, la voici : "Florent Couao-Zotti est un visionnaire, et ses yeux innombrables fouillent avec méticulosité la ville africaine et sa folie dantesque. L'amour y est infini et commande aux hommes les plus grandes déraisons, à l'image de leurs immenses peines. Dans ses nouvelles, voler, tuer, souffrir est le quotidien de cette humanité, un quotidien dont parlent entre eux les égouts et les fleuves, les rues et les décharges, ainsi que les poètes. Mais au pays du vaudou et de la magie, des hommes se lèvent, invincibles, et le rire demeure, en dépit de tout, la première des forces."

"Alors, la panique a pris possession de mon corps et je suis parti loin, très loin. Sur le chemin de l'exil. Et que peut-on essuyer sur ces pistes ingrates ? L'odeur des hommes arqués sur leur destin et des zombies affaissés dans la fange du désespoir. J'ai vécu avec une horde de clochards. Un visage d'ange m'était apparu. Mais les anges échappent parfois au portrait conventionnel. C'était une femme à la folie douce, à l'intelligence délirante. Pour entretenir le ventre du groupe, elle allait vendre, dans le bivouac à proximité du chantier de la nouvelle autoroute, le sucré de son corps. Et ils étaient nombreux, les ouvriers, à acheter à son guichet. Mais l'ange avait pour moi des douceurs et des faveurs. Elle me comblait de tant de gratuités que les autres se hérissèrent en crocs de tigres jaloux. Un jour qu'elle était loin de notre gîte, ils me séquestrèrent, me fagotèrent, abusèrent farouchement de mon corps. Et ce fut l'exil bis." (in "Ci-gît ma passion").

"Le soir, dans les bas quartiers de la ville, on raconte que le fou s'en est allé. Il s'en est allé chez les ancêtres avec son enfant, dégoûté de la vie cramoisie qu'on mène ici-bas. quelqu'un - il y en a toujours en la circonstance - l'aperçoit en ombre frêle et pâlotte s'évanouir dans la chair de la nuit. Sa bouche aurait même laissé tomber cette phrase remplie de prophétie qui entaille encore la conscience des gens du pays : "Je reviendrai vous délivrer de la mauvaise foi des hommes"." (in "L'homme dit fou et la mauvaise foi des hommes").

"Malgré les pétarades des moteurs de la rue proche, malgré la vague de murmures assourdissants du marché, les voix s'étaient ordonnées, crues, coupantes, brûlantes, puis avaient tout crevé, avant de retomber à saute-mouton, sur la foule. La foule des marchands et des clients qui, aussitôt, reprirent le même refrain ; mais, cette fois-ci, avec une dose multiple d'inquiétude, de surexcitation. L'alerte maximum : "Olé ! Olé ! Au voleur ! Au voleur !" Des doigts, de partout, convergèrent vers un point, vers une petite boule faite de membres menus, des jambes grêles comme coupées dans du bambou, un enfant, un enfant ! "Olé ! Olé ! Arrêtez-le !" Il tapait au sol comme une balle de tennis, il courait, sautait par-dessus les obstacles, bousculait les marchandes et les clients, piétinait tout ce que ses petites tiges de jambes ne pouvaient éviter. Il courait. Il vitessait. Ah, la flèche intrépide !" (in "Petits enfers de coins de rues").

Plongée dans une terrible dureté en effet, celle d'un Cotonou souvent invisible au voyageur occasionnel, mais avec une hilarité permanente, qui crée un recueil éblouissant, rappelant parfois les minutieuses envolées d'un Jean-Marc Agrati - surtout dans ses nouvelles "africaines".
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