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EAN : 9782355220661
180 pages
Zones (15/05/2014)
3.61/5   35 notes
Résumé :
La thèse de Jonathan Crary tient en un sigle, en une abréviation-slogan qui clignote déjà dans les rues de Londres ou de Manhattan pour vanter la continuité d'activités non-stop : " Open 24/7 ". Opérer en permanence, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, tel est le mot d'ordre du capitalisme contemporain. C'est aussi l'idéal d'une vie sans pause, active à toute heure du jour et de la nuit, dans une sorte d'état d'insomnie globale. Cet essai retrace l'histoire de ce pro... >Voir plus
Que lire après 24/7 : Le capitalisme à l'assaut du sommeilVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Le sommeil, dernier refuge contre le capitalisme ? Les autres besoins humains font tous largement l'objet de stratégie commerciale : la nourriture évidemment ; le sexe, n'en parlons pas ; et l'amitié est désormais saturée d'applications permettant de mieux communiquer (sur le papier en tout cas). Mais le sommeil, rien ! On a bien tenté de vendre des cassettes à écouter pendant votre sommeil pour vous instruire en dormant, mais ça n'a rien donné. Un dormeur ne produit rien, et pire, ne consomme rien non plus.

L'auteur s'attarde donc sur la double offensive menée contre cet adversaire gênant. Tout d'abord, en obligeant les travailleurs à adopter un rythme de vie qui convient aux impératifs de production, même s'il est à l'encontre du rythme naturel de l'être humain. Et ensuite, en saturant de produits de consommation tous les moment de détente : télévision, radio, smartphones, aucun moment de la journée ne peut échapper à un bipbip qui vous indique que vous avez quelque chose d'important à voir immédiatement. Cette saturation a également comme effet de décourager les citoyens à s'investir dans des activités politiques : on n'a déjà pas le temps, pas la peine d'en rajouter !

Le reste du livre, malheureusement, est plus confus : l'auteur se lance dans des considérations politiques beaucoup plus vastes, appelant à la rescousse Deleuze, Sartre, Debord, et bien d'autres philosophes encore. Je ne suis pas sûr que s'éparpiller ainsi était une bonne idée, il est difficile de résumer un siècle en une soixantaine de pages.

Sur ce, je retourne à mon activité de contestation politique favorite : la sieste.
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Paru en 2014 aux éditions Zones, remarquablement traduit par Grégoire Chamayou, «24/7 le capitalisme à l'assaut du sommeil» est un livre plus vaste que son sujet, aux digressions touffues (parfois un peu trop), largement consacré aux transformations du capitalisme, à l'explosion des technologies, des moyens de transport et de communication, au développement d'échanges continus et fluides, et globalisés depuis 1945, et ayant eu pour conséquence l'érosion de la vie privée jusqu'à son ultime rempart, le sommeil, aujourd'hui menacé.

Le sujet n'est donc pas vraiment nouveau. Marx avait déjà analysé que, pour citer Jonathan Crary, «les temporalités cycliques, saisonnières ou journalières, sur lesquelles se fondaient l'activité agricole depuis toujours, constituaient une série d'obstacles insurmontables à la refonte du temps de travail qui était dès le départ absolument nécessaire au capitalisme.»

Le processus d'érosion des ténèbres et du sommeil est en marche depuis le XXème siècle, avec une durée moyenne des nuits d'un adulte américain de six heures trente aujourd'hui contre dix heures vers 1900, une érosion initiée par le développement de l'éclairage urbain et l'extension qui s'ensuivit des horaires d'activité, dans tous les domaines de l'économie. Mais ce phénomène s'est accéléré depuis deux décennies, et nous sommes maintenant sans cesse sollicités pour regarder des écrans ou des images, travailler et consommer. le nombre de gens qui se relèvent pendant la nuit pour consulter leurs messages ou leurs écrans croît de façon exponentielle. Avec le développement des micro-ordinateurs et autres dispositifs de communication, l'essor du néolibéralisme et le démantèlement des systèmes de protection sociale, les séparations entre vie privée et professionnelle, entre les sphères du loisir et de l'information ont été dissoutes, «toutes ces distinctions étant court-circuitées par une fonctionnalité obligatoire de communication qui doit nécessairement, par nature et sans échappatoire, fonctionner 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.»

«Il semble aujourd'hui qu'il n'y ait plus un seul instant de la vie des individus qui ne soit modelé, contaminé ou contrôlé par un dispositif.» (Giorgio Agamben, Qu'est-ce qu'un dispositif ?)

Dans une société de consommation qui valorise systématiquement l'activité et la performance, et cherche à réduire l'immobilité, la contemplation et la réflexion précédant l'action, une longue nuit de sommeil finit donc par apparaître comme du temps perdu.

Il paraît que le Pentagone a commandité des études expérimentales visant à créer un soldat sans peur et qui n'ait plus besoin de sommeil, préfiguration d'un travailleur ou d'un consommateur sans sommeil pour qu' «enfin» coïncident un comportement humain sans pause avec celui des marchés actifs 24h/24 et 7jours/7. Alors on pourrait, et sans doute on devrait, travailler sans relâche et sans limites. Et ce qui mourrait alors serait l'idée même du temps et de l'engagement dans la durée, puisque le temps serait un flux continu qui ne se mesurerait plus.

