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EAN : 9782070329519
336 pages
Gallimard (09/02/2006)
3.92/5   228 notes
Résumé :
"À cette heure précise où les buses s'installent autour de la piscine, les parachutistes français, dans leurs transats de résine, se donnent des airs de Rambo, des coopérants québécois rivalisent de rires bruyants avec des coopérants belges. En ce dimanche tranquille, un ancien ministre de la justice se livre à d'intenses exercices d'échauffement sur le tremplin, quelques carcasses rondouillettes ou faméliques troublent l'eau, et Valcourt, qui note ces observations,... >Voir plus
Que lire après Un dimanche à la piscine à KigaliVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (26) Voir plus Ajouter une critique
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La piscine des Mille-Collines à Kigali rassemble « les coopérants internationaux, les bourgeois rwandais, les expatriés retors ou tristes et les prostituées. ». Peut-être tout ce monde -là essaie de croire que le pays est en paix, et pourtant, dans les maisons en briques rouges emplies de sidéens et de paludéens s'annonce une tragédie. Gil Courtemanche, par les yeux de son protagoniste Bernard Valcourt, journaliste canadien, observe l'humanité bruyante, menteuse, essayant de s'étourdir, et même en proie au rut, comme si la présence de la mort exaspérait le désir sexuel.
Très documenté, complètement véridique, et cynique aussi, n'éludant pas les détails qui fâchent, dont le récit du génocide qui peu à peu gronde avec la haine véhiculée par la Radio des Mille-Collines, les phrases assassines sur les « cafards » que les Hutus doivent exterminer, les petites compromissions des uns et des autres, et, en toile de fond, le sida, qui tue avant que le génocide ne le fasse.
Il cite le cas d'un jeune diplomate coincé, dont la femme attend l'enfant d'un autre, malheureusement sidéen : il se retrouve père, cocu, et plus, sans rien comprendre.

Les Tutsis viennent du Nord, d'Égypte ou d'Éthiopie, leur peau est claire et la finesse de leurs membres leur donnent la noblesse, attestant de leur lointaine parenté avec des peuples civilisés. Ce sont des seigneurs.
Les Hutus sont des paysans, aux traits négroïdes, et élevés dans la dissimulation de leur haine envers les Tutsis. Ils gagnent peu à peu du terrain, volent, tuent, massacrent, violent, et font même plus que tuer : ils laissent en proie aux fourmis et aux vautours des Tutsis démembrés, dépecés et toujours vivants. L'un le clame comme un drapeau :
« Nous allons tuer dans un grand excès de folie, de bière, dans un déferlement de haine et de mépris qui dépasse la capacité de comprendre. »
Le génocide éclatera à un moment, tout en étant préparé par de multiples meurtres le précédant, racontés chacun en détail, et rendant impossible le témoignage, vu les concussions diverses des diplomates, responsables et même bonnes soeurs qui recueillent des bébés orphelins pour les revendre.
Contrairement à la radio des Mille- Collines, aux mains des génocidaires, l'hôtel des Mille-collines sera le refuge des Tutsis en fuite, la piscine sera bue intégralement par les survivants.
On comprend bien qu'être correspondant d'une guerre larvée place Valcourt en face d'une humanité déchainée, dans les deuils successifs qu'il doit faire en voyant des innocents se faire, au coin des rues, massacrer. Il voit aussi que ses essais de dire la vérité se heurte à toute la diplomatie mensongère, valorisant l'amitié entre les peuples pour occulter les horreurs commises.
On comprend bien aussi l'appétit de vivre lorsque la mort est omniprésente.
Pourtant, le parti-pris de traiter surtout le côté sexuel, malgré l'histoire d'amour autour de la piscine de l'hôtel, m'a pas mal gênée. Valcourt avoue à la femme qu'il aime que c'est en voyant ses seins et ses fesses qu'il a été séduit.
Deux étoiles de moins, parce que je ne crois pas qu'une telle déclaration puisse séduire aucune femme.
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Pourquoi ?
Pourquoi me suis je imposé cette lecture ?
Je connais le génocide rwandais, j'ai lu une dizaine de romans dessus, alors pourquoi ?
Je ne sais pas . Toujours est-il que l'éclairage est un peu différent ici. On est entre le roman et le reportage car les personnages ne sont pas fictifs. Le livre se lit comme un roman, l'auteur a été correspondant pour radio Canada en Afrique et s'est appuyé sur son expérience au Rwanda.
A travers un journaliste (ou diplomate , ce que l'on veut) canadien , Bernard, on va vivre la montée vers l'inexorable purge.
