Mario, petit sicilien binocleux, haut comme trois pommes, est propriétaire d'un magasin de pianos. Solitaire, il a pour seul compagnon, un manchot virtuose pas très loquace qui joue des mélodies classiques à longueur de journée. Sous son air déprimé, Mario est un romantique, son coeur bat comme une symphonie de beethov' pour la belle Bérénice, une jolie catcheuse qui n'a d' yeux que pour le plus bel homme et le plus fort de
la République du catch. Enzo, son neveu, qui a l'âge et la taille d'un bambin, est le chef redouté de la mafia. Il glorifie la force et méprise la faiblesse de son oncle. Pour s'en débarrasser, il lui confie une mission ... de non retour.
La République du catch est une commande nipponne faite à Nicolas du Crécy pour créer une sorte de manga destiné au lectorat japonais . L'auteur adapte son style idiosyncratique et son imagination délirante à certains traits de la culture japonaise. En l'occurrence, il s'inspire de la mythologie shintô des fantômes et de créatures surnaturelles représentés dans ses dessins par trois personnages : une boule de cheveux cyclope qui ressemble à un barbapapa raplapla , une sorte d'extraterrestre qui a des bras élastiques comme un des quatre fantastiques et une princesse entièrement voilée qui cache de sérieux problèmes de santé. Dans le récit, ces êtres imparfaits revendiquent leur faiblesse comme une force et s'opposent à la force brutale des catcheurs et des mafieux. Les fantômes attirés par les mélodies du manchot et le coeur brisé de Mario vont mener la vie rude aux méchants durs. Pour ma part, j'ai un faible pour l'indestructible Picolo ou ce qu'il en reste...Sur la couverture, on voit sa bonne tronche de truand qui repose sur un plateau mitrailleur montée sur des roulettes. le neveu de Mario n'est pas mal dans son genre, une terreur de bambino, petit et mauvais comme devait 'l'être à son age Joe Dalton. La philosophie du catch passe par le muscle et les cou(ps) tordus, celle des créatures surnaturelles puisent leurs forces dans leur faiblesse.
L'immersion dans l'histoire abracadabrante ne se fait pas sans une certaine appréhension. Comme les fantômes, on se laisse happer et entraîner par les bulles mélodies classiques qui nous transportent à la vitesse des touches de piano dans des univers parallèles inquiétants (déluge, cataclysme) où d'épouvantables épreuves cauchemardesques - tels des rites de passage - attendent super Mario jusqu'au moment ultime ou une armée de fantômes affronte les terribles catcheurs, le match s'avère chaotique et la fin mélancolique.
Le dessin est en noir et blanc comme les touches de piano hormis la couverture en couleur qui cache une surprise de taille. le trait pas académique glisse sur le papier -pas glacé- comme le manchot sur la banquise. du travail d'artiste.
La République du catch, un manga sans frontière délirant moins polar que fantastique peuplé de catcheurs, de fantômes, de gangsters siciliens que l'on suit déboussolé, les yeux écarquillés. Un ovni pour moi qui suis un néophyte non shintoïste.
Je remercie Babelio, les éditions Casterman et la SNCF pour cet étrange manga