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"Nu dans le jardin d'Éden" ne vous parlera pas d'Adam et Eve chassé du Paradis, mais plutôt le contraire : Dieu qui fou le camp, abandonnant ses misérables créatures dans ce qui se rapprocherait plus de l'Enfer que du Paradis d'Éden !

1960. Garden Hills, une petite ville de Floride, sorte de trou du cul du monde d'où on extrayait du phosphate, tient plus d'un enfer que d'autre chose : les tâches y sont harassantes, horriblement sales à cause du phosphate, et répétitives à la limite de l'absurde, comme ce trou qu'un homme - Wes - creuse tous les jours et qui est rebouché la nuit

On pourrait croire que les habitants n'étaient pas heureux, mais c'est tout le contraire : ils étaient tout content, les gens qui bossaient à l'usine d'extraction de phosphate de monsieur O'Boylan ! La routine, certes, mais l'argent de leur salaire les faisait vivre... Jusqu'à ce que O'Boylan (Dieu) se retire de ce trou à rat, laissant les gens en plan.

Une douzaine de familles résistent encore et toujours, s'accrochant aux collines poussiéreuses et aux lacs sans poissons au lieu d'aller chercher fortune ailleurs. Car dans leur petite tête, O'Boylan va revenir, cette absence de la divinité, qui les nourrissait en les faisant travailler, ne peut être que temporaire.

C'est ce constat qui donne un sens à leur présence dans cet endroit désolé.

Ici, nous sommes dans un vrai roman noir, limite huis clos puisque, en plus d'être dans le trou du cul phosphaté du monde, nous suivons la vie de trois personnages principaux (Fat Man, Jester et Dolly) et quelques autres secondaires (Wes dit "Iceman" et Lucy). Les seuls moments où nous quittons la petite ville, c'est lorsque nous suivons leur parcours de vie "antérieure".

Si ces habitants attendent le retour de O'Boylan comme d'autres attendent le Messie, c'est parce que Fat Man - 280 kg à poil - a entretenu cette flamme en racontant sa fable : O'Boylan reviendra !

Fat Man, dont le père a touché un pactole en vendant les terres à O'Boylan, trône dans sa grande baraque sur les hauteurs. Un autre Dieu puisqu'il a maintenu un simulacre de vie normale à Garden Hills depuis le départ de l'usine et que "Les hommes pour qui Dieu est mort s'idolâtrent entre eux" (Le Chanteur de Gospel - 1968).

Les familles qui végètent à Garden Hills sont des pathétiques doublés d'assistés. D'ailleurs, s'il n'y avait pas le talent d'écriture de l'auteur additionné à un scénario bien monté, des personnages travaillés et goupillé avec tout le reste, on pourrait même dire que ces gens sont des cons, des débiles et des gros naïfs.

Mais cela eut été trop simple et trop facile que d'en faire des cons, et le roman n'aurait pas mérité son titre de roman "noir". Non, on l'aurait appelé "Lost Story", tout simplement. Ces gens, on apprend à les connaître et on comprend le pourquoi du comment... Une partie de la force du roman réside là-dedans.

Mensonges, cupidité, trahisons, manipulations, freaks (monstres humains) prostitution soft (pelotage), espoirs entretenus, despotisme, misère, voyeurisme,...

C'est tout cela qui est réuni dans ce livre dont je ne puis vous en dire plus tellement le scénario est riche sans être alambiqué, travaillé, bien pensé, bien pesé, jusqu'à un final dantesque.

Une lecture coup de coeur, coup de poing, courte, mais bonne et qui va me trotter dans la tête durant de longues années !

Note : dans la salle de bain de Fat Man, construite par O'Boylan, il y avait la représentation de Michel-Ange "La Création" où Dieu et Adam se touchent le doigt, car si Dieu a créé l'homme à son image, l'homme a créé Dieu à la sienne. Et tout s'explique...

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De Garden Hills, il ne reste rien ou presque.
Un beau jour, l'usine a fermé, les habitants sont partis.
Seuls quelques paumés à la poursuite de leurs chimères, sont toujours là, accrochés à leur territoire avec la rage de vaincre la noirceur de leur quotidien.
Ils espèrent le retour de Jack O'Boylan, , persuadés que celui grâce à qui le bout du bout du monde est devenu la plus grande mine de phosphate du pays ne peut les avoir abandonnés.

