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Critique de Lamifranz


« La Dame aux oeillets » fut un de mes premiers « Cronin », je l'ai lu à peu près à la même époque que « Les clés du Royaume » et « Les années d'illusion », bien avant « La Citadelle », autant dire que j'étais déjà conquis par l'auteur. Pourtant, ce roman ne s'inscrit pas tout-à-fait dans la lignée des autres : ici pas d'aventures exotiques, pas de fil rouge médical, rien que de la finesse psychologique, du sentiment et du mystère autour d'une miniature d'Holbein intitulée La Dame aux oeillets. Fleur bleue, si l'on veut, mais pas cucul ; très représentatif d'une époque où les valeurs (les plus jeunes d'entre vous ont quelque peu perdu le sens de ce mot, demandez à vos parents, ou plus sûrement à vos grands-parents) avaient encore un certain pouvoir sur la pensée des gens.
Catherine Lorrimer a la trentaine bien sonnée, c'est une belle femme, antiquaire bien en place, intelligente et avisée. Elle a une nièce, Nancy, qui a un fiancé américain. Catherine achète un jour, pour sa galerie, « La Dame aux oeillets », une miniature de Holbein peinte au XVIème siècle, représentant une certaine Lucie de Quercy (oui je sais, ça fait un peu comme Brice de Nice ou Igor d'Hossegor, mais bon), et figurez-vous que Catherine ressemble à Lucie comme deux gouttes d'eau. C'est en tous cas l'impression de Chris Madden, le fiancé de Nancy.
La suite, on la devine. D'aucuns invoquerait Harlequin (qui d'ailleurs, avec un C en plus aurait pu être peint par Holbein) ou Barbara Cartland, il n'en est rien : Cronin, c'est le contraire de la sensiblerie ou du sentimentalisme érigé en moteur littéraire ; pas non plus chez lui de cette outrance sans laquelle une histoire d'amour, de nos jours, n'est plus crédible : Cronin, c'est la finesse, le tact, la sensibilité, la générosité de coeur et d'esprit. C'est un regard toujours attentif sur les misères humaines, qu'elles soient matérielles ou affectives. Certes, il ne transforme pas ses expériences sentimentales en essai philosophique, il ne tire pas des conclusions métaphysiques à partir de son petit-déjeuner, Cronin, c'est la vie de tous les jours, avec des gens de tous les jours (qui ne sont pas des héros de cinéma ni de roman photo), et des sentiments de tous les jours.
La différence, c'est que ces jours-là sont des jours des années 40, 50 et 60. le monde qu'il décrit (le monde extérieur autant que le monde intérieur) est forcément daté. le nier serait absurde, tout comme il serait absurde de lire les auteurs de cette époque (et il y en a de grands et de très grands) avec notre jugement d'aujourd'hui. On ne comprendra rien à la mentalité de ce temps-là si on n'essaie pas de se replacer dans le contexte : bien des choses étaient différentes, la religion avait une place qu'elle n'a plus (ou en tous cas pas aussi controversée), la place de la femme dans la société était carrément transparente, le contexte politique, social, économique, tout a été bouleversé. Alors oui, Cronin est daté, mais pas démodé, car les valeurs qu'il porte (eh oui on y revient) perdurent, même si elles sont battues en brèche au nom d'un sacro-saint modernisme qui pourrait n'être finalement qu'une fuite en avant.
Pas le meilleur Cronin, pas le pire non plus, disons un Cronin de bonne cuvée, à savourer tranquillement, en regardant un beau tableau, par exemple…
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