Un nouveau livre d'
Olivier Cyran, l'un des auteurs de
Boulots de merde ! du cireur au trader (La Découverte, 2016), la plus réjouissante (autant que pertinente) critique du monde du travail, ça se fête ! Cette fois, le journaliste sociologue mort dans le vif d'un sujet parfois douloureux, les dents, et corolaire inévitable, les soins dentaires. Evoquant dès le préambule sa propre stomatophobie, avec un humour ravageur – quand, par exemple, il décrit ainsi la situation de la victime du bourreau dentiste : « le fauteuil en position résignée, la gueule ouverte comme une huître prête à déguster, la pompe à salive et la soufflette, la langue plaquée au sol par de gros doigts intrusifs, l'abandon total de sa souveraineté bucco-dentaire à un type qui vote certainement à droite… » -, il montre pleinement que « la dent est un objet politique », cristallisant autour de son émail de forts enjeux socio-économiques, devenant une icône rikiki de la lutte des classes.
Olivier Cyran rappelle ainsi la phrase malheureuse d'un récent président de la République ironisant sur les « sans-dents », sans se douter de la puissante charge symbolique de son propos, si révélateur du mépris des puissants pour les misérables, de fait édentés par l'absence de ressources, l'impossible accès aux soins… un propos qui lui reviendrait dans les gencives ! Après une histoire rapide, mais détaillée, de la profession des « quenottiers », de la Préhistoire à nos jours,
Olivier Cyran développe une enquête sociologique autour des dents, de leurs fonctions (de la mastication au sourire, eh oui !) et de l'organisation de leurs soins, révélant tout « ce qu'elles disent de nous et de la guerre sociale » (selon le sous-titre de l'ouvrage, comme un programme amplement respecté), en appelant à de nombreux témoignages… Et c'est passionnant ! Alors, ne tergiversez plus comme avant une visite chez le dentiste, retroussez vos babines, avancez molaires et canines, et mordez à belles dents dans le livre d'
Olivier Cyran, une affaire aussi sérieuse et joyeuse que peut l'être la mastication d'une côte-de-boeuf, quand on a les quenottes qu'il faut !