Toute la force de ce roman réside dans l'éventail de personnages qui nous est proposé.

Comme dans toute communauté, il y a le notable, Fat Man, dont le père était autrefois le propriétaire des terres sur lesquelles a été creusée la mine, il s'est vu offrir par le magnat en partance, les titres de propriété sur l'exploitation.
A la tête d'une petite fortune léguée par son père, il vit à l'écart, dans une grande demeure. Personnage atypique de 285 kg pour 1,65m il passe ses journées à ingurgiter d'énormes quantités de boissons et de nourriture.
Il est assisté dans sa vie quotidienne par Jester, qui a perdu dans un accident son cheval en même temps que ses rêves de jockey.
Et puis il y a Dolly, superbe créature, ancienne reine de beauté de retour de New-York, elle a bien envie de redonner vie au site en le transformant en lieu de plaisir pour les touristes.
Par-dessus tout ce petit monde, il y a l'ombre de Jack O'Boyal, celui par qui tout a commencé, une sorte d'Arlésienne, on en parle tout le temps mais il n'apparait jamais.

« Nu dans le jardin d'Eden » est un roman noir qui se savoure avec bonheur, qui ne laisse aucune place à l'ennui.
Un bon moment de lecture.

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Prenez une ancienne mine de phosphate floridienne devenue une ville fantôme où tentent de survivre une douzaine de familles. Au coeur de cette petite communauté, placez Fatman, 280 kilos sur la balance, des « petits orteils roses aussi tendres que les tétons d'une vierge » et « un nombril aussi profond qu'une tasse de thé ». A ce « roi obèse » ajoutez Jester, ancien jockey d'un mètre dix traumatisé par un accident en course et qui depuis fait du cheval à bascule, Dolly, ex-reine de beauté voulant transformer la mine en bordel avec go-go danseuses, Lucy, échappée d'un Freak Show où elle fumait des cigarettes avec son vagin devant « une foule masculine qui passait son temps à lui demander d'essayer avec son trou du cul » ou encore Wes, au chômage depuis l'arrêt de l'exploitation du phosphate et qui passe ses journées à creuser un trou qu'il rebouche le soir venu. Mélangez bien le tout et vous vous retrouvez avec un récit peuplé de créatures aussi sauvages que misérables où le grotesque et le pathétique tiennent les premiers rôles.

