C'est le premier DOA que j'ai lu, juste après L'honorable société, qu'il avait coécrit avec Dominique Manotti. Qui était donc ce co-auteur de ma romancière préférée ? Quel était sa façon d'écrire ?
Et bien le serpent aux milles coupures y répond avec style : un grand du polar noir, punchy et anguleux.
Un motard arrive sur un rendez-vous et liquide tout le monde. Il est blessé, il doit toujours être dans les parages. Où s'est-il planqué ? On est dans le Sud-Ouest, les vignes, le calme de la campagne. Un officier de gendarmerie se lance aux trousses de ce tueur.
Ce court roman va à deux cent à l'heure (et encore je ne sais pas si le moteur de la moto du héros ne permettrait pas d'aller plus vite). C'est très alerte, les enchaînements se succèdent avec rapidité. C'est très cinématographique aussi. D'ailleurs depuis ma lecture en 2011, un réalisateur, Eric Valette, a décidé en 2015 de tenter l'adaptation sur grand écran. Il va falloir que le voie un de ces jours.
Le seul hic, c'est que si l'action crépite, le fond est assez banal. Une guerre des stups bien traitée, et pas plus.
Sud-Ouest de la France, au beau milieu de la nuit. Deux voitures se dirigent vers un curieux point de rendez-vous : une vigne. D'emblée, on sent que rien ne va pas se passer comme prévu...
Et en effet, quelques minutes après l'arrivée d'une première voiture, un homme surgit de nulle part et abat de sang-froid ses occupants, avant de s'enfuir sur sa moto, blessé à la jambe...
C'est le point de départ d'un déchaînement de violence et d'une course à la poursuite de ce mystérieux motard, qui aura à ses trousses des barons de la drogue colombiens, des policiers et un redoutable tueur-à-gage...
Grand amateur des romans de DOA, Eric Valette avait été particulièrement frappé par la dimension cinématographique de son polar-rural "Le Serpent aux mille coupures", paru en 2009 chez Gallimard, dans la collection "Série Noire".
Huit ans après sa parution, il a réussi à le transposer, et ce, avec brio, sur grand écran - un film sorti le 5 avril dernier- et en étroite collaboration avec l'auteur lui-même.
Cette adaptation laisse beaucoup de questions en suspens et nous donne envie de nous plonger dans l'univers de DOA.
En seulement 200 pages, un thriller politico-policier explosif du grand DOA.
Moissac. Un couple et leur petite fille, en butte au racisme et au déchaînement de haine des paysans qui lorgnent sur leurs vignes, et qui ne supportent pas de voir un noir installé sur «leurs terres», un tueur solitaire blessé en fuite sur sa moto, des trafiquants de drogue colombiens, issus d'un groupe paramilitaire d'extrême droite soutenu par les Etats-Unis pour combattre les FARC, ayant un rendez-vous avec la mafia italienne pour consolider leurs réseaux en Europe : tout ce petit monde entre en collision sanglante dans les vignes du Tarn et Garonne.
«Le regard du paysan se porta vers une ligne de crête derrière laquelle, à un kilomètre à peine, se trouvait la ferme que le nègre habitait, avec sa femelle – quel autre nom pour une Blanche qui copulait avec un boucaque ? – et leur sale gamine. Parce qu'ils s'étaient reproduits, ces animaux-là !
Impossible de l'apercevoir d'ici et c'était aussi bien. Sinon, Baptiste Latapie n'était pas sûr qu'il y aurait pas fait une descente, à leur ferme. Pour en finir une bonne fois pour toutes. En plus, ils étaient isolés, ces cons-là ! Autour, il y avait plus que des résidences secondaires ou des gîtes et, en cette saison, tout était fermé.
Mais les autres avaient dit de plus s'approcher trop près, à cause des gendarmes qui tournaient dans le coin, depuis les dernières plaintes du père Dupressoir et du singe. Ils étaient même venus de Toulouse pour enquêter quand ça avait cramé. Et comme ils avaient rien trouvé, ils surveillaient.
Alors c'était la guérilla, comme ils disaient les autres, les Cathala, les Viguie, les Fabeyres et tous les exploitants qui voulaient pas de macaque au païs. À l'usure qu'ils l'auraient. Ici, ils y revenaient chacun leur tour, comme le mauvais temps.»
