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EAN : 9782738154118
304 pages
Odile Jacob (20/01/2021)
3.69/5   91 notes
Résumé :
« L'impact du milieu n'a pas le même effet sur un bébé, sur un adulte, selon la construction physique et mentale de chacun. Ce que nous sommes aujourd'hui n'est pas ce que nous serons demain, marqués, expérimentés et souvent blessés par l'existence. Notre corps et notre esprit modifiés par la vie devront s'adapter à un monde toujours nouveau.
Les hommes et les femmes, les pères et les mères, voient leurs places respectives bouleversées par une nouvelle donne ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (9) Voir plus Ajouter une critique

Simone de Beauvoir raconte qu'un des sujets d'agrégation qu'ils avaient imaginé avec Sartre était :
L'âme et le corps. Ressemblances. Différences.

Et ça les faisait mourir de rire. Moi aussi.
Dans « Des âmes et des saisons », Boris Cyrulnik s'attaque à ce problème philosophique, sous l'angle du changement que l'humanité a vécu depuis 300 000 ans d'abord à cause des glaciations, de la sécheresse (1 ) , puis dans les affects différents dus à l'idée de famille naissante (2), enfin, troisième aspect de l'écologie, les croyances , les mythes et les normes culturelles (3).

1 Les rapports de domination de l'homme sur la femme, et l'existence de dominants dans les meutes humaines s'expliquait par les conditions de vie difficile : Il faut tuer le mammouth et le rapporter aux femelles qui allaitent les petits. Tuer pour ne pas être tué. Il faut être violent, l'homme, le vrai, doit tuer. La femme dans l'ombre, pas le temps ni l'esprit pour « l'amour »

2 Pourtant, à l'âge paléolithique, les rapports de domination n'existaient pas, les chasseurs cueilleurs ne possédant rien, et ne mangeant que des feuilles et des fruits ils ne se faisaient pas la guerre. Au néolithique, il y a 10 000 ans, avec l'invention de l'élevage et de l'agriculture, la notion de famille elle aussi s'élabore : il faut entreposer les céréales, faire des enclos, pour les hommes reconnaître ( enfin, disons) les enfants, alors qu'avant les enfants naissaient dans un clan et n'appartenaient qu'au clan.
3 Il n'est désormais plus nécessaire qu'un homme soit un héros de la guerre, d'ailleurs il n'y a plus de mammouths. le pater familias n'existe en fait plus non plus, il a persisté au XIX siècle quand les femmes ne travaillaient pas, son image a vacillé avec les congés payés, qui ont permis aux femmes de se prélasser sur les plages. C'est l'image même de la virilité qui en prend un bon coup, on rit lorsqu'on lit certains textes vantant l'héroïsme violent masculin. Les rapports dans les couples n'ont plus rien à voir avec la femme enfantant au fond de sa caverne, ou se mariant pour faire un beau mariage.

Ainsi, le climat, les affects qui changent avec les changements climatiques, et les croyances liées au sexe, ont influencé le cerveau humain.


Quelques exemples de ces nouveaux points de vue :

- Les chasseurs cueilleurs, dit Cyrulnik, devaient être en meilleure santé. Ils étaient aussi beaucoup plus grands, 1m 95 pour les hommes, 1m 90 pour les femmes. Au néolithique, la race humaine mesure en moyenne 1 m 60. La sédentarisation a pour conséquences les pandémies.

- La route de la soie transporte avec elle des outils, des langues, des idées et des croyances( bouddhisme, mazdéisme et islam), elle apporte de beaux tissus en Occident, mais aussi la peste et les épidémies mortelles.

- Tchernobyl , en donnant la parole à des experts non politiques permet la critique du régime et annonce la perestroïka.

- Les guerres aussi ont apporté paradoxalement la liberté aux femmes, qui ont tenu à la place des hommes les commerces, les entreprises et les enfants. En revenant de guerre, les hommes ne savaient plus rien faire.




Ce livre m'a semblé rassembler des conférences données au fil du temps, il y a des redites nombreuses, des illogismes, pas vraiment de fil conducteur sauf les 3 points que j'ai essayé de faire ressortir : l'influence du climat, de l'image de la famille et des croyances qui y sont liées , et presque comme s'il n'avait pas pu s'en empêcher, le rappel des enfants maltraités ou abandonnés restant à vie susceptibles d'être malheureux, la brutalité des relations ( comme à l'ère industrielle naissante )provoque des substances de stress, les informations reçues sont circuitées vers l'amygdale, au lieu que pour les gens heureux, c'est l'ocytocine, l'hormone de l'attachement. qui se sécrète. Pourtant, ajoute Cyrulnik, la résilience est là.

