Michael Crummey nous embarque à Terre-Neuve, au début du 19ème siècle, dans une anse isolée, dont la vie est liée à la rudesse climatique et à la solitude. Dans cet anse vive deux jeunes orphelins. Après leur petite soeur, la mère puis le père sont décédés. Deux enfants restent alors : Ada et Evered qui sont encore très jeunes. Ils sont désormais orphelins et soumis à la rigueur de leur lieu de vie. Au contact de leurs parents, ils ont appris l'essentiel pour survivre. La pêche de la morue à la belle saison, sa salaison dans l'attente de voir arriver le vaisseau qui leur apporte des vivres et du matériels en échange du résultats de leur labeur deux fois par an. C'est leur seul contact avec le monde d'ailleurs, avec d'autres êtres humains. le reste du temps, ils sont seuls. Ils se débrouillent, apprennent de leur erreur, s'améliorent avec le temps.
Les années passent. On suit leur évolution, la complicité et les conflits qui vont inévitablement naître entre eux en grandissant.
Le lecteur est invité à découvrir cette vie au coeur d'une nature impitoyable, rythmée par les saisons, les tempêtes et la venue de ce navire à la fois salvateur et pernicieuse. L'équilibre du duo frère/soeur est mis à mal, fragilisé à chaque rencontre, à chaque visite. Parfois d'autres navires s'arrêtent et passent du temps avec eux...
Les Innocents est un roman d'apprentissage, un roman initiatique au coeur d'un lieu sauvage, rude. Une initiation à la vie rude, coupée du reste du monde. Les deux enfants devront décoder, appréhender le monde avec pour seuls outils les quelques légendes racontées par leurs parents, les leçons de vie appris auprès d'eux et leurs sens de l'observation. Pour le reste, ils ne savent rien du monde extérieur, très peu sur les choses de la vie et sur les interactions sociales. Ils sont de ce fait méfiant mais aussi curieux. Un croisement étrange.
Ensemble ou chacun de leur côté, ils découvrent leur corps, leurs émotions évoluant en grandissant, en vieillissant.
Michael Crummey nous décrit un décor rude, sauvage, entre calme et danger. Les orphelins s'y épanouissent à leur rythme, à leur façon. Ils vivront des moments de joie et des moments terribles. J'ai apprécié la façon dont
Michael Crummey les fait évoluer au fil des pages. le roman porte bien son titre : ils sont soumis très jeunes à une vie solitaire, compliquée, éprouvante. Et c'est leur innocence qui leur donne la possibilité de survivre. Mais ils sont également conscients qu'ils ne seraient peut-être pas à leur place dans une ville. C'est dans cette anse qu'ils ont grandi et c'est la seule chose qu'ils connaissent.Entre ces deux là, les relations passent de la complicité, à la jalousie... de longues périodes de silence, de non-dits, d'observation. En grandissant, ils prennent conscience de certaines choses, en découvrent d'autres ensemble.
Au fil des visites du navire du ravitaillements ou d'autres voyageurs, les langues se délient (souvent avec l'alcool). Les histoires sont racontées, des liens possibles entre chacune se créent, s'imaginent. J'ai aimé ce fil conducteur qui revenait, qui nous laissait imaginer le passé plausible des défunts parents... ou peut-être pas.
Le lecteur est soumis à la langueur du texte, qui tangue au rythme des saisons, des tâches quotidiennes et des années qui passent inlassablement avec les épreuves du temps et du climat à franchir. On est dans un texte descriptif, contemplatif. On est initié à ce lieu, à cette vie. On est littéralement dépaysé que ce soit par le lieu ou l'époque car les enfants vivent dans un lieu hors du temps.
Un roman riche en apprentissage, en courage, en résilience. Une lecture éprouvante à bien des niveaux par la beauté des paysages, par la force des ces deux jeunes protagonistes, par la rudesse de cette vie...
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