C'est ce qui rend ce roman singulier. Le 6 avril 94 y est traité mais c'est toute la partie en amont qui donne de la singularité à l'ouvrage.
A travers ses personnages, l'auteur montre d'une part comment est constitué la société rwandaise : Hutu, Tutsie ... Il le fait à travers la famille de Gentille dont les ancêtres ont tout fait pour s'adapter au goût des dominants. Ce passage résume à lui seul dix livres d'histoire. Au Rwanda, on est de l'ethnie de son mari et sur sa carte d'identité , avant d'être Rwandais, on est Hutu ou Tutsie.
Il montre l'ingérence des colonisateurs qui avaient fait des Tutsies leurs favoris.
Il montre comment les Tutsies, après l'indépendance, ont commencé à être massacrés, dès les années soixante, et comment cette ethnie s'est reconstituée dans les pays limitrophes, abandonnant leur français natal pour l'anglais par exemple et montant une armée bien plus efficace que celle du Rwanda que Mitterand et ses potes entrainaient et équipaient de grenades. il ne faut pas trop le dire , laissons le saint homme reposer en paix.
Ce livre, extrêmement dur parce que vrai, stigmatise à travers le héro mais aussi une infirmière canadienne revenue de tout la nullité des Nations Unies, de la diplomatie, des blancs . Le parallèle avec l'éclairage fait à l'Éthiopie en 84 lors de la grande famine et la dissimulation de la situation au Rwanda est poignant et renvoie l'occident à son hypocrisie honteuse et infamante.
Ce livre, c'est aussi un bout d'Afrique, ses couleurs , son goût pour le sexe, son état d'esprit.
Cette piscine à Kigali est sans doute un grand livre . Cette piscine qui symbolise le monde des nantis avant le génocide et qui sera le dernier refuge durant les exactions.
C'est pour moi cependant le livre de trop . Trop d'horreurs, trop de dégout devant les vérités assénées, trop de tristesse, trop de sexe gratuit, trop de viols , de mutilation indicible, trop de sida. Beaucoup d'amour aussi, de philosophie, un peu d'espoir...mais si peu.
Pourtant, si je n'avais dû lire qu'un livre sur le Rwanda, celui là aurait sans doute été celui qui m'aurait le plus marqué , le plus éclairé sur le rôle de chacun.

PS : il me semble que ce livre a été adapté au cinéma , un dimanche à Kigali.
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Bernard Valcourt est un journaliste québécois expatrié au Rwanda pour y monter un service de télévision libre.
C'est un homme qui est revenu de tout, il a couvert la famine en Ethiopie, la guerre au Liban, il a connu quelques échecs sentimentaux et c'est d'un oeil à la fois lointain et critique qu'il observe les expatriés se réunissant au bord de la piscine de l'hôtel des Mille Collines à Kigali.
Il observe et il n'en pense pas moins, et il suit du regard la belle et douce Gentille qui porte à ravir son prénom.
Gentille a le physique d'une Tutsie alors qu'elle est Hutue, et dans le Rwanda de 1994 il ne fait pas bon être ou ressembler à une Tutsie, car le grand massacre se prépare, la Radio des Mille Collines a commencé depuis des mois à appeler aux massacres des Tutsis, des "cafards" comme ils les appellent ou encore des "grands arbres", la haine a été exacerbée et portée à son paroxysme.
Tous les Rwandais le sentent et le savent, une extermination de grande ampleur se prépare : "Ici, nous allons tuer dans un grand excès de folie, de bière, de mari, dans un déferlement de haine et de mépris qui dépasse ta capacité de comprendre, et la mienne aussi. Je dis "nous" parce que je suis rwandais et parce que les Tutsis le feront aussi quand ils en auront l'occasion. Je dis "nous" parce que nous sommes tous devenus fous.", la Communauté Internationale est alertée mais elle va commettre l'une de ses plus grandes fautes : celle de choisir de ne pas voir, de ne pas entendre, d'ignorer et de minimiser ce qui va se passer au Rwanda.
C'est dans ce climat de tension que Valcourt et Gentille vont s'aimer, tel des Roméo et Juliette africains, en gardant toujours à l'esprit le côté dramatique de leur relation : "Chaque moment qu'on vole à la peur est un paradis.".

Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas reçu une claque littéraire, ce livre en est une.
En y regardant de plus près, peu de livres traitent du génocide au Rwanda en 1994 : trop proche ou bien parce que les français, les canadiens, les américains, le monde en général a mauvaise conscience d'avoir choisi de fermer les yeux sur le massacre qui se préparait plutôt que de l'enrayer ?