Cependant, pour terminer avec une note gaie, je cite Cyrulnik qui parle de la solitude et des nouveautés, PMA, divorce, travail des femmes à plein temps :

« Les godemichés électriques donnent aux femmes un plaisir physique supérieur à celui que peut donner un homme, mais, comme elles ne vont pas au restaurant avec un godemiché, elles prennent un amant pour cet usage. »
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Boris Cyrulnik raconte ici l'influence de notre environnement sur notre développement, tant psychique que physique.
A l'instar de l'historien israélien Harari, son étude couvre un grand pan de l'histoire de l'humanité...
En quelques 300 pages, quelle synthèse!... le climat influe le métabolisme, tout comme le contexte social.

Nous sommes ainsi un produit de la nature, ce que l'on tend à oublier trop souvent.

Son étude recouvre un champ très vaste: ainsi nous apprenons que nos ancêtres lointains Cro-Magnon étaient très grands (plus d'1,90m....) et que le passage du stade de chasseur-cueilleur à celui de sédentaire s'est accompagné d'une diminution de la taille moyenne; effet des graisses absorbées ou des protéines animales?

Les passages sur la différenciation des sexes sont vraiment intéressants: on voit que cette différenciation est moins marquée de nos jours car moins "utile"... L'analyse de l'impact de l'environnement sur l'anatomie et la puberté est marquante..; de même l'impact du stress sur la grossesse...
J'ai trouvé par contre un peu difficiles d'accès les passages sur l'évolution du cerveau....

La différenciation de la morphologie selon la classe sociale est un des thèmes porteurs du livre aussi.
Et l'analyse historique est souvent très percutante: ainsi la fin du servage à la fin du Moyen-Age, à relier avec l'effet effroyable de la Peste Noire, qui en contrepartie a rendu primordial le travail des paysans, d'où la nécessité de plutôt bien les traiter...

Et cette nouvelle donne désormais: l'aristocratie maintenant est celle des diplômes.

En conclusion: un livre de grande qualité de synthèse qui nous montre, comme le dit si bien l'auteur, que nous sommes victimes de nos victoires. Pour ne pas mourir, nous avons dû domestiquer l'agriculture, élever les animaux pour les manger, et développer aussi des outils culturels.
Mais en même temps, nos élevages intensifs (de plus en plus intensifs avec l'augmentation de la population) sécrètent des virus qui nous détruisent. Pour nourrir cette population toujours grandissante, nous produisons de la nourriture en masse, mais la qualité n'est pas toujours là...bref de gros défis toujours à relever!





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Étonnant ce sentiment de retrouver, à la lecture de cet ouvrage de 2021, combien de thèmes abordés lors de ma précédente lecture d'Élisabeth Badinter, paru en 1986.

Cyrulnik tente-t-il d'expliquer notre histoire, notre civilisation, nos contacts sociaux et notre psychologie à partir de la relation entre notre mileu et les stimuli nerveux qui parcourent notre organisme. Cela en a tout l'air. C'est dans un style simple et apparemment (j'insiste) décousu qu'il nous décrit certains aspects de notre humanité ici et maintenant mais aussi dans le temps.
C'est une plongée fascinante dans le monde la neurologie appliquée. Appliquée à tout, à l'ensemble de nos comportements. à notre pensée, nos émotions... et j'hésite à prononcer le mot sacré : notre être.
Quelques influx nerveux pour une ontologie qui en vaut bien d'autres. Et cette écriture faite de détours ne mime-t-elle pas les détours que prennent nos pensées et notre psychologie profonde pour justifier nos actes ou bâtir (consciemment (?) notre futur.
Il relance en tout cas le vieux débat de l'inné et de l'acquis en en brisant les hypothèses les plus courantes.
Un exposé sain qui finalement, s'il n'hésite pas à utiliser la circonvolution plus que la ligne droite, atteint son but en plein coeur, en plein neurone devrais-je dire.