Bienvenue chez les marginaux de l'Amérique profonde, ceux qu'Harry Crews savait mettre en scène comme personne. Publié en 1969, Nu dans le jardin d'Eden est son second roman et il était jusqu'alors inédit en France. L'auteur du cultissime « Chanteur de gospel » y déroule une partition déjantée dont personne ne sort grandi. Dans ce paradis perdu devenu un enfer pour tous, la méchanceté est une seconde nature et la cupidité une raison d'être. La narration alterne entre le passé des différents protagonistes et le présent de la communauté. le retour sur le parcours de chacun éclaire leurs attitudes et leurs actes. ll faut sans doute aimer cette ambiance crépusculaire peuplée d'affreux, sales et méchants pour apprécier toute la modernité d'un texte sans concession dont la fin d'une insoutenable cruauté laisse sans voix. Perso, je suis fan, totalement fan !
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Livre devenu quasiment une légende urbaine, un mythe, tant, après qu'il a complètement cessé d'être édité aux États-Unis, il était devenu introuvable, Nu dans le jardin d'Éden (Naked in Garden Hills) débarque en France grâce à Patrick Raynal – qui avait édité Harry Crews en France à la Série Noire – et aux éditions Sonatine.
Nu dans le jardin d'Éden est seulement son deuxième roman, en date de 1969, mais il y a déjà dedans tout ce qui fait la singularité de Harry Crews : des personnages de freaks (deux d'entre eux viennent d'ailleurs directement d'une fête foraine) attirés par le pouvoir, l'argent mais surtout la reconnaissance et un semblant de sens à donner à leurs vies, des corps malmenés par les autres mais aussi et surtout par eux-mêmes, un vernis grotesque qui sert à toucher du doigt l'essence de l'homme ; un homme qui est loin de l'innocence édénique mais qui possède bel et bien son libre arbitre et qui est loin d'être dénué de vice.
Garden Hills, donc est l'Éden du titre français. Un Éden dont le démiurge, Jack O'Boylan, a fait un immense chantier à ciel ouvert en y créant une mine de phosphate qui a permis, dans cette Floride profonde, à quelques familles de vivre confortablement. Mais un jour O'Boylan a disparu et la mine a fermée. Ne restent plus qu'une douzaine de familles et un représentant d'O'Boylan sur Terre : Fat Man, 280 kilos à la dernière pesée, installé dans la maison sur la colline qui domine la petite communauté. Un monde partant en lambeaux et vivant dans l'attente du retour d'O'Boylan et de la prospérité. Jusqu'au jour où revient Dolly, ancienne Miss Phosphate partie à New York pour retrouver Jack O'Boylan et le convaincre de redonner vie à Garden Hills. Si elle n'a pas trouvé l'insaisissable créateur de la communauté, elle n'en revient pas moins avec un projet censé rendre vie à ce rêve évanoui. Car dans la grande ville elle a enfin compris ce qui fait tourner le monde : le sexe allié au voyeurisme.
Tout est donc là, dans cette atmosphère surréaliste, grotesque, où les filles concourent pour savoir laquelle aura l'honneur de trôner dans une cage, où les touristes se pressent devant une lunette pour apercevoir un obèse qui grossit à vue d'oeil en se gavant de produits de régime, où les vicissitudes de l'amour et du désir de pouvoir bouleversent les plans des uns et des autres… Crews se plaît à caricaturer, à grossir le trait pour mieux faire jaillir l'humanité, et si le procédé apparaît encore un peu forcé dans certains passages, il n'en demeure pas moins que Nu dans le jardin d'Éden est une heureuse découverte, une belle pépite noire que viennent illuminer quelques véritables moments de grâce jusqu'à une scène finale dantesque.

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Imaginez un mélange de Tod Browning, Fellini, David Lynch et Bunuel, et vous aurez un aperçu de ce roman inclassable et magnifique.
La quintessence du roman noir ! Avec une vision glaçante de l'Amérique profonde, celle des plus pauvres, des désespérés, des abandonnés et des marginaux. Et tellement cinématographique...

A Garden Hills, il ne reste rien qu'une poignée de miséreux depuis le départ de Jack O'Boylan, un mystérieux magnat de l'industrie, que personne n'a jamais rencontré mais qui avait choisi d'y construire la plus grande mine de phosphate du monde. A la fermeture de la mine, certains sont restés pétrifiés, abasourdis, incapables d'imaginer un avenir ailleurs. Alors, ils attendent le retour de Jack. Comme Vladimir et Estragon attendent Godot.
D' autant plus qu'il leur a laissé un signe. Un messager qui se nomme Fat Man, qui approche des 300kgs en se nourrissant de boissons protéinees et de gaufrettes minceur. Fatman est le fils du propriétaire des terres de la mine et il a hérité d'une fortune colossale qu'il distribue avec parcimonie aux derniers habitants et à son serviteur, improbable jockey nain qui lui sert de nounou. Il utilise également son argent pour constituer une gigantesque bibliothèque mais " il collectionnait les livres comme il mangeait, _ au delà d'une vision impossible et d'une quête affamée de finitude."
Cette présence et cette prodigalité dans la maison en haut de la colline fait sens.
Il n'en faut pas plus pour que chacun soit persuadé du retour proche du messie.

Sauf qu'il y a Dolly, une fille de la ville, ex Miss Phosphate, qui va partir à New York à la recherche de Jack, pour lui offrir sa virginité en échange de son retour . Si elle ne le trouve nulle part, elle va néanmoins apprendre beaucoup sur la vie et en particulier que le sexe et l'argent mènent les hommes et le monde. Et elle découvre que ce Dieu qu'elle cherchait, c'est ce qui guide l'Amérique, l'argent.
" Et vous êtes Jack O'Boylan. Tout le monde l'est. Jack O'Boylan est une chose qui vit en nous tous, qui mange de la viande crue et boit du sang. Et soit vous l'admettez et vous en profitez, soit vous êtes bouffé par quelqu'un d'autre."

