La Provence des peintres
Philippe Cros
Flammarion 2000, 159 pages
Tropisme
Philippe Cros c'est le directeur de la fondation Bemberg installée à Lausanne, autant dire que ce n'est pas n'importe qui, qu'il ne peut pas être n'importe qui. A cet effet, des livres et des expos consacrés à la fondation Bemberg nous renseignent sur la valeur de ce patrimoine.
Ici le directeur de collection nous propose dans
la Provence des peintres un aréopage de ce qu'on fait de mieux en peinture moderne, la peinture que j'aime car elle est ensoleillée, vive, pas d'effets de brume, pas de vaches dans les prés ou de paysages bucoliques qui sentent la bouse, pas de péripatéticiennes dans les ports quand la nuit s'ouvre de manière glauque, la chose vers laquelle tout le monde se tourne : le soleil qu'on n'atteint jamais mais qui nous brûle le visage, les yeux, ; même où "la misère semble plus douce"... Il viendrait à l'idée de quel peintre d'échapper à ce tropisme où les couleurs sont exacerbées, irradient de toute leur poésie dans une protubérance inouie..
Non, ici ce qu'on renifle ce sont toutes les senteurs autant que le bonheur des yeux..
Oui Monet, Bonnard , même s'ils enchantent la toile, ont ramé, ont dû puiser dans tout leur talent pour vaincre toute la palette chamarrée qui se déverse sous leurs yeux. A tel point qu'on peut dire que ceux là qui en sortent vainqueurs sont des peintres "supérieurs". Quand je pense à Monet qui est allé s'essayer avec succès en Norvège et qui se laisse glisser comme tant d'autres qui ont délaissé le Nord pour le Sud, Valtat, Braque, Picabia, Renoir, Matisse,
De Staêl, Dufy, Bonnard, Boudin.., c'est bien sûr leur défi suprême que de dompter cette injure si envoutante de la nature. Je pense que chacun aura à coeur d'ajouter un nom à cette liste bien évidemment incomplète ..
Alors ce livre n'est pas seulement un catalogue des grands de ce monde, il est aussi un rappel de ceux qui étaient au soleil et que l'ombre dans son ingratitude a rattrapé. Les noms de ceux qui me viennent à l'esprit sont Henri Lebasque,
Alfred Lombard, Louis Mathieu Verdilhan, Victor Guillaume, Achille Emperaire, Edouard Crémieux..
Coup de coeur :
Nicolas de Staël, le Grand concert 1955, huile sur toile.
J'éprouve une tendresse particulière pour
Nicolas de Staël qui résida à Antibes comme on sait. Comme dit Philippe Cros : "on ne peut parler d'Antibes sans évoquer la belle et aristocratique figure de
Nicolas de Staël et le Grand Concert qui fut la dernière toile de cet éternel jeune homme.. L'épuisement physique et une crise de dépression le conduisent au suicide, mais il laissait à son catalogue près d'un millier de toiles.."
Oui tendresse particulière pour ce noble russe qui là où il est a dû entendre l'outrance éhontée de Zuckerberg à l'adresse des russes comme si leur sort à l'exil méritait encore que l'histoire leur resserve le même plat d'ostracisme et de mépris "total". Tendresse double avec cette dernière oeuvre du génial peintre. La dernière toile des grands Maîtres m'émeut toujours ..
Merci, bonne journée à tous, @PatriceG, 20 mars 2022