Face à ces garçons et à ces files qui se sont enfermés dans le piège de la drogue, et qui, de toute évidenc, n'y ont pas trouvé la résolution de leurs angoisses ou de leurs inquiétudes, et qui risquent tous les jours de mourir d'overdose ou d'attraper le SIDA, la société peut-elle rester impassible au nom de la liberté de chacun à disposer de son corps et de sa vie ?
Songez alors à la journée d'un toxico qui essaie de s'arrêter. Une angoisse de chaque instant, de chaque seconde. Des heures ainsi, interminables, avec l'estomac noué et la sensation qu'on va exploser d'une tension interne qui envahit tout : la tête, les jambes, les muscles... Et le souvenir permanent, taraudant, non pas du plaisir mais du soulagement instantané qu'apportera la drogue. Si simple, si facile. Comment résister ?
Pourtant, nous parvenons bien, dans l'éducation que nous donnons à nos enfants, à utiliser les transgressions des interdits que nous posons comme des occasions de discussions constructives et d'explications. Pourquoi ne pourrait-il pas en être de même avec la loi des hommes ?
La fuite est donc au centre de notre définition ds toxicomanies. Fuites des problèmes personnels complexes, relationnels et psycho-affectifs, ou bien prédominance sociale, et bien souvent intrication des deux. Mais dans tout les cas, la fuite répond à une incapacité de résoudre et dépasser ces problèmes. Cette notion de fuite permet d'éviter de coller l'étiquette "toxicomane" sur tous ceux qui peuvent user d'un produit pour des motivations différentes : plaisir, convivialité, mode et curiosité.
Ces jeunes qui venaient nous voir auraient pu manifester leur malaise en recourant aux drogues admises dans notre société : médicaments et surtout alcool. Eh bien non. Ils choisissaient délibérément des produits interdits, dangereux, difficilement accessibles et très chers. Ils savaient qu'ainsi ils risquaient la prison, le basculement dans la folie, ou la mort.