Dans cette cour des miracles à laquelle ils appartiennent tous, il manquait une apothéose que Dolly va mettre en scène. A la place de l'usine, un immense lupanar pour voyeuristes avec des danseuses dans d'immenses cages et des télescopes pour que les clients puissent observer des simulacres de vie, comme Westrim payé pour faire semblant de creuser un trou, rebouché chaque nuit ; ou des anomalies de la nature comme Fatman qui ne peut s'empêcher de combler un vide incommensurable en mangeant.

Pour Harry Crews, le pire de l'humanité n'est pas dans ces exclus qui survivent en marge et qui restent avant tout des victimes , mais dans cette masse boulimique qui succombe au délire consumériste et fait le choix de l'indignité.
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Bienvenue au coeur de la noirceur et de la misère d'une communauté oubliée de tous ou presque.

Comment se fait il qu'il ait fallu attendre 2013 (soit l'année suivant le décès de l'auteur) pour que ce petit bijou, écrit en 1969, bénéficie d'une publication en VF ? Pourtant Harry Crews lui même fait ce qu'il faut pour attiser notre curiosité : "C'est le meilleur roman que j'aie écrit. Au moment où je l'ai terminé, je savais que jamais je ne ferais rien d'aussi bon."

Paré pour une coloscopie dans le trou du cul du monde ? le bled en question est aussi déglingué que paumé, noyé sous la poussière et la puanteur du phosphate. Pour ceux qui restent, victimes d'un rêve brisé, il subsiste l'espoir d'un retour à la prospérité, le retour du fils prodigue qui relancera la mine. A se demander s'ils y croient vraiment ou s'ils se rattachent à ce rêve pour éviter de crever la gueule ouverte, le nez dans leur misère. Pathétique me direz-vous ? Et bien non justement, et c'est là tout le talent d'Harry Crews, sous sa plume il donne à chacun de ses personnages une profondeur et une humanité presque palpable.

L'auteur nous plonge dans la vie de quelques uns de ces paumés abandonnés de tous, quelques flashbacks permettent de découvrir leur parcours. Fat Man et Dolly bien sûr, mais aussi des personnages secondaires comme Jester ou Iceman. Des rencontres émouvantes, des destinées hors normes, au fil des pages vous partagerez leurs émotions.

Si vous souhaitez de l'action passez votre chemin. Toutefois, même s'il ne passe pas grand chose de palpitant à Garden Hills, je peux vous promettre que vous ne vous ennuierez pas une minute en lisant ce bouquin. le récit est intemporel, il pourrait s'appliquer à n'importe quel bled qui subirait le même coup du sort de nos jours.
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Garden Hill est un village abandonné depuis le départ de Jack O'Boylan et la fermeture de la mine de phosphate qui faisait prospérer la localité. Seules douze familles résistent. Certains croient au retour de Jack, d'autres désespèrent du riche propriétaire Fat Man, et d'autres complotent avec la belle Dolly pour faire de Garden Hill un lieu moderne et débauché.
Deuxième roman de Harry Crews, maître du noir disparu en 2012, opus majeur publié aux États-Unis en 1969 et jusqu'ici inédit en France. On y retrouve l'humour et la compassion qui ont fait le succès de "Body", "Car" ou encore "La Foire aux serpents" Je ne crierais pas au chef d'oeuvre mais j'en suis pas loin. Un livre puissant et visionnaire. Incontournable
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Garden Hills est un Eden, niché quelque part au coeur de l'Amérique, qui a grandi aussi vite qu'il s'est desséché. Jack O'Boylan, riche magnat industriel, est à l'origine de ce Paradis. Il a donné du travail à des familles, de l'argent et la promesse d'un avenir radieux. Mais il est parti aussi vite qu'il est arrivé et a laissé derrière lui une usine désaffectée, des machines inutiles et un paysage dévasté. Seules une douzaine de familles sont restées, dans l'attente du retour du Messie. En haut de la colline, vit Fat Boy qui a hérité de la fortune de son père, laquelle la tenait de Jack O'Boylan. Fat Boy s'enrichit du principe d'inertie et se plaît à ingurgiter toutes sortes d'aliments. Mais Dolly menace son univers, elle qui rêve de transformer Garden Hills en un site touristique à vocation sexuelle…