Il est vraiment temps d'aller dormir pour pouvoir résister.
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Cet essai fait peur : on savait que le capitalisme était à l'affut de tout ce qui était monétisable, pour transformer tous les recoins de notre être en source de profit, mais la conquête de nos heures de sommeil s'est faite insidieusement, de notre plein gré ! Et ce n'est sans doute pas fini : les recherches pour qu'on puisse un jour se passer de sommeil vont bon train ! Les injonctions des médias, de la pub, des réseaux sociaux nous poussent à rester éveillés ! le livre qui nous donne envie de pendre un hamac entre deux arbres et faire une sieste sans rien devoir à personne !
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Livre à peine commencé mais pas suffisamment sourcé pour que je le continue.
Il y est par exemple écrit qu'à la fin des années 1990, un « consortium russo-européen » ou une « entreprise » annonçait son intention d'envoyer des satellites en orbite pour renvoyer la lumière du soleil sur des zones terrestres la nuit afin d'économiser de l'électricité.
J'ai fini par trouver une source parlant de ce projet sur internet, appelé Znamia.
Il aurait été pourtant simple de donner le nom de ce projet pour que le lecteur puisse vérifier.
C'est bête car le sujet m'intéresse beaucoup. Seulement je n'ai pas envie d'avoir une confiance aveugle envers l'auteur ou de faire mes recherches à chaque fois.
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critiques presse (1)
Bibliobs
26 mai 2014
Dans un essai hardi tout juste traduit en français, «le Capitalisme à l’assaut du sommeil» (Zones-La Découverte), Jonathan Crary, professeur à l’université de Columbia, explique en quoi passer une partie de notre vie à dormir serait au fond «le dernier affront fait à la voracité du capitalisme contemporain.»
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Étant donné sa profonde inutilité et son caractère essentiellement passif, le sommeil, qui a aussi le tort d’occasionner des pertes incalculables en termes de temps de production, de circulation et de consommation, sera toujours en butte aux exigences d’un univers 24/7. Passer ainsi une immense partie de notre vie endormis, dégagés du bourbier des besoins factices, demeure l’un des plus grands affronts que les êtres humains puissent faire à la voracité du capitalisme contemporain. Le sommeil est une interruption sans concession du vol de temps que le capitalisme commet à nos dépens. La plupart des nécessités apparemment irréductibles de la vie humaine – la faim, la soif, le désir sexuel et, récemment, le besoin d’amitié – ont été converties en formes marchandes ou financiarisées. Le sommeil impose l’idée d’un besoin humain et d’un intervalle de temps qui ne peuvent être ni colonisés ni soumis à une opération de profitabilité massive – raison pour laquelle celui-ci demeure une anomalie et un lieu de crise dans le monde actuel. Malgré tous les efforts de la recherche scientifique en ce domaine, le sommeil persiste à frustrer et à déconcerter les stratégies visant à l’exploiter ou à le remodeler. La réalité, aussi surprenante qu’impensable, est que l’on ne peut pas en extraire de la valeur.
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Les assauts contre le temps de sommeil se sont intensifiés au cours du XXe siècle. L’adulte américain moyen dort aujourd’hui environ six heures et demie par nuit, soit une érosion importante par rapport à la génération précédente, qui dormait en moyenne huit heures, sans parler du début du XXe siècle où – même si cela paraît invraisemblable – cette durée était de dix heures.
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Mais il y existe par ailleurs des populations humaines entières qui, atteignant à peine le niveau de subsistance, ou se trouvant même en dessous, ne sauraient être intégrées aux nouvelles exigences des marchés, et qui apparaissent de ce fait comme insignifiantes ou superflues. La mort, sous différentes formes, est l’un des sous-produits du néolibéralisme : lorsque les gens n’ont plus rien que l’on puisse leur prendre, que ce soit des ressources ou de la force de travail, ils deviennent tout simplement superflus. La progression actuelle de l’esclavage sexuel ainsi que l’accroissement du trafic d’organes et de parties du corps humain suggèrent que la limite externe de la superfluité peut encore être repoussée avec profit pour le développement de nouveaux secteurs de marché.
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Un certain nombre d’hypothèses fondamentales sur la cohésion des relations sociales s’articule à cette question du sommeil – y compris l’idée d’un rapport réciproque entre vulnérabilité et confiance, entre le fait d’être exposé et le soin. La vigilance d’autrui est cruciale : c’est d’elle que dépend l’insouciance du sommeil qui nous revivifie, c’est elle qui nous octroie un intervalle de temps libéré des peurs, un état temporaire d’« oubli du mal ». À mesure que s’intensifiera la corrosion du sommeil, on s’apercevra peut-être mieux que la sollicitude qui est si essentielle au dormeur n’est pas qualitativement différente de la protection qu’exigent d’autres formes, plus immédiatement évidentes et aiguës, de souffrance sociale.
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L'époque où l'on accumulait essentiellement des choses est depuis bien longtemps révolue. Aujourd'hui, nos corps et nos identités absorbent une surabondance croissante de services, d'images, de procédés, de produits chimiques, et ceci à dose toxique si ce n'est souvent fatale.
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