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L'approche psycho-écologique distingue trois niveaux.
Le premier niveau concerne l'enveloppe proche du corps. le deuxième niveau, plus éloigné, est constitué de la famille, du quartier et de l'école. Enfin, le troisième et dernier niveau est celui des mots et des représentations abstraites.
Chacun de ces niveaux quand il se modifie ou qu'il change a un impact sur notre personnalité et même sur notre biologie.
À l'aide de nombreux exemples empruntés à la psychologie ou à l'éthologie, Boris Cyrulnik montre à quel point l'environnement agit sur l'être humain. Contrairement à ce que l'homme a longtemps pensé, il a certes dominé la matière, mais il est loin d'avoir dominé la nature.
Le livre n'est pas toujours facile à lire, mais il est passionnant.

Lien : https://dequoilire.com/des-a..
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Je commence par ce qui m'est apparu comme l'essentiel ; à savoir la méthode d'analyse, Boris Cyrulnik la présentera à plusieurs reprises en leitmotiv, mais dans différents langages. Il s'agit de « raisonner en terme systémiques » ce qui donne dans l'expression la plus vulgarisée : « voir le monde comme un oignon où les causes d'un fait peuvent provenir d'une pelure proche autant que d'une pelure éloignée ». Autre traduction psycho-écologique, je cite :
- Au plus près du corps : température, lumière, climat, substances bénéfiques, maléfiques qui agissent sur le métabolisme
- A distance moyenne : la pression vient du corps de l'autre, de sa manière d'agir, d'établir des relations affectives médiatisées par des geste s et des mots
- Au plus loin des corps : le récit collectif, les organisations sociales, les sentiments, les croyances agissent sur notre cerveau, notre développement, notre histoire
En conséquence de quoi au fil de l'histoire, à chaque variation climatique, la culture a changé de forme
Et encore, sur l'exposé de la méthode cette belle expression mathématique : Selon deux axes ; en ordonnée l'hérédité verticale ; en abscisse l'héritage latéral fragmenté en 3 couches qui constituent l'enveloppe écologique ; proches, médians, lointains.
Boris Cyrulnik écrit comme il parle, ou parle comme il écrit, c'est agréable, truffé d'anecdotes, les digressions nombreuses sont intéressantes. C'est assez unique, la conjugaison d'une belle langue, mélodique, littéraire à la fois très classique et accueillant sans heurt le vocabulaire et les concepts scientifiques les plus actuels dans la discipline d'excellence de l'auteur neuropsychiatre. Je vous en livre un exemple :
"Mon corps est un carrefour de pressions écologiques, mon âme un carrefour de récits, l'esprit des êtres humains organise le milieu qui sculpte le corps et l'âme de ceux qui y vivent ".
Boris Cyrulnik passe constamment du niveau du sujet, à celui de la société, il scrute, commente voire imagine les évolutions de ce tandem au fil du temps et de l'histoire. C'est ainsi qu'il revient fréquemment sur la question des genres.
J'ai personnellement trouvé trop long le propos à partir d'une question sur la nécessité de la violence, ici lorsque l'espèce humaine est en guerre contre le climat, la réponse vient après bien des détours, plutôt conjuguée au masculin, et darwinienne : la violence est une adaptation.
L'inconvénient d'utiliser plusieurs registres, est ici aggravé par l'absence de structuration forte du propos, du coup ça donne l'impression de réchauffé, dommage ! l'ouvrage comporte beaucoup trop d'autocitations, au risque d'apparaître comme un simple résumé des étapes précédentes faiblement réactualisé et avec juste un léger changement d'angle au vu des sujets d'actualité.
Bon ! Si je me permets de ne pas verser dans une adoration iconique, je vous confesse bien volontiers que j'ai beaucoup apprécié la grande richesse des propos et notamment :
Sur le plan de la personne ;
- Ce qui se passe dans le cerveau, les observations cliniques rapportées de manière très intelligibles, plus -value décisive à des réflexions intelligentes.
- Comment apprendre à désespérer : autour de l'expérience sur des rats : sur l'aguerrissement : c'est l'espoir qui permet de continuer à se battre, il est d'autant plus réel, crédible lorsqu'on a l'expérience d'avoir été secouru antérieurement
- L'idéologisation de résultats de la biologie et ses ravages : sur l'hormone,
et au hasard la testostérone !
- Comment se constitue le capital du petit de l'homme : des facteurs de vulnérabilité, des facteurs de protection
- Quand les mots sculptent le cerveau ( l' exemple chez les dépressifs est très parlant, la comparaison chauffeur de taxi/chauffeur de bus presque édifiante)
- L'élagage synoptique de l'adolescence, révélé par la neuro-imagerie fait l'objet d'un développement très instructif.
Sur le plan sociétal :
- L'affirmation forte et surtout démontrée, documentée sur le fait que les êtres humains ne sont pas séparables de leur milieu comme nous l'a fait croire un individualisme simplificateur
- La répétition d'un même processus a provoqué les mêmes effets : le stockage des biens et la course aux profits ont régulièrement entraîné des épidémies mortelles et des bouleversements sociaux ( route de la soie, Covid 19)

