Ça remonte à loin, je ne me souviens plus. Il y a trop longtemps que je n'ai pas eu les cheveux naturels.
Pour être franche, je ne sais plus vraiment à quoi je ressemble.
Très tôt, j'ai intégré que mes cheveux n'étaient pas 'beaux'.
J'avais à peine sept ans, ma grand-mère peinait à me les démêler et je souffrais déjà en silence.
(...)
- Eh oui, ma chérie, il faut souffrir pour être belle.
Comme si cette phrase n'était pas violente. Comme si elle ne résonnait pas comme une condamnation injuste. Non, la souffrance n'est pas une condition qu'on doit accepter sans moufter. Qui a décrété ça ? Qui a réussi à nous infliger tant de tortures pour qu'on se conforme à une certaine idée de la beauté ? Souffrir pour être belle. Cette phrase, qui me tue aujourd'hui, je réalise que je ne l'ai entendu prononcée que par des femmes, avec résignation et sur un ton infiniment léger.
(...)
J'ai une petite fille de neuf ans qui a les cheveux crépus. Des cheveux crépus qui dansent joyeusement sur sa tête. J'espère qu'elle les laissera s'envoler et qu'elle les aimera comme ça.
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• Faïza Guène, 'Fibres de paille'
Née en 1982, je fais partie d'une génération qui a vécu son enfance sans Internet. Petite, quand j'ai voulu ressentir le frisson du danger en me renseignant sur des sujets sulfureux, j'ai donc utilisé un dictionnaire pour chercher 'seins'. (Pour être honnête, j'ai aussi cherché 'zizi' et 'fesses').
Je me souviens que le mot 'seins' renvoyait à 'poitrine' ; que quand j'allais lire la définition de 'poitrine', le dictionnaire me disait 'voir aussi TORSE' ; que quand j'allais lire la définition de 'torse', le dictionnaire me disait 'voir aussi AMPUTATION' ; et ainsi de suite vers des gravures de blessés de la Grande Guerre et les sous-marins russes. Comme quoi, le principe de commencer à regarder un tuto bricolage pour se retrouver vingt minutes plus tard devant la vidéo d'un chat déguisé en papillon dansant sur Rihanna, c'est quelque chose qui ne date pas d'hier.
• 'Nichons ni soumis.e.s', Louise Mey
A douze, treize ou quatorze ans, on navigue un peu entre deux univers (...). On peut avoir plus ou moins envie de faire plus ou moins adulte, selon le moment et l'humeur.
Et vous pouvez aussi ressentir, accepter ou aimer vos seins de manière différente, d'un jour à l'autre, d'un moment à l'autre. Vos seins sont des organes, ils peuvent être des objets de plaisir, solitaire ou partagé ; mais vous n'avez pas à assumer le regard si chargé de sexualité que la société pose sur eux. Ce n'est PAS VOTRE PROBLÈME. Je veux dire, c'est UN PROBLÈME, mais ça ne devrait pas être VOTRE PROBLÈME. Et si vous ressentez parfois le besoin de cacher vos seins, je vous comprends. Ça aussi, ça me rend furieuse, mais pas contre vous. Si vous ressentez l'envie de les mettre en valeur, je vous comprends aussi. Pourquoi n'en seriez-vous pas fier.ère.s ? Aimez-vous.
• 'Nichons ni soumis.e.s', Louise Mey
Et on vit dans un monde où on apprend aux filles à se protéger au lieu d'apprendre aux hommes à ne pas attaquer.
Le corps d'une fille peut être perçu comme une provocation, alors que les garçons conservent une liberté de mouvement, de nudité. ("Nichons ni soumis.e.s", Louise Mey)
La vie est vraiment trop courte pour ne pas s'aimer.
- Eh oui, ma chérie, il faut souffrir pour être belle.
Comme si cette phrase n'était pas violente. Comme si elle ne résonnait pas comme une condamnation injuste. Non, la souffrance n'est pas une condition qu'on doit accepter sans moufter. Qui a décrété ça? Qui a réussi à nous infliger tant de tortures pour qu'on se conforme à une certaine idée de la beauté?
P.19
Rien ne justifie les regards graveleux que les-Hommes-Dans-La-Rue posent sur les filles, sur les femmes ; rien ne justifie les commentaires - y compris ceux de certaines femmes, parfois, qui signalent une jupe trop courte ou un tee-shirt trop serré - même si, et cela aussi j'ai dû vieillir pour le comprendre, leurs remarques peuvent partir d'une bonne intention. Elles voudraient vous protéger. Et on vit dans un monde où on apprend aux filles à se protéger au lieu d'apprendre aux hommes à ne pas attaquer.
Ne déclarez pas la guerre à votre corps, à cause des autres.
P.49
Être trans, ce n'est pas forcément modifier son appareil génital. C'est s'épanouir dans le genre qui nous convient réellement.