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EAN : 9782367321233
167 pages
Editions Chandeigne (22/09/2016)
4.2/5   10 notes
Résumé :
Comme dans le Fil des missangas, Chandeigne 2010, Histoires rêvérées, de très courtes nouvelles dressent le tableau d’une humanité vent debout. Un grand-père enseigne à son petit-fils à voir l’ailleurs. Une petite fille, ne pouvant se résoudre à abandonner son père au milieu des bombes, se transforme en fleur. Un aveugle, dont le guide est mort à la guerre, nous montre le chemin. Le vieux Felizbento qui, en pleine guerre, refuse de quitter sa maison et qui ne partir... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Avant tout, je souhaite remercier Babelio et les éditions Chandeigne qui ont eu l'excellente idée de permettre aux lecteurs francophones de découvrir "Histoires révérées", un recueil de 26 nouvelles datant de 1994, du Mozambicain Mia Couto. de même, il faut je pense saluer la traduction d'Elisabeth Monteiro Rodrigues, prête à suivre l'écrivain poète scientifique et enseignant dans ses images, symboles, mots-valises et néologismes.

J'ai découvert Mia Couto il y a 3 ans, avec L'accordeur de silences. Depuis, je ne cesse de revenir régulièrement à ses écrits traduits en français (il n'y en a pas tant que ça). Histoires révérées est le premier recueil de nouvelles que je lis de cet auteur (mon prochain achat sera surement "Le fil des missangas"), et comme chacune de ses oeuvres, j'en sors enchantée, "emmerveillée", le coeur ému et le sourire aux lèvres.
On trouve sur internet beaucoup d'articles qui parlent de la "technique" d'écrivain de Mia Couto ; c'est vrai que ses mots valises sont toujours savoureux, comme les adjectifs "contemplinactif" ou "splendouloureux", ou les verbes "bienvenuer" ou "s'airphyxier". Après tout, Mia Couto est poète. On parle aussi régulièrement de sa faculté à écrire l'oralité (oui je sais, c'est bizarre comme expression), et c'est vrai que ses récits font la part belle à la culture orale, aux mythes ancestraux, à la filiation des enseignements, aux proverbes de villages qui n'existent que dans ces livres.
Je crois que ce qui me plait le plus dans les livres de Mia Couto, c'est qu'ils font appel à des symboles, qui par essence sont universels et touchent aux émotions (en tout cas, ils m'émeuvent). Par exemple, ils peuvent avoir tout bêtement une portée, une interprétation, symboliques, comme dans la cynique nouvelle "La guerre des clowns". Ils peuvent se situer au carrefour de la réalité et du mythe ou du rêve (ou du "fantastique"), et il est parfois nécessaire que, pour comprendre l'histoire "dans la réalité", il soit indispensable de faire un tour dans le monde "intér-ailleurs" (oui, je ne suis pas très douée pour les mots valises, mais je m'entraine!), comme dans la magnifique nouvelle "Les eaux du temps", qui ouvre le recueil. Ils peuvent aussi utiliser tels que des symboles, comme dans la très amusante "La vieille avalée par la pierre" ou le fait réel (puisque publié dans le journal !) "Les pleurs de cocotier". Ils peuvent aussi nous amener à changer, le temps de quelques pages, notre regard sur le monde. Parce que parfois, voyez-vous, les aveugles discernent mieux la réalité que les voyants et que les sourds entendent mieux que les "entendants" (tout cela nous est raconté dans "L'aveugle Estrelinho" et dans "Le prêtre sourd", qui n'est pas plus prêtre que vous et moi !). Et puis aussi, ces récits sont symboliques parce qu'ils sont universels, qu'ils évoquent des choses que nous connaissons ou avons tous connu ("Le parfum", sans doute une de mes préférées, avec "La vieille avalée par la pierre" et "Le couchant du drapeau"), qu'on habite le Mozambique ou la France, que l'on soit blanc ou noir, que l'on écrive ou que l'on parle.