« Nu dans le jardin d'Eden » est un roman écrit par l'américain Harry Crews et publié en 1969. D'une manière originale, mêlant roman noir et absurde, l'auteur offre une version revisitée de la Chute originelle, sur fond de consumérisme à outrance.
Quels rêves peuvent subsister quand le Paradis s'est dérobé ? Chacune des familles livre sa réponse. Entre nostalgie d'un passé qui n'est plus et espérance d'un passé qui pourrait revenir, la souffrance trace son sillon acerbe dans les maisons, les coeurs et le paysage désolé alentours. Et l'on rencontre dans cet Eden en déshérence un curieux personnage juché sur une chaise, en train de participer à une course hippique devant sa télévision, jockey d'un autre espace-temps ; un ancien marchand de glace accompagne son cheval étique qui tire sa carriole de glace tandis que Dolly, revenue de New York, peint l'ancienne usine en rouge et y fait installer des cages pour mettre en lumière la Reine du phosphate ; un homme obèse, chez qui on pourra déceler une forme de perfection, passe ses journées à s'empiffrer.
Et au fil de ces descriptions étonnantes, décalées, noires et absurdes, on se prend à s'attacher à ces anti-héros, paumés dans cet Eden qui est devenu une cour des miracles, à ces rebuts d'un American Way of Life, aux rêves brisés trop vite, tels ceux de Jester, jockey prometteur, dont la première course s'est soldée par le suicide de son cheval.
Harry Crews met en lumière dans ce roman des personnages délaissés, pour beaucoup freaks de fête foraine, monstres qu'on exhibe pour en soutirer de l'argent et les décrit un étrange mélange d'ironie, d'absurde et de tendresse, finalement avec beaucoup d'empathie.
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On ne remerciera jamais assez les éditions SONATINE d'avoir publié, sur les conseils de Patrick Raynal ( qui s'est aussi chargé de la traduction du livre) ce roman d' Harry Crews, le deuxième que l'auteur avait publié aux États Unis en 1969 et qui était resté jusqu'à ce jour inédit en France.

Harry Crews n'est pas un auteur très connu chez nous, même si dans le landernau des vrais amateurs, son nom résonne avec nostalgie. Pourtant Harry Crews est tout simplement un géant du roman noir américains, voire de la littérature contemporaine U.S tout court.

Un auteur qui hélas nous a quitté début 2012 et qui laisse derrière lui une oeuvre riche et forte sur l'Amérique profonde, celle des paumés, des perdants, des laisser pour contre, des désespérés. Celle du Sud aussi, dont il était originaire. Une terre imprégnée de pauvreté dans laquelle il a baigné durant toute son enfance avant de trouver son salut dans l'armée, et de troquer plus tard le fusil pour la plume.

Garden Hills est un trou. Un vrai trou. Un endroit où un jour, Jack O'Boylan, un magnat de l'industrie, a jeté son dévolu pour exploiter une ressource de phosphate, et et y créer la plus grande mine au monde, faisant du même coup prospérer la ville qui s'y développa à sa suite.

Mais le destin d'une mine est de fermer. Celle de Garden Hills le fait très tôt, de manière radicale et brutale. Quand Jack O'Boylan s'en va, il laisse derrière lui une population abasourdie, qui ne tarde pas à déserter les lieux pour trouver du travail ailleurs. Seule une poignée de familles, parmi les plus pauvres, décide de rester sur place en attendant un hypothétique retour du magnat , sorte de messie qui par sa seule volonté, pourrait redonner vie au lieu, espoir et prospérité à ses habitants.

Fat Man, dont le père était autrefois le propriétaire des terres sur lesquelles a été creusé la mine, s'est vu offrir par le magnat en partance, les titres de propriété sur l'exploitation. A la tête d'une petite fortune légué par son père, il vit à l'écart, dans une grande demeure.