- L'installation d' une nouvelle aristocratie c'est celle des diplômes et donc l'importance du porte-monnaie des parents.
Je partage totalement le diagnostic de Boris Cyrulnik, le fléau à combattre absolument est l'isolement. Il faut faire feu de tout bois ; avec l'espoir que développe l'auteur sur les bienfaits de L'effort mental pour comprendre et faire récit et qui entraîne le sujet à ressentir différemment
Je termine cette critique avec deux excellentes nouvelles :

- le dernier chapitre résume l'ensemble, en fait une belle synthèse

- L'envie de recommencer ou d'approfondir la lecture, plus savante, parce que je suis devenu un lecteur mieux aguerri, et, ami babéliote, nous avons le temps puisqu'avec avec humour Boris Cyrulnik nous convie à faire le bilan et l'évaluation de ses anticipations dans 50 ans !

En résumé, je salue le brio de Boris Cyrulnik, son sens des formules, la richesse incontestable de cette conférence écrite, qui reste pour moi néanmoins mal structurée, ce qui peut passer ici pour un détail mais qui aurait pu très mal servir un auteur-expert, moins.. aguerri !
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critiques presse (4)
LeSoir
20 mai 2021
Dans son dernier essai, « Des âmes et des saisons », le neuropsychiatre Boris Cyrulnik replace quelques balises dans notre monde chamboulé.
Lire la critique sur le site : LeSoir
LaPresse
22 mars 2021
Un livre touffu, rempli d'un savoir précieux qui nous aide à comprendre le monde dans lequel nous vivons.
Lire la critique sur le site : LaPresse
SudOuestPresse
15 mars 2021
Dans son dernier livre, « Des âmes et des saisons », Boris Cyrulnik repense l'homme à travers la « psycho-écologie » et notre rapport à la nature.
Lire la critique sur le site : SudOuestPresse
Bibliobs
25 janvier 2021
Dans « Des âmes et des saisons » (Odile Jacob), le célèbre neurologue raconte comment hormones et culture tissent nos convictions intimes et notre identité sexuelle.
Lire la critique sur le site : Bibliobs
Citations et extraits (122) Voir plus Ajouter une citation
On a filmé le même déchaînement de fureur lors de la Libération en France quand un collaborateur fut pendu par les pieds. Quand il est mort d'asphyxie et que son corps est tombé à terre, une dame âgée au chignon bien élevé a frappé le cadavre à coups de canne. Ce n'est pas après avoir réfléchi que cette dame a décidé de frapper un mort. L'homme était collaborateur pour des raisons morales, il voulait épurer la société de ses parasites, les étrangers, les Juifs et les handicapés. Et la dame, tout aussi morale, s'acharnait sur la dépouille d'un homme qui avait trahi la France en collaborant avec l'occupant. La pensée binaire est une pensée paresseuse qui s'impose à nous tant elle est logique : le jour s'oppose à la nuit, la droite à la gauche, le corps à l'esprit et le masculin au féminin. Pour penser le monde il faut le catégoriser, classer les objets selon leur forme, leur couleur ou leur poids : on ne fait pas boxer un poids lourd contre un poids léger, on ne vend pas un beau morceau de viande au même prix qu'un bas quartier. Depuis Homo sapiens, et peut-être même avant, le découpage du monde par la pensée permet de mieux le voir et d'agir sur lui. Dès que l'esprit catégorise ce qu'il voit, le monde devient clair et dicte les conduites. Cette pensée binaire se connote très vite d'une signification morale : le haut est supérieur au bas, le devant est plus noble que le derrière, le dedans plus intelligent que le dehors. Le dualisme aide les enfant, à penser, mais quand cette représentation fragmentante fige les certitudes (si ce n'est pas inné, c'est acquis), elle renforce les convictions qui mènent au fanatisme...
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Aujourd'hui, dans de nombreux foyers, les deux parents disparaissent le matin, délèguent leur pouvoir protecteur et éducatif à une employée de la petite enfance, puis reviennent le soir pour le rebond affectif et le partage approximatif de l'entretien du fover. Selon les récits d'alentour, un père peut être admiré quand il chasse, héroisé quand il part à la guerre ou descend à la mine, détesté quand il terrorise son foyer et affadi quand personne n'en parle, quand il part travailler on ne sait où, faire on ne sait quoi et revenir de nulle part. Depuis les années 1970, la culture met en scène un père donneur de soins. Les films, les romans et les journaux, surtout féminins, mettent la lumière sur ce père aidant de la mère.
L'approche scientifique de cette nouvelle paternité est difficile tant les variables sont nombreuses, mais cliniquement on peut soutenir que le père tout-puissant n'existe pratiquement plus, que le père violent est criminalisé et que le père aidant de la mère prend la place qu'il peut sans qu'on sache encore en évaluer les effets.
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Entre 4 000 et 7 000 mètres, l’altitude devient très contraignante. Quand l’air et l’oxygène se raréfient, la vitalité diminue : moins de plantes, moins d’animaux, le pas se fait plus lent, la respiration accélère et les petits en haute altitude ralentissent leur croissance.

La haute montagne fragmente les populations. Les villages étendus des vallées tropicales deviennent des hameaux tibétains. Avec l’altitude apparaissent des maisonnettes et, sur le haut du haut, la technologie des tentes modernes permet de ne pas mourir de froid.

La culture, elle aussi, varie selon les niveaux. Les vêtements, bien sûr, mais aussi les rituels de rencontre et les mots de politesse s’adaptent aux températures. Quand on se croise en montagne, on dit : « Que Dieu vous bénisse », mais quand on passe près de la même personne dans une grande ville, on fait comme si elle était transparente. Les cérémonies religieuses, tolérantes et dissipées dans les plaines, deviennent rigoureuses avec l’altitude. Le calendrier communautaire, la répartition du travail, la construction des abris, la conduite des troupeaux, la fumure des champs évoluent différemment d’un groupe à l’autre.

Quand le contexte écologique suscite des événements différents, on n’a pas les mêmes choses à raconter. L’éthos, la hiérarchie des valeurs morales qui caractérise une culture, dépend, plus qu’on le croit, de la structure du milieu.

Dans les plaines tropicales où la vie est facile, l’éthos privilégie la libido, le plaisir des petites jouissances. Dans les grandes étendues urbaines, il faut organiser des lieux de rencontre si l’on veut parler, jouer, assister à un combat de coqs ou tenter une aventure sexuelle. Alors que l’éthos des hauts sommets met en valeur le courage physique, la rigueur des rituels de rencontre, l’ingéniosité des constructions, la générosité de ceux qui partagent leurs biens et respectent les codes sexuels.
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Ce n’est qu’à partir de la Révolution française qu’on a cessé d’expliquer la force physique et mentale par le fait d’être bien né, et qu’on a osé penser qu’une bonne organisation sociale pouvait produire le même effet. …Avant on vivait entre deux paradis : le paradis perdu à cause de la faute originelle et le paradis à retrouver éventuellement après la mort. Entre les deux la vie était une vallée de larmes. Pour mériter le bonheur il suffisait d’obéir aux prêtres et aux aristocrates qui étaient grands, forts, riches et cultivés. L’idée neuve de 1794, aujourd’hui s’appelle « école »..On ne construit plus une société grâce à l’art de la guerre, grâce aux bras des prolétaires et au ventre des femmes. C’est le diplôme depuis 1970 qui hiérarchise les communautés.
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Quand le développement a été sécurisant et fortifiant, dans une famille stable et une culture en paix, un message sensoriel sera plus facilement orienté vers le noyau accumbens dont la stimulation déclenche des sensations agréables. Quand une excitation trop intense provoque une douleur, un cerveau auparavant fortifié orientera moins l'information vers l'amydgale rhinencéphalique, qui provoque des sensations désagreables. Le fait d'avoir acquis un facteur de protection avant de recevoir l'impact douloureux atténue la souffrance.
A l'inverse, quand l'organisme du mammifère humain ou non humain s'est développé dans des conditions adverses, les messages de douleur ont pris l'habitude d'être orientés vers l'amygdale, qui amplifie l'information douloureuse. Quand l'organisme a acquis des facteurs de vulnérabilité, la même stimulation douloureuse aggrave la douleur.
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Boris Cyrulnik vous présente son ouvrage "Quarante voleurs en carence affective : bagarres animales et guerres humaines" aux éditions Odile Jacob. Entretien avec Sylvie Hazebroucq.
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