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Critique de Lamifranz


A.J. Cronin fait partie de ces auteurs qu'on a adorés parce qu'ils écrivaient de belle manière de belles choses, et que d'une certaine façon, ils avaient une belle âme, altruiste, humaniste, bienveillante et en même temps lucide devant le monde qui les entouraient. Nos goûts ont changé, nous avons de nouvelles idoles, est-ce une raison pour brûler ce que nous avons adoré ? On n'écrit plus pareil aujourd'hui, me dit-on. Et alors ! On écrivait encore plus différemment les siècles antérieurs. Et si vous pouvez me certifier que l'écriture de demain sera meilleure, je signe des deux mains, mais j'ai des doutes quand je vois le sort réservé à la langue française aujourd'hui. le style au fond, importe peu, c'est notre perception d'une réalité d'autrefois à l'aune de notre sensibilité d'aujourd'hui qui pose problème. Tout ça pour dire que Cronin, comme tant d'autres, a été sacrifié à l'autel d'une modernité aveugle, injuste et partisane. C'est pourtant un auteur qui mérite le détour, pour les lecteurs de toutes les époques. Si vous déclarez en préambule que c'est daté, regardez donc la date à laquelle le roman a été écrit, et relativisez. Vous verrez que vous n'en apprécierez que mieux le roman en le replaçant dans son contexte, sur le fond comme sur la forme.
« Sous le regard des étoiles » (1935) est pour le coup un roman « daté » : l'action commence au début du XXème siècle, dans une mine du pays de Galles. On peut penser à « Germinal », en moins misérabiliste, en moins social, en moins politique, mais en plus proche des gens, de leurs aspirations et de leurs frustrations, de leurs sentiments, en somme, que l'auteur épouse avec compassion et amour, pour les avoir lui-même ressentis quand il était avec eux au fond du puits, en qualité de médecin puis d'inspecteur des mines. Plus que « Germinal » d'Emile Zola, c'est « Qu'elle était verte ma vallée » de Richard Llewellyn que l'on peut évoquer : le tableau que dresse Zola suscite colère, indignation, pitié et compassion (c'est déjà beaucoup). Celui dressé par Cronin et Llewellyn fait la même chose, sauf qu'il génère en plus une réelle affection (bien plus que notre Zola) pour des personnages particulièrement attachants.
« Sous le regard des étoiles », raconte trois parcours, à partir du même point de départ. Davey Fenwick, le héros « croninien » par excellence : idéaliste confronté aux dures réalités de l'existence, qui prend des coups mais garde sa foi et son idéal humaniste, contre vents et marées, don Quichotte lucide, éternellement déchiré entre ce qu'il voudrait être et ce qu'il est, et plus encore entre le monde qu'il souhaite et celui dans lequel il vit ; Joe Gowlan, mineur comme lui, mais plus faible devant les tentations faciles, arriviste et égoïste ; et enfin Arthur Barras qui peu à peu comprend sa position dans l'échelle sociale (fils du patron tout-puissant), en souffre et finalement doit se soumettre.
Cronin, dans tous ses romans raconte la même histoire : que doit faire l'homme pour être au-dessus de sa condition ? Il apporte chaque fois la même solution (en tous cas la même proposition de solution) : un humanisme social, qui peut prendre l'aspect d'un christianisme plus vécu que prôné, ou d'un socialisme « à hauteur d'homme ». Oui, je sais, j'en vois plusieurs qui hurlent à la « bien-pensance ». Chacun voit à sa porte. On peut dire ce qu'on veut de Cronin, on ne le prendra pas en faute pour crime de lèse-humanité. Bien au contraire.
« Sous le regard des étoiles », n'est pas le roman le plus gai de Cronin, mais on y retrouve tout ce qui fait le charme de cet écrivain : la vraisemblance, l'authenticité, la franchise, l'empathie, et même l'humour, qui font de cet auteur l'un des plus populaires. Au fond, la raison en est simple : s'il met le lecteur dans sa poche, c'est parce que, à l'exemple de ses héros, il lui prouve qu'il vaut mieux que ce qu'il croit être. C'est pourquoi, quand on referme un livre de Cronin, on est comme ragaillardi. Moi ça me le fait tout le temps, pas vous ?
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