Pour les pauvres erres restés sur place il représente un phare, un espoir. Si lui n'est pas parti s'installer dans une grande ville alors qu'il en a les moyens, qu'il n'est pas obligé de travailler pour survivre, c'est bien que Jack O'Boylan va revenir et raviver la flamme . N'est -il pas son messager? Ne lui a t'-il pas dit qu'un jour effectivement il reviendrait? Peut être que Fatman lui même pourrait faire repartir la mine.

Mais de chez lui, l'homme obèse ne pense qu'à s'empiffrer de substituts alimentaires qui vue la quantité ingurgitée ne font que produire l'effet inverse et augmenter inexorablement son poids à vu d'oeil. Quand il ne mange pas, il observe par la fenêtre le monde étrange de Garden Hill qu'il domine du haut de la colline où est posée son immense demeure.

Car l'endroit ressemble à une vraie cour des miracles. Harry Crews y déploie des personnages qui auraient toute leur place dans un cirque, une fête foraine, ou un film de David Lynch.

Fat man donc, approchant inexorablement des 300 kilos, « le nombril aussi profond qu'une tasse de thé » , dont le ventre énorme fait disparaitre de sa vue son sexe et éclipse les envies de la chair. Mais on y croise aussi Jesta, un nain qui fut un temps jockey ,dont il porte en permanence, depuis le suicide de sa dernière monture, l'habit d'apparat ; Westrim, alias Iceman , qui vend sa glace du haut de sa carriole tirée par un vieux cheval à bout de souffle ; Lucy, la princesse noire « Nestradidi », que Jesta a connu dans un cirque et qui s'installa avec lui à Garden Hill. Enfin, Dolly.

Dolly, ancienne « Miss phosphate », partie à New York à la recherche du Créateur, de Jack O'Boylan, pour le convaincre de revenir , qui y devint gogo danseuse avant de revenir à garden Hils avec sa virginité sous le bras, et la certitude d'avoir compris que c'est le sexe qui fait tourner le monde.

Dès lors elle n'aura de cesse de vouloir transformer Garden Hill en piège à touristes, en parc d'attractions, en lupanar géant où les filles seraient en cage, où des télescopes géants donneraient à la curiosité malsaine des visiteurs accès à tous les recoins du lieu, à commencer par le ventre de Fat Man .

Admirable roman, déroutant et magnifique, portant à la fois une immense noirceur et une réelle charge poétique, « Nu dans le jardin d'Eden » est une véritable variation biblique dans laquelle Harry Crews s'attache cependant à abattre les icônes.

Un roman en forme de chemin de croix dont la dernière scène, sublime, finit de crucifier les dernières croyances.

Bien qu'écrit dans les années soixante, ce roman, âpre, dur, bizarre et poétique, est une charge contre cette société américaine de la démesure, de la luxure, de l'excès, une société boulimique, qui écrase et qui broie, mais qui croit aussi , à dieu, au fric, aux mirages.

L'Eden, avant d'être un paradis, est sans doute d'abord un enfer !
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Nu dans le jardin d'Eden est un roman noir, tantôt cruel, tantôt loufoque digne de l'imaginaire de David Lynch ou des Frères Coen.
Une plongée au coeur d'une communauté d'oubliés de l'Amérique. Les enfants d'une société qui ne les (re)connait pas et où tout s'achète, même la dignité. Une communauté peuplée de phénomènes de foire, de bêtes de cirque qui attendent le retour de l'homme providentiel, celui qui saura redonner vie à leurs rêves, à leurs ambitions, si minimes soient-ils. Ces rêves ont un prix et leur réalisation nécessitera des sacrifices.
C'est une découverte pour moi que cet auteur américain qui nous dépeint une Amérique aux abois.
le livre se lit sur un bon rythme dans un style fluide et percutant. C'est une belle expérience de lecture. Un roman noir qui mêle souffrance, désespoir et espérance au travers de personnages attachants à la fois loufoques, grotesques et extravagants mais tellement crédules.
Bonne lecture.
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