AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de nadejda


La missanga, toutes la voient.
Nul ne remarque le fil qui,

en un collier voyant, assemble les missangas.
Ainsi est la voix du poète :
un fil de silence recousant le temps. (Epigraphe)

Mia Couto saisit une à une, pour les ramener à la lumière, les perles ternies, cachées que sont devenues la plupart des êtres et plus particulièrement les femmes de ses 29 petits textes. «La vie est un collier. Je donne le fil, les femmes donnent les missangas. Elles sont toujours nombreuses les missangas» p76
En retrouvant leurs couleurs sous le regard, l'attention qu'il leur porte, elles redeviennent passagèrement irisées pour former le plus chatoyant des colliers.
Comme «l'accordeur de silence» de son dernier roman fait remonter les voix qui l'habitent, Mia Couto rend pour un temps à ces êtres blessés, leur vrai visage, leur beau visage perdu, celui d'avant, celui de l'enfance, celui qui n'est plus regardé. Il le fait monter au jour et leur tend un miroir. Mais alors, elles ou ils ne pourront plus être comme «avant» et la chute de chacun de ces micro-textes, très imagés et colorés comme les missangas, est souvent surprenante et rocambolesque et retourne carrément les situations.
L'obéissance au père, au mari, font disparaître les filles et les mères derrière un homme. Elles espèrent toujours que la vie va revenir les chercher car leur coeur reste enfantin plein de rêves, il «s'obstine encore» mais l'enveloppe est fanée, le temps a passé.
Ainsi en est-il dans «La jupe coeurchiffonnée» : Dans mon village, le seul village du monde, les femmes rêvaient de robes neuves pour sortir. Pour être embrassées par le bonheur. (...) Je suis née pour la cuisine, le chiffon et les larmes. On m'a enseigné tellement de honte à éprouver du plaisir que j'ai fini par éprouver du plaisir à avoir honte.
«La tisseuse infinie», elle, est une araignée mais pas n'importe quelle araignée, une araignée artiste qui ne fait pas remplir à ses toiles les «fatales fonctions : drap de noces, piège de chasseur.» «Et jour et nuit, de ses palpes triomphaient des oeuvres, beautés de bruine ruisselante, broderies et dentelles. le tout sans fin ni finalité.» Sa famille en est toute désappointée et là encore la chute ne se laisse pas prévoir.
«Le mendiant Vendredi jouant au mondial», vieux et seul reconnaît devant son docteur qu'il invente ses maladies parce que «Etre malade est ma seule façon de prouver que je suis vivant». Et il a cette réflexion inoubliable «Ce que j'envie, docteur, c'est le moment où le joueur tombe par terre, se met en boule et roule en étalant bien haut ses douleurs. Sa douleur arrête le monde. Un monde rempli de véritables douleurs s'arrête devant la fausse douleur d'un footballeur»
Tous les textes de ce petit volume ont la même saveur et le monde créé par Mia Couto, s'il est poignant, n'est pourtant pas complètement désespérant.
Commenter  J’apprécie          240



Ont apprécié cette critique (18)voir plus




{* *}