Depuis un certain temps, il avait toujours envie de se trouver ailleurs ; n’importe où, mais ailleurs. Il trouvait aussi qu’il buvait trop, même si ce soir il avait encore les idées nettes. Enfin, à peu près nettes… Assez nettes pour savoir que Jenny lui manquait de plus en plus ; assez nettes aussi pour se rendre compte que ce rendez-vous avec Elizabeth Howard était du temps perdu.
Elizabeth Howard, donc. Pourquoi avoir accepté de la rencontrer ? Pourquoi l’attendre encore, alors qu’elle avait déjà un quart d’heure de retard ? Il était journaliste depuis assez longtemps pour savoir quand une personne pouvait lui fournir des informations valables. Or son instinct lui soufflait qu’Elizabeth Howard n’avait rien d’intéressant à dire.
Le sel lui brûlait les lèvres et les paupières. Elle ouvrit difficilement les yeux et ne se rendit pas compte tout de suite qu’elle était encore en vie.
Mais la vie était peut-être pire que la mort. Elle voulait ne plus entendre le vent. Ces longs mugissements lugubres étaient plus pénibles à supporter que la douleur atroce de sa jambe, ou que le froid qui la faisait claquer des dents.
Kate Danvers Garcia avait été acquittée, faute de preuves, sans que qui que ce soit croie à l’innocence de cette femme. On disait qu’elle n’était libre que parce qu’elle faisait partie de la richissime famille Danvers et qu’elle avait beaucoup plus d’argent qu’il n’en fallait pour se payer la crème des avocats de Philadelphie. Elle faisait l’unanimité contre elle.
Elle pleurait sur son passé. Elle pleurait sur tant d’années de dureté et d’égoïsme. Elle pleurait en pensant qu’il ne sert à rien de conquérir la richesse et le pouvoir, si l’on n’a pas quelqu’un avec qui partager. Elle pleurait, mais ne voulait pas donner le spectacle de son chagrin.
L’avantage d’avoir été élevé dans un milieu populaire, répliqua Sean, c’est qu’on ne perd pas son temps à formuler d’une façon alambiquée les choses les plus simples.