Sans doute un peu de tout cela, et avec ce premier roman, l'écrivain québécois francophone et journaliste Gil Courtemanche a frappé fort.
Pour comprendre comment ce pays en est arrivé à une telle situation, il faut revenir au début du 20ème siècle, retourner à l'époque où les Tutsis étaient majoritaires et dominaient les Hutus, puis à la domination Belge qui a discrédité les Tutsis et portés les Hutus au pouvoir.
Tutsis, Hutus, deux mots pour classifier des personnes selon leur origine ethnique, jusqu'à en oublier qu'ils étaient tous Rwandais, tout simplement.
Ce roman a le mérite de présenter de façon claire et précise les origines du génocide, en donnant la parole à des Rwandais clairvoyants sur la situation de leur pays et sur la folie dans laquelle il est en train de basculer : "Ici, les rumeurs tuent. Ensuite, on les vérifie.".
Il a également le mérite de dresser le portrait sans concession d'un pays meurtri par les guerres civiles, la pauvreté et le SIDA qui ravage la population, en mettant en exergue les croyances africaines qui rendent la tâche encore plus compliquée aux médecins et aux infirmières pour faire passer les messages de prévention et les bons gestes à adopter.
Ce qui fait toute la puissance de ce roman, c'est qu'hormis le personnage de Valcourt, encore que dans une certaine mesure il représente en partie Gil Courtemanche ayant lui-même été correspondant en Afrique, toutes les personnes nommées et tous les événements ont réellement eu lieu, hormis l'histoire d'amour avec Gentille.
Ce n'en est que plus effrayant quand à la lecture on a l'impression d'être face à une bombe amorcée et que le décompte avant l'explosion a déjà commencé.
Ce roman ne brille pas par une plume extraordinaire et inoubliable, j'ai clairement délaissé la forme, somme toute banale et sans surprise, pour le fond et je me suis laissée prendre par le destin de toutes ces personnes.
Gil Courtemanche est très critique vis-à-vis de la position internationale et se positionne comme un Africain plus que comme un Occidental, c'est ce qui contribue sans doute à rendre cette histoire si proche du lecteur, en ne se contentant pas de s'arrêter au génocide mais en évoquant également l'après : la vie qui reprend, un peuple qui se reconstruit, panse ses plaies, pardonne et fonde un espoir dans l'avenir : "Si l'on veut continuer à vivre, pensait Valcourt en longeant le marché qui reprenait ses anciennes couleurs, il faut croire à des choses aussi simples et évidentes : frères, soeurs, amis, voisins, espoir, respect, solidarité.".
A titre personnel, jusqu'à il y a quelques années je ne savais que peu de choses sur ce génocide, d'autant que j'étais jeune en 1994 (ceci n'étant pas complètement une excuse puisque des enfants du même âge que moi étaient massacrés à cette époque) : j'en gardais des images atroces de cadavres sur les routes, de crânes, et le souvenir de l'épidémie de choléra qui s'était déclenchée dans les camps de réfugiés (j'en avais même rêvé la nuit) ainsi que le mot de "machette" dont je n'avais qu'une vague idée de ce que cela était.
Aujourd'hui je suis un peu moins ignorante sur le sujet et je ne peux que me rendre compte de toute l'horreur que cela a été, et de me poser de nombreuses questions dont : pourquoi rien n'a-t-il été fait ? Pourquoi le monde a choisi de fermer les yeux plutôt que d'agir ? Ce n'est pas comme si c'était la première fois que cela arrivait, j'ai d'ailleurs apprécié à la lecture de ce roman les parallèles qui sont faits par les Africains eux-mêmes de cette extermination massive qui se prépare par rapport à celle des Juifs durant la Seconde Guerre Mondiale.
En 1994, les machettes ont remplacé les chambres à gaz et les crématoires, puisque l'Humain semble incapable de stopper l'impensable, la question pourrait presque se poser de savoir ce que sera le prochain massacre de masse, quand et comment sera-t-il organisé.

"Un dimanche à la piscine à Kigali" est un roman fort et difficile de Gil Courtemanche et offre une vision d'ensemble du génocide Rwandais glaciale dans toute son étendue et son horreur, à lire absolument pour éveiller les consciences et ne jamais oublier.
Il me tarde désormais de voir l'adaptation cinématographique faite de ce roman.
Lien : http://lemondedemissg.blogsp..