Vendettas locales et globales viennent s'agglomérer dans ce roman sous tension d'une violence explosive, avec pour pivots deux personnages d'une grande épaisseur, le lieutenant-colonel Valéry Massé du Réaux, conscient de l'impuissance d'une police à court de ressources qui n'a plus les moyens de protéger les petits, et le tueur isolé, dont l'humanité affleure dans sa violence et sa solitude, tandis qu'il cherche à sauver sa peau face à des adversaires sans doute trop puissants ; et tous les deux illustrent, indirectement et avec une habileté profonde, les racines du mal qui gangrène les états.
Au coeur de cette intrigue ce qui transpire est une parabole sur la mondialisation, la globalisation du trafic de drogue et les liens poreux que certains états entretiennent avec lui – avec lequel le récent «Or noir» de Dominique Manotti vient résonner -, soulignant comment le modèle néolibéral contamine des états à bout de ressources, qui sous-traitent aux mercenaires privés les missions trop coûteuses et risquées.
Paru en 2009 en Série Noire Gallimard, cette suite immédiate de «Citoyens clandestins» même si on peut les lire indépendamment, se dévore, se reçoit comme un coup de poing dans le ventre, à prolonger avec l'indispensable «Pukhtu Primo».
Retrouvez cette note de lecture sur mon blog ici :
https://charybde2.wordpress.com/2015/10/08/note-de-lecture-le-serpent-aux-mille-coupures-doa/
C'est lors d'une "petite opération anti-nègre" que Benjamin se retrouvera mêlé à tout ça. En effet, pour le moment, dans la campagne de Moissac, dans le Quercy, les intérêts des paysans tournent plutôt autour du fait de savoir comment se débarrasser d'Omar Petit, noir de son état, qui a osé devenir un des leurs.
Mais ça c'était avant... Avant l'arrivée de la pègre italienne, de représentants d'un groupe paramilitaire de narcotrafiquants colombiens, et d'un motard solitaire qui n'a rien à perdre et n'a peur de rien.
Ajouté à tout cela, une petite dose de "raison d'état", vous obtenez un portrait sans concession de la France d'aujourd'hui dans un monde où tout est globalisé, y compris la drogue et la violence.
Vu d'une campagne du Sud-Ouest, écrit sur un rythme échevelé, vous ne résisterez pas longtemps à la lecture de ce livre intelligent, bien construit, entre le thriller et le roman noir. Un vrai plaisir de lecture !
Après avoir été une nouvelle fois enthousiasmé par DOA et son « Citoyens clandestins », je poursuis mon expérience avec la suite « le serpent aux mille coupures ». Les deux histoires sont réunies dans un volume appelé « Cycle Clandestin 1 ». Contrairement au précédent et à « Pukhtu Primo», cet opus n'a pas du tout la même forme et n'est pas à classer dans le même genre.
Les autres livres que j'ai lus de cet auteur ne sont rien moins que des pavés. Affichant 700 pages environ, ils excellent par leur densité, tant dans les personnages que dans l'intrigue. Il est donc conseillé d'être attentif parce que leurs lectures sont exigeantes. Pour cet épisode, l'objectif est différent. Il se rapproche plus du thriller que du roman noir. En effet, le texte ne fait pas 200 pages. le récit alterne encore entre plusieurs personnages mais ils ne sont pas approfondis, la priorité étant donnée à l'efficacité. On est donc emporté dans une succession de scènes d'action qui s'enchainent à un rythme soutenu et qui éliminent tout risque d'ennui.
J'ai pris beaucoup de plaisir avec ce texte même s'il n'a pas la patte DOA des productions habituelles. Cela prouve que cet auteur a plusieurs cordes à son arc et qu'il peut toujours nous surprendre. le lien avec les autres livres est mince mais malgré son côté noir, cet épisode apporte un peu d'énergie à la série. Il m'a permis de sortir, le temps d'une histoire, de l'état de suffocation dans lequel j'étais piégé.
Maintenant que je suis à jour, je vais pouvoir planifier la lecture de « Pukhtu Secundo » et ainsi clôturer le cycle clandestin. Je vais d'abord m'accorder un sas de décompression, parce qu'il faudra que je m'arme de courage et de temps, pour replonger dans cette grande fresque anxiogène du talentueux DOA. Mais la récompense est au bout !
Roger-Jon Ellory : " **** le silence"