Rédigées juste après la guerre civile qui a ravagé le Mozambique pendant quinze ans, on retrouvera dans ce recueil des thèmes chers à l'auteur : les dommages de la guerre, la fascination et l'oppression des femmes, l'inutilité des casques bleus, l'importance des filiations, le caractère sacré des relations vraies... Encore une fois, j'ai été sous le charme de cet écrivain aux milles facettes et facéties, qui écrit sur les drames et le bonheur (et même sur les messieurs qui calculent le bonheur !), l'amour et la mort, le visible et l'invisible, la réalité et le rêve, toujours avec humour, poésie, tendresse, parfois un peu d'ironie, énormément d'humanité et d'humilité.
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Découverte d'un auteur, d'un style, d'un univers.
« Histoires rêvérées », ou l'art d'inviter le lecteur dans des tranches de vies, de rêves, dans un espace de l'entre-deux. On saluera d'emblée le travail extraordinaire d'Elisabeth Monteiro Rodrigues, qui veille à traduire en français le plaisir des mots, la volonté de bousculer la langue de Mia Couto, auteur du Mozambique d'expression portugaise. de néologismes en mots-valises (comme l'annonce le titre), s'invente un monde où s'entrecroisent les significations, pour faire naître une dimension tantôt humoristique tantôt poétique. Chaque nouvelle nous invite à entrer dans l'intime d'un personnage au nom évocateur (Félizbento, Jorojoao, Nonzinha…), dans ses fantasmatiques fantastiques pensées, expériences, souvenirs. de la petite fille qui devient fleur à l'homme qui boit le temps, nous parcourons la vie, le regard traversé par le filtre de l'imaginaire où tout est possible. Si toutes ces histoires s'enracinent dans un cadre plutôt réaliste, très vite mais subrepticement, elles s'en distancient pour laisser se déployer la pleine liberté (folie ?) du romancier. Mia Couto ouvre d'ailleurs l'une d'elles par ces mots : « Toute histoire se veut feindre vérité. Mais le mot est une volute trop légère pour s'attacher à la réalité présente. Toute vérité brûle d'être histoire. Les faits rêvent d'être mot, parfum fuyant le monde ».
Une deuxième lecture nous invite à y lire des symboles, à nous interroger sur le sens de la vie, sans pour autant oublier de sourire devant les situations incongrues parfois racontées. Nous pénétrons dans la société par la porte des légendes, celle du rêve, où se mêlent le tragique et l'humour. Une de ces nouvelles, « La guerre des clowns », me semble assez puissante sur ce point, et parvient à susciter, par ce mélange, une prise de conscience de l'absurde. Vous l'avez compris, j'ai beaucoup apprécié ce recueil de nouvelles, à la fois pour son écriture unique en son genre et pour l'univers dans lequel il nous convie. Merci, donc à l'opération Masse Critique, ainsi qu'à l'éditeur, pour cet envoi.
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Exercice difficile que de parler sur ces 26 nouvelles du très grand écrivain qu'est Mia Couto...

Difficile car l'auteur touche ici à l'émotion la plus intime, qu'il suscite à petites touches, par des glissements de sens, des nuances parfois infimes suscitées (entre autres) par des mots valises qui donnent aux adjectifs une profondeur polysémique propre à son écriture.

Difficile car ces nouvelles traitent pour la plupart de la guerre qui a ravagé son pays, entre absurde et cruauté, entre onirisme et picaresque.

Que dire de plus ? Je n'avais lu de Mia Couto que des romans, c'était un tort. Son écriture, truffée d'inventions langagières (bravo à la traductrice !), plus proches de la poésie que du style narratif, s'épanouit dans cette forme courte. En quelques lignes, quelques expressions inventées, il sait construit un personnage, un monde, un drame. de l'enfant tué par un soldat parce qu'il a oublié de saluer le drapeau, au grand-père emmené par les esprits, de l'hippopotame égaré dans une école à la veuve alcoolique, tous ces textes restent gravés dans le coeur du lecteur.

Un chef d'oeuvre !
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Nous avons des yeux qui s'ouvrent vers l'intérieur – les yeux de nos rêves... Ce lieu dans lequel nous sommes guidés par la main du guide dévoyant, cette main aveugle qui est le manuscrit du mensonge...

Les mots de Mia Couto sont les étoiles de ceux qui sont mort d'amour, au milieu des herbagitées...

Mia Couto nous offre des mots éloignés du réel de la surface, reflets du réel profond...
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critiques presse (2)
Actualitte
02 mars 2017
C’est là une des forces pures de ce recueil que de nous transporter dans des considérations d’une profondeur remarquable en se basant sur une fable.
Lire la critique sur le site : Actualitte
Telerama
05 octobre 2016
Remarquablement traduites, les percutantes nouvelles de l'inventif écrivain révèlent un Mozambique vacillant entre rêve et réalité.
Lire la critique sur le site : Telerama
Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Il sent le sang couler, la botte du soldat lui fait encore mal une dernière fois. Comment peut-il connaître les usages exigés par le vigile ? Mais le soldat est totalement militaire : il n'accomplit que des ignorances, juriste de plomb incapable de distinguer un hors-la-loi d'un fors-la-loi. Et l'enfant va distinguant un autre chemin, si dénué de cailloux que ses pieds n'avaient plus à choisir. Un chemin qui dispensait de tout drapeau. À mesure que le soldat décharge plus de violence, le drapeau semble perdre ses couleurs, le paysage refroidit et la lumière tombe à genoux.
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La bête tressaillipérit, de tout son long, toute renversée. Son ventre rose lui donnait une apparence de nouveau-né. Au dernier instant, le moribond dédia au chasseur un regard rempli de tendresse. Comme s'il y avait non du ressentiment mais de la gratitude. Était-ce l'amour au dernier coup d'œil ?
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La peur est un fleuve qui se traverse mouillé.
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Alors, déjà devenu ensorcelable, le désarmé Jordão grimpa sur le dos humide du rêve et s'extravagua dans l'envers du courant.
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Vidéo de Mia Couto
Dimanche 2 octobre 2022 Clôture du FIG 2022 et annonces du FIG 2023 avec François-Xavier FAUVELLE, président 2022, Merieme CHADID, grand témoin 2022, Mia COUTO, président du Salon du Livre 2022, Bruno TOUSSAINT, maire de Saint-Dié-des-Vosges et Thibaut SARDIER, président de l'ADFIG
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