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Un roman dans lequel plusieurs personnages sont réels, certains portent leur vrai nom. Un roman, mais aussi un livre témoignage sur le génocide au Rwanda, cette étape meurtrière de l'histoire de ce pays. Un récit touchant, où l'horreur et l'amour se cotoient, où la mort devient parfois un moindre mal, une porte de sortie, une façon de sauver les siens. Un roman qui se lit d'un seul trait, mais qui nous laisse dans une bouffé d'émotion.
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J'ai apprécié le roman parce qu'il plonge le lecteur dans l'histoire et la réalité rwandaise de cette période et permet de mieux les saisir qu'un simple récit historique l'aurait fait.
Le livre introduit un peu de contexte historique et contient assez de descriptions de Rwanda pour faire comprendre l'envoûtement de l'auteur pour ce pays.

Courtemanche est très critique par rapport au rôle joué par des pays développés, diverses agences de développement et les Nations Unis et il décrit plusieurs « blancs » hauts placés avec beaucoup de cynisme. Autant ses reproches concernant l'inaction et la complicité des pays développés me semblaient bien fondés, autant ces remarques que ces pays étaient les « vrais tueurs » me semblaient exagérés.



L'écriture, en général, était correcte bien que certains discours que l'auteur prêtait aux personnages semblaient parfois trop pompeux et moralisateurs pour être naturels.
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critiques presse (1)
Chatelaine
02 juillet 2014
Fondée en 1907, capitale du Rwanda depuis 1962, Kigali est « la ville aux mille collines », décrite de façon somptueuse par l’auteur.
Lire la critique sur le site : Chatelaine
Citations et extraits (73) Voir plus Ajouter une citation
Nous pouvons tous nous transformer en assassins, avait toujours soutenu Valcourt, même l'être le plus pacifique et le plus généreux. Il suffit de quelques circonstances, d'un déclic, d'une faillite, d'un patient conditionnement, d'une colère, d'une déception. Le prédateur préhistorique, le guerrier primitif vivent encore sous les vernis successifs que la civilisation a appliqué sur l'humain. Chacun possède dans ses gènes tous le Bien et tout le Mal de l'humanité. L'un et l'autre peuvent toujours surgir comme une tornade apparait et détruit tout, là où quelques minutes auparavant ne soufflaient que des brises chaudes et douces.
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À cette heure précise où les buses s’installent autour de
la piscine, les parachutistes français, dans leurs transats de
résine, se donnent des airs de Rambo. Ils reniflent toutes
les chairs féminines qui s’ébattent dans l’eau puant le
chlore. La fraîcheur importe peu. Il y a du vautour dans ces
militaires au crâne rasé à l’affût au bord d’une piscine qui
est le centre de l’étal, là où s’exhibent les morceaux les plus
rouges et les plus persillés, autant que les flasques et les
maigres bouts de chair féminine dont l’unique distraction
est ce plan d’eau. Dans la piscine, le dimanche et tous les
jours vers cinq heures, quelques carcasses rondouillettes
ou faméliques troublent l’eau sans se douter que les paras
n’ont peur ni de la cellulite ni de la peau que seule l’habitude
retient aux os. Si elles savaient quel danger les
menace, elles se noieraient d’extase anticipée ou entreraient
au couvent.
En ce dimanche tranquille, un ancien ministre de la
Justice se livre à d’intenses exercices d’échauffement sur le
tremplin. Bien sûr, il ignore que ces amples moulinets font
glousser les deux prostituées dont il attend un signe de
reconnaissance ou d’intérêt pour se jeter à l’eau. Il veut
séduire car il ne veut pas payer. Il percute l’eau comme un
bouffon désarticulé. Les filles rient. Les paras aussi.
Autour de la piscine, des coopérants québécois rivalisent
de rires bruyants avec des coopérants belges. Ce ne
sont pas des amis ni des collègues, même s’ils poursuivent
le même but: le développement, mot magique qui habille
noblement les meilleures ou les plus inutiles intentions. Ce
sont des rivaux qui expliquent à leurs interlocuteurs
locaux que leur forme de développement est meilleure
que celle des autres. Ils ne s’entendent finalement que
sur le vacarme qu’ils créent. Il faudrait bien inventer un
mot pour ces Blancs qui parlent, rient et boivent pour que
la piscine prenne conscience de leur importance, non,
même pas, de leur anodine existence. Choisissons le mot
«bruyance», parce qu’il y a du bruit, mais aussi l’idée de
continuité dans le bruit, l’idée d’un état permanent, d’un
croassement éternel. Ces gens, dans ce pays timide, réservé
et souvent menteur, vivent en état de bruyance, comme
des animaux bruyants. Ils vivent également en état de rut.

Le bruit est leur respiration, le silence est leur mort, et le
cul des Rwandaises, leur territoire d’exploration. Ce sont
des explorateurs bruyants du tiers-cul. Seuls les Allemands,
quand ils descendent en force sur l’hôtel comme
un bataillon de comptables moralisateurs, peuvent rivaliser
de bruyance avec les Belges et les Québécois. Les Français
d’importance ne fréquentent pas cet hôtel. Ils se barricadent
au Méridien avec les hauts gradés rwandais et
avec les putes propres qui sirotent du whisky. À l’hôtel, les
putes sont rarement propres. Elles boivent du Pepsi en
attendant qu’on les choisisse et qu’on leur offre de la bière
locale, ce qui leur permettra peut-être de se voir offrir plus
tard un whisky ou une vodka. Mais, en femmes réalistes,
elles se contentent aujourd’hui d’un Pepsi et d’un client.
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Les gens possèdent un peu l'âme de leur paysage et de leur climat. Ceux de la mer sont comme les courants et les marées. Ils vont et viennent, découvrent de multiples rivages. Leurs paroles et leurs amours imitent l'eau qui glisse entre les doigts et ne se fixent jamais. Les gens de la montagne se sont battus contre elle pour s'y installer. Une fois qu'ils l'ont conquise, ils la protègent, et celui qu'ils voient venir de loin dans la vallée risque bien d'être l'ennemi. Les gens de la colline s'observent longuement avant de se saluer. Ils s'étudient puis s'apprivoisent lentement, mais une fois la garde baissée ou la parole donnée, ils demeurent solides comme leur montagne dans leur engagement.
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Autour de la piscine, on discute de deux sujets importants.
Les Blancs consultent la liste des fromages et inscrivent
leur nom sur le feuillet de réservation. On viendra
même du parc des Gorilles à la frontière du Zaïre pour
déguster le traditionnel buffet de fromages français, dont
la première pointe sera coupée par l’ambassadeur luimême.
Aux tables occupées par des Rwandais, en majorité
des Tutsis ou des Hutus de l’opposition, on a baissé le ton.
On parle de la maladie du président considérée déjà
comme un fait avéré, et de la date probable de sa mort et
de sa succession. André, qui distribue des capotes pour
une ONG canadienne et qui à ce titre est un expert en
matière de sida, calcule fébrilement. D’après la rumeur, il
baiserait depuis trois ans avec sa secrétaire. S’il a été assidu
et que le mari de sa secrétaire ait déjà le sida et que les
dieux soient avec nous, le président Juvénal en a pour au
plus un an. On applaudit à tout rompre. Seul Léo, un Hutu
qui se dit modéré pour pouvoir baiser la soeur de Raphaël,
seul Léo n’applaudit pas. Léo est journaliste à la télévision
qui n’existe toujours pas et que Valcourt devait mettre sur
pied. Léo n’est pas modéré, c’est seulement qu’il bande
pour Immaculée. Léo, même s’il vient du Nord, la région
natale du président, est devenu récemment membre du
PSD, le parti du Sud. Au bar de la piscine, ce geste courageux
en a impressionné plus d’un et Léo pavoise. Il faut
préciser que la seule pensée de pouvoir dévêtir Immaculée
donnerait des convictions à plus d’un pleutre. Mais Léo est
aussi tutsi par sa mère. Léo, dans la tourmente naissante,
cherche le camp qui sauvera sa petite personne et lui permettra
de réaliser son rêve: devenir journaliste au Canada.
Les Rwandais sont gens de façade. Ils manient la dissimulation
et l’ambiguïté avec une habileté redoutable. Léo est
une caricature de tout cela. Il est absolument double. Père
hutu, mère tutsie. Corps tutsi, coeur hutu. Carte du PSD et
rédacteur des discours de Léon, l’idéologue extrémiste
hutu, dit l’Épurateur, ou le Lion Vengeur. Discours de colline,
vêtements du 6e arrondissement. Peau de Noir, rêves
de Blanc. Heureusement, pense Valcourt, Immaculée
n’entretient que mépris et dédain pour Léo qui s’escrime
en fleurs et en chocolats.
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Tutsis et juifs, même destin. Le monde avait connu l'Holocauste scientifique, froid, technologique, chef d'oeuvre terrifiant d'efficacité et d'organisation. Monstre de la civilisation occidentale. Péché originel des Blancs. Ici, ce serait l'Holocauste barbare, le cataclysme des pauvres, le triomphe de la machette et de la massue.
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Vidéo de Gil Courtemanche
En 2001, Gil Courtemanche, auteur du roman «Un dimanche à la piscine à Kigali»
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