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Critique de Filox


Filox
16 septembre 2016
Voici un ouvrage qui m'a beaucoup donné à réfléchir. A la fois, parce qu'il apporte des connaissances, notamment en provenance des neurosciences, qu'il les éclaire, et parce qu'il propose des approches multiples, nuancées, structurées autour de la figure du « héros » et que, progressivement il nous amène à des pistes de solutions sur des questions d'actualité où des « réponses réflexes », irrationnelles et convaincantes pourraient nous conduire à ne pas surpasser la barbarie version XXI ème siècle qui s'installe à visage ouvert ou masqué.

Ce que j'ai repéré de fondamental, à cette première lecture, car je pense qu'il faut lire plusieurs fois cet ouvrage, plus ardu qu'il n'y paraît peut se synthétiser ainsi :

- Pour un individu, la construction du sens naît de la relation des premiers semaines , un nourisson soigné et nourri par sa maman, lorqu'il la voit, et c'est une acquisition, par anticipation avant tout acte concret ressentira du bonheur. A contrario s'il est maltraité, et même s'il a affaire à un référent bienveillant, lorsqu'il le verra s'attendra à recevoir une maltraitance. La réponse réflexe positive dans le premier cas donne accès au sens, dans le deuxième cas, ce n'est pas irréversible mais il faudra du temps et des actions pointues pour inhiber la réponse réflexe négative.

- Autre manière de comprendre, physiquement, ce phénomène : la capacité neurologique à différer une réponse motrice provient de l'existence du lien entre des neurones du lobe préfrontral vers le système lymbique, et pour avoir cette capacité, il faut avoir été élevé sans carence affective. Si le cerveau n'a pas été correctement façonné, il ne pourra répondre qu'aux stimulations de contexte, et en gros n'accédera qu'à deux modes : se taire ou exploser, ou encore il ne saura pas associer le passé avec l'avenir (la vue de "maman " puis autrui m'annonce de bonnes choses ce qu'il n'a pas vécu et pas pu construire ) et il ne pourra donner sens à ce qu'il perçoit.

Cyrulnik décrit le test célèbre du marshmallow, qui démontre que des enfants qui ont été capables d'inhiber le passage à l'acte et de différer le plaisir sont 20 ans plus tard les plus épanouis et ont mieux réussi que les enfants qui en ont été incapables.

- Sur le thème du héros, deux grands aspects selon que le héros soit icône ou idole : nous avons besoin d'icônes héroïques pour nous réparer, mais si le héros devient idole, seule la passion fonctionne, plus de pensées, et donc plus de doutes , et c'est là que se noue le drame : il y a du bonheur dans la soumission ….

De cela découle, la fabrique du totalitarisme, la compréhension du pouvoir du héros, qui s'autoproclame ainsi et comme l'adoration d'un même héros qui unit le groupe, ce qui est de plus infiniment agréable ….D'où la naissance des rédempteurs à partir de récits, dans lesquels malheureusement des peuples bafoués peuvent avoir tendance à se reconnaître facilement.

Je n'irai pas plus loin dans cette critique, cet ouvrage donne ainsi des clés, à l'échelle personnelle et à l'échelle des nations. En soulignant le piège du bonheur d'avoir une doxa, de ne pas subir l'épreuve angoissante de la liberté de penser, de se retrancher derrière l'obligation d'obéir, B Cyrulnik nous interroge sur les contours de notre « zone de confort » et fournit les conditions nécessaires de « resocialisation » de ceux qui n'ont pas eu la chance de bénéficier d'un bon départ dans la vie. Comprendre n'est pas agir, mais ne pas comprendre, conduit à agir n'importe comment.

Bonne lecture !
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