Voici un livre que bien des Occidentaux auraient pu écrire après leur premier contact avec l'Afrique noire, si toutefois on fait exception du statut de journaliste envoyé en mission à la fin d'une guerre pour en appréhender, plus ou moins, les différents aspects.
En effet,
Céline Curiol est envoyée en Sierra Léone dans le cadre d'une mission déléguée par l'ONU après les horribles années de guerre civile dans ce pays. Assez naïvement, elle rédige ses impressions d'abord sur le vol qui la conduit là-bas, puis sur le pays, ses habitants, ses villages, la façon dont on la regarde et dont elle regarde.
Mais c'est bien le problème : elle regarde. Elle ne partage pas le moins du monde la vie des gens, elle rapporte des choses qu'elle voit et qu'elle entend, d'une plume sensible et pas maladroite. Mais à aucun moment elle n'entre dans l'intimité de ces gens qu'elle regarde, je suis au regret de le dire, avec toujours cette espèce d'empathie et de bonne volonté que les Africains ne supportent pas. Il faudra tout de même un jour que ces gens qui écrivent sur l'Afrique veuillent bien comprendre que, précisément, ils ne comprennent à peu près rien. Tout ou presque nous échappe de ce que vivent, pensent, ressentent les Africains à l'égard de leurs anciens colonisateurs. Rien n'est simple dans ce rapport frelaté depuis des centaines d'années, en fait depuis le premier pas de l'homme blanc sur le continent noir.
Bien sûr, en bonne journaliste, elle raconte les horreurs de la guerre, les amputations massives, les viols, la terreur. Elle raconte comment on s'essaie de faire ressortir les émotions de ceux qui ont vécu l'horreur (en les faisant dessiner, puis vendre leurs dessins, ce qui les éloigne de leur métier d'agriculteur, indispensable à leur reconstruction ; ou bien en faisant jouer des clowns qui racontent les faits). Les explications qu'elle donnent et les observations qu'elle fait sur le comportement des gens après la guerre sont d'une simplicité déconcertante. On s'extasie encore sur ces-gens-qui-ont-tellement- souffert-et-qui-sourient !! Mais que veut-on qu'ils fassent ? Quant au contexte politique et au récit chronologique des faits, il faut aller les chercher sur Internet ! Elle n'en dit à peu près rien !
C'est gentillet, de bonne volonté, agréable à lire pour ceux qui y retrouveront leurs impressions africaines. Et quasiment inutile.
J'ai juste eu un peu l'impression de relire l'un de mes récits de voyage en Afrique, parmi les tous premiers, à peine